La mémoire fait appel à beaucoup de notions « sœur » et partage des liens avec le domaine de l’identité ou encore celui du collectif. Ces notions et rapprochement vous seront utiles pour lier le sujet à votre réponse possible…
1. Lien avec l’identité individuelle
L’identité individuelle se confond en grande partie avec notre mémoire. Notre mémoire consciente nous permet de « conduire le récit » de notre passé, et donc de brosser en quelque sorte, notre propre portrait, en articulant souvent l’imaginaire et le réel.
Réciproquement, toute personne amnésique a perdu une (grande ?) part de son identité. La question se pose toutefois de savoir si notre identité procède de notre conscience, impliquant donc un « Je » relativement maître de ses propres représentations, comme le pensent Descartes, Locke ou Kant ( le « je » doit accompagner toutes mes représentations »).
Ou bien si notre identité est en partie enfouie dans les zones inaccessibles de notre psychisme comme l’ont pensé Leibniz (« L’avenir dans une substance a une parfaite liaison avec le passé, c’est ce qui fait l’identité de l’individu ») puis Freud (le sujet ne se réduit pas à la conscience, le moi n’est pas « maître dans sa propre maison »).
Certains philosophes contemporains se sont demandés si, par hypothèse, on pouvait greffer un cerveau à la place d’un autre, (ou une mémoire), le greffé aurait alors une nouvelle identité pour un même corps… Sartre, pour sa part, observe que l’identité d’un homme ce n’est pas son passé, mais aussi bien son avenir, c’est-à-dire son projet.
En ce qui concerne les identités communautaires ou nationales, on remarque que celles-ci ne se ramènent jamais à une simple addition de composantes. Pour Renan, la nation, par exemple, n’est pas seulement une mémoire partagée, mais aussi une décision, un choix (un « plébiscite de tous les jours »). On se gardera bien, en outre, de confondre la mémoire (affective, partielle, partiale, trompeuse) et l’histoire, qui tend tout de même à l’objectivité, même si elle ne peut jamais l’atteindre. Notez enfin que la « conduite du récit » qui est déterminante tant pour les identités individuelles que pour les identités collectives, associe étroitement souvenirs individuels et souvenirs collectifs. Ce qui amène à relativiser la distinction entre l’identité individuelle (liée à ma mémoire subjective) et l’identité collective (liée aux « cadres sociaux de la mémoire).
Les philosophes ont depuis longtemps insisté sur l’existence de relations étroites entre les concepts de mémoire et d’identité personnelle. Mais si l’on admet généralement que les deux concepts sont liés, il existe d’importantes divergences quant à la manière correcte d’analyser leur interdépendance.
Quelques problèmes que pose la question générale de l’identité à travers le temps, la question de l’identité personnelle semble constituer un cas très particulier. Dans la mesure où toute personne a un corps, le problème de l’identité personnelle recoupe le problème de l’identité des objets matériels à travers le temps. Sous quelle condition pourra-t-on dire que tel système matériel (arbre, montagne, navire) pris au temps t est le même que le système matériel considéré à t+n ? Toutefois, un certain nombre de considérations s’opposent à ce que le problème de l’identité personnelle soit réduit au problème de l’identité corporelle. Ces considérations sont plus ou moins fondées sur l’intuition que l’identité corporelle n’est pas une condition suffisante de l’identité personnelle et que peut-être elle n’en est pas même une condition nécessaire. Cette intuition s’exprime notamment au travers d’expériences de pensées qui, empruntant à la science-fiction, mettent en scène des transplantations du cerveau. Si quelque savant fou se proposait de procéder à une telle greffe, vous demandant de choisir à l’avance qui après la greffe serait mis à mort, l’individu constitué de votre cerveau greffé sur le corps d’un autre ou bien l’individu constitué de votre corps et du cerveau d’un autre, qui choisiriez-vous?
Il semble que l’intuition générale attache plus d’importance à l’identité psychologique qu’à l’identité corporelle et que comme nous considérons le cerveau comme le substrat matériel de cette identité psychologique, la plupart d’entre nous préfèrent préserver leur cerveau dans le corps d’un autre.
Le concept de personne fait donc intervenir, outre l’idée d’un corps, celle de processus psychologiques ó pensées, sensations, délibérations, émotions, désirs, croyances, etc.
Mais ces processus mentaux sont des états dits occurrents qui changent de moment en moment. Nos pensées, perceptions, émotions varient et évoluent continuellement. Le problème de l’identité personnelle pourrait donc être reformulé de la manière suivante: quelles relations faut-il qu’il existe entre ces épisodes mentaux qui se produisent à différents moments pour que l’on puisse dire qu’ils appartiennent à la même personne?
2. Lien avec la théorie de la réminiscence
La théorie de la réminiscence est exprimée par Platon dans le Ménon, ouvrage sur la « vertu ».
Cette théorie affirme que notre connaissance de la vérité est le souvenir d’un état ancien où, avant d’être incarnée dans un corps, notre âme vivait au contact immédiat des pures idées dans le monde intelligible. Ainsi, pour Platon, connaître c’est se souvenir, se remémorer. Chercher et apprendre sont un seul et même acte.
Cette théorie est fondée sur le postulat de l’immortalité de l’âme. Si le corps est mortel, l’âme, elle, est impérissable, elle détient donc toutes les connaissances.
Si l’âme détient toutes les vérités, il y a cependant une méthode pour la faire accoucher, pour la faire se remémorer : c’est là qu’intervient la maïeutique, la méthode de questionnement socratique, afin de faire se rappeler l’âme.
Proust, dans la Recherche du Temps perdu, grâce au concept de conscience affective ou encore Kierkegaard, dans la Reprise, illustreront et prolongeront la théorie de la réminiscence platonicienne.
Pour Pythagore, il y a des hommes exceptionnels qui ont une mémoire exceptionnelle et qui se souviennent de leur vie individuelle antérieure. Platon transforme la théorie pythagoricienne de la réminiscence : l’âme ne se souvient pas des vies antérieures mais elle peut se souvenir de la contemplation des Idées. Si connaître c’est connaître le monde par les sens, la connaissance n’est pas véritable mais simplement opinion, c’est à dire particulière à chacun. Or l’exigence philosophique est l’exigence du savoir véritable.
Pour Platon, cette exigence ne sera satisfaite que si l’on postule l’immortalité de l’âme, d’une âme qui a contemplé les Idées. C’est parce que l’âme est immortelle, qu’elle a déjà tout appris que l’on peut résoudre le paradoxe du savoir. Bien que nous vivions dans le monde des sens, nous pouvons savoir les Idées puisque nous les avons contemplées. Bref, nous avons gardé le souvenir du savoir que nous possédions autrefois et le progrès de la connaissance n’est que son rappel de plus en plus clair. Plus opaques seront les murs de la prison, plus confuses seront les réminiscences.
3. Lien avec l’apprentissage
Selon Platon, « apprendre c’est se souvenir », car tout homme sait tout en puissance. Qu’est-ce alors qu’apprendre ? Selon la représentation courante, apprendre, c’est accueillir quelque chose d’étranger dans sa conscience ; apprendre c’est donc remplir un espace vide par des choses qui sont étrangères à cet espace même. L’esprit ou l’âme serait une “table rase”, une tablette de cire sur laquelle rien n’est écrit et qui reçoit des impressions extérieures.
Selon Platon, il y a certes des représentations de choses qui viennent de l’extérieur mais ce sont des représentations de choses singulières, passagères, des impressions sensibles. Or le véritable savoir est le savoir de l’universel, de l’Idée et ce qui est universel, ce qui est Idéel, n’est pas dans les choses mais dans l’esprit. L’universel est déjà dans l’intellect et il faut le découvrir. Apprendre c’est retrouver en soi-même la connaissance