En complément de l’article dédié à « La politique de la ville », un focus sur la rénovation urbaine permet de comprendre en quoi celle-ci, engagée fin 2003 dans le cadre de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (dite « loi Borloo ») constitue un changement de perspective…
« Amorcée en 1977, engagée vraiment à partir de 1982-1983 avec l’invention de la procédure de développement social des quartiers (DSQ), puis avec celles des contrats de ville et des contrats d’agglomération, la politique de la ville s’efforce depuis plus de vingt ans de mobiliser des moyens humains et financiers pour réduire les difficultés des « quartiers en crise », c’est-à-dire des îlots résidentiels dont les habitants accumulent les handicaps (habitat dégradé ; chômage ; concentration de population d’origine immigrée, de ménages pauvres, de travailleurs faiblement qualifiés ; échec scolaire ; délinquance…).
Mobilisant à la fois les services de la mairie, ceux de l’État et du département, les organismes de HLM, les établissements publics, les associations, coordonnées par les sous-préfets à la ville et les chefs de projet des contrats de ville, embrassant tous les aspects de la vie quotidienne (habitat, emploi, action sanitaire, sécurité, formation, vie culturelle, environnement…), la politique de la ville a permis d’expérimenter de nouvelles formes d’action publique, fondées sur le partenariat, le contrat et la transversalité. En ce sens, elle préfigure probablement ce que seront les politiques publiques de demain, dans un paysage remanié par la décentralisation, où leur mise en œuvre exigera coopération et horizontalité.
Pourtant, quels que soient ses mérites, la politique de la ville n’a pas vraiment fait ses preuves. Limitée par la faiblesse de ses moyens financiers (5,7 milliards d’euros en 2003, soit 0,36 % du PIB, selon le rapport du Conseil d’analyse économique rendu public le 5 novembre 2003), elle n’a pas permis d’enclencher une spirale vertueuse de requalification des quartiers ni d’inverser la tendance à leur ghettoïsation.
Prenant acte de cet échec, la « loi Borloo » du 1er août 2003 réoriente la politique de la ville : abandonnant la réhabilitation des quartiers, elle mise sur des opérations de restructuration lourdes, fondées sur des démolitions massives suivies de reconstructions diversifiées, pour « casser les ghettos » urbains. Dans ce but, elle lance dans 751 zones urbaines sensibles (ZUS) un programme national de rénovation urbaine sur cinq ans, relayé par des programmes d’action locaux. Quelque 30 milliards de travaux devraient ainsi être réalisés entre 2004 et 2008 pour aménager des espaces publics, créer ou réhabiliter des équipements publics, réorganiser les voiries, rénover le parc de logements publics et privés. Dans le secteur de l’habitat social locatif, 200 000 logements pourraient être détruits, 200 000 construits et autant restructurés.
Parallèlement, la loi Borloo prévoit un important programme de revitalisation économique des zones prioritaires de la politique de la ville, avec notamment la création de 41 nouvelles zones franches urbaines (ZFU) où les petites entreprises bénéficieront d’exonérations fiscales et sociales sous réserve d’embaucher un tiers d’emplois parmi les habitants des ZUS de l’agglomération. Ces nouvelles ZFU s’ajouteront donc aux 44 zones franches existantes dont le bilan (13 200 entreprises et 45 600 emplois créés entre début 1997 et fin 2001) a paru suffisamment positif pour que l’expérience soit relancée.
Reste à voir si ces nouvelles orientations permettront à la politique de la ville de poser enfin clairement le problème, non résolu, qui est au cœur des défis qu’elle doit relever : celui de la place à faire, dans la société française, aux immigrés et à leurs descendants ».