Sur un thème connexe à celui de « la ville », comprendre « les violences urbaines » permet de ré ouvrir les débats suscités par les émeutes qui ont secoué les banlieues françaises en 2005. Elles ont été la principale cause de refondation de « la politique de la ville ». Si elles ne sont pas un phénomène nouveau, les émeutes urbaines qui ont secoué les banlieues françaises à l’automne 2005 ont revêtu une intensité et une durée qui ont interpellé durablement la société française, suscitant notamment trois débats.
Le premier a porté sur le sens des émeutes et les réponses à leur apporter. A cet égard, deux types d’analyse ont coexisté. L’un a pointé le rôle des « caïds » et des jeunes délinquants dans l’organisation des violences urbaines et préconisé en conséquence le retour au calme via la proclamation de l’état d’urgence avec recours possible au couvre-feu et via le traitement judiciaire des actes commis par les émeutiers interpellés.
L’autre a mis l’accent sur les racines sociologiques de cette explosion de violence et relevé le sentiment d’injustice engendré par le chômage et la précarité, la ségrégation urbaine et scolaire, les discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers sensibles, et notamment les jeunes hommes d’origine maghrébine ou subsaharienne qui ont été au cœur du mouvement. Cette analyse a donc prôné de répondre aux troubles en termes de mesures socio-économiques d’urgence : apprentissage à 14 ans, recentrage de la politique des ZEP, création de nouvelles zones franches, d’une Agence de la cohésion sociale et de l’égalité des chances ainsi que de préfets délégués à l’égalité des chances, déblocage de crédits pour les associations de quartier, mesures pour l’emploi et contre les discriminations…
Ces deux analyses et les solutions qui en découlaient ont été contestées notamment par certains sociologues qui rejettent sur l’absence de police de proximité et sur les pratiques actuelles de la police la responsabilité du déclenchement des violences et regrettent que l’analyse purement sociologique de la crise n’en masque la dimension politique.
Le second débat s’est interrogé sur la politique de la ville engagée depuis presque 30 ans pour remédier aux difficultés des quartiers sensibles. Nombre de commentateurs ont vu dans l’explosion de l’automne 2005 la preuve de l’échec de cette politique, désigné la mixité sociale comme l’objectif central à poursuivre pour surmonter cet échec et souhaité conforter les maires de banlieue comme acteurs de premier plan de cette politique. A ces trois assertions, les chercheurs experts de l’urbain répondent qu’on ne saurait attribuer la situation actuelle des quartiers sensibles à la seule politique de la ville sans réfléchir plus avant aux objectifs, à la méthode, aux moyens et aux critères d’évaluation de cette dernière. Ils regrettent que le consensus sur l’objectif de mixité sociale inhibe d’éventuelles stratégies alternatives dont le passé et les expériences étrangères prouvent la possibilité. Enfin, l’implication des maires ne saurait à leurs yeux tenir lieu de garantie démocratique alors que les habitants des quartiers en difficulté souffrent d’un déficit persistant de représentation.
Prenant acte de l’échec du modèle français d’intégration, le troisième débat a opposé partisans et adversaires de la discrimination positive pour répondre au manque d’intégration des jeunes d’origine immigrée. Les premiers croient utile, voire nécessaire, de réserver, au moins pendant un certain temps, à certaines catégories défavorisées des avantages dont sont exclues les autres catégories de population pour compenser des discriminations anciennes ou actuelles, assurer une plus juste représentation de groupes minoritaires ou sous-représentés et rendre une légitimité à des autorités républicaines décrédibilisées par l’échec patent de l’idéal de l’égalité des chances. Les seconds reprochent à la discrimination positive d’être contraire à l’idéal universaliste qui est le fondement même de l’idée démocratique, d’affaiblir la légitimité de ceux qui en bénéficient et d’entraîner une « baisse de niveau » puisque la politique de quotas appauvrit nécessairement le vivier de recrutement. Ils préconisent donc un renouveau des politiques d’intégration républicaine à travers une politique offensive d’égalité des chances qu’il s’agit de rendre effective ».