Sur le thème de « la ville », quel que soit le sujet, vous ne pourrez pas passer à côté d’une ou plusieurs définitions du terme. Vous ne pourrez pas non plus éviter de décrire les concepts qui y sont associés en vue déboucher sur votre problématique puis votre plan…voici donc quelques pistes de réflexions…

La ville est à la fois territoire et population, cadre matériel et unité de vie collective, configuration d’objets physiques et nœud de relations entre sujets sociaux. Ces réalités n’en demeurent pas moins indissociables et sont importantes à prendre en compte car ce sont parfois leurs interactions qu’il convient de considérer si l’on veut donner une définition générale de la ville.

 

Citation de Victor Hugo (1802-1885) : « La rue est le cordon ombilical qui relie l’individu à la société.»

La ville se présente toujours comme un regroupement de populations et d’activités durablement stabilisées sur un territoire restreint. La proximité physique permet aux êtres sociaux d’entrer en relation, et favorise le développement de nouvelles relations.

Dans la mesure où elle concentre dans un même lieu un grand nombre de ces processus cumulatifs de rencontre, on a parfois cru pouvoir définir la ville comme le dispositif le mieux approprié aux divers rapports d’échange et de coopération qui s’instaurent entre les hommes.

C’est en tout cas bien en milieu urbain, par excellence, que se nouent, s’amplifient et se démultiplient les interactions de tous ordres qui sont au principe de la vie sociale.

Pour employer le langage de Durkheim, la densité « dynamique » ou « morale » de cette vie sociale se traduit d’ordinaire par une « densité matérielle » qui lui fournit en retour son principal aliment…

En pratique, les critères de la taille et de la densité du peuplement ne suffisent certes pas à distinguer ce qui est ville de ce qui ne l’est pas, d’autant plus qu’ils sont sujets à d’inépuisables controverses dès lors qu’il s’agit de fixer des seuils ou de comparer des contextes socioculturels différents. Mais on ne peut pas non plus faire abstraction de ces indicateurs commodes qui traduisent, tant bien que mal, l’une des dimensions constitutives du fait urbain.

En France, le critère de densité retenu par l’INSEE, sur la base de recommandations adoptées au niveau international, se fonde sur la notion d’agglomération de population.

Agglomération de population : Ensemble d’habitations telles qu’aucune ne soit séparée de la plus proche de plus de 200 mètres. Toute commune ou tout ensemble de communes comprenant une agglomération de population au moins égale à 2 000 habitants est considérée comme unité urbaine. Dans le premier cas de figure, il s’agit d’une ville isolée.

Au 1er janvier 2016, la France, hors Mayotte, compte 35 868 communes. Au 1er janvier 2014, les 35 868 communes françaises, hors Mayotte, rassemblent 65,907 millions d’habitants, soit 1,602 millions de plus qu’en 2009. De 2009 à 2014, la population a progressé de 0,5 % en moyenne par an. Au cours de cette période, la population de nombreuses grandes communes, y compris Paris, correspondant elles-mêmes le plus souvent à des villes-centres, a augmenté moins vite que la moyenne nationale. En revanche, les plus petites communes, faisant plus souvent partie des couronnes des grands pôles urbains, ont bénéficié majoritairement d’une croissance démographique supérieure à la tendance nationale, en lien avec le phénomène de périurbanisation évoqué précédemment. Les trois plus grandes agglomérations sont : Paris (1794 communes – 12 405 426 d’habitants), Lyon (511 communes et 2 237 676 d’habitants) et Marseille Aix-en-Provence (90 communes – 1 734 277 d’habitants).

Dans le second, d’une agglomération multi-communale ou agglomération urbaine.

Agglomération urbaine : La notion même d’agglomération dit bien, à sa façon, la double face du phénomène urbain. D’un côté, elle est processus, mouvement par lequel on se rapproche, se rencontre et « s’agglomère ». D’un autre côté, dans son sens plus usuel, elle est aussi résultat stabilisé de ce mouvement, configuration pérenne inscrite en un lieu. Cette configuration est faite de proximités souhaitées, mais elle est à son tour source de proximités subies, ou simplement inopinées.

Si la vie urbaine favorise l’accessibilité mutuelle des êtres sociaux qui cherchent à entrer en relation, elle multiplie en même temps les occasions de rencontres non programmées. Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication permet certes de nouer des contacts à la fois indépendants de la distance physique et limités aux personnes que l’on veut atteindre. Mais la perspective d’un monde où se généraliserait une accessibilité uniquement programmée signifierait d’une certaine façon la mort de la ville, comme le notait l’anthropologue Ulf Hannerz.

 

  1. Lieu de « mosaïque »

Au début du XX siècle, les sociologues de l’École de Chicago ont volontiers utilisé l’image de la mosaïque pour qualifier la distribution résidentielle des groupes sociaux et des communautés ethniques en milieu urbain

La condensation de la vie sociale, qui est au principe de l’urbanisation, implique simultanément que cette vie sociale se complexifie et se différencie. La ville rassemble des activités et des populations qui ne se distribuent pas de façon uniforme sur son territoire.

Le processus global d’agglomération se démultiplie au contraire en d’innombrables processus localisés d’agrégation et de séparation qui inscrivent dans l’espace urbain diverses lignes de partage plus ou moins tranchées. Les villes, et tout particulièrement les grandes villes nord-américaines en pleine croissance qui leur servaient de « laboratoires », sont faites de secteurs, de quartiers, d’unités de voisinage parfois très typés, voire cloisonnés.

L’image de la mosaïque pourrait tout autant s’appliquer à la physionomie du cadre bâti. À l’échelle de la ville, mais aussi en chacun de ses quartiers, se juxtaposent des formes d’emprise et des types de construction souvent hétérogènes, voire hétéroclites. Les opérations d’urbanisme ont certes pour effet (et souvent aussi pour objectif) d’introduire dans le paysage urbain des éléments de cohérence et de lisibilité.

Mais elles peuvent, tout aussi bien, surimposer en même temps à ce paysage façonné par l’urbanisation « spontanée » de nouvelles lignes de rupture et de cloisonnement. C’est ainsi par exemple que la logique de la percée urbaine, typique de l’« haussmannisation », fut productrice de contrastes inédits entre l’ancien tissu urbain et les caractéristiques (tant architecturales que sociales) des immeubles édifiés en bordure des nouvelles avenues. Des effets particuliers de rupture découlent, aussi, des multiples formes d’intervention qui raisonnent en termes de circonscriptions, de secteurs constructibles et non constructibles, de périmètres à sauvegarder, de zones à aménager, etc.

 

  1. Lieu central

La ville n’est pas que la somme de ses parties. « Elle crée une situation où les choses différentes adviennent les unes aux autres et n’existent pas séparément, mais selon des différences ».

En son sein s’agencent des activités et des groupes humains qui ne sont pas seulement juxtaposés mais sont aussi, dans une large mesure, interdépendants. Le phénomène urbain met toujours en jeu des processus d’organisation de cette diversité.

La centralité peut être :

  • La centralité du marché qui permet et régule les échanges économiques ;
  • La centralité du pouvoir qui contrôle, redistribue, et institue des règles de coexistence entre les groupes sociaux ;
  • La centralité des dispositifs qui organisent la division technique et sociale du travail ;
  • La centralité des lieux de culte, de loisirs, et plus généralement de tous les « services » offerts par la ville.

La ville n’est certes plus définie aujourd’hui dans sa matérialité par la coupure, jadis forte, avec les faubourgs et le plat pays environnant. Mais les définitions statistiques n’en assument pas moins, d’ordinaire, une représentation concentrique qui conserve d’ailleurs une part de pertinence. C’est ainsi que, pour chaque agglomération multi-communale, l’INSEE identifie un « centre ». Si une commune représente plus de 50 % de la population urbaine, elle est seule . Dans le cas contraire, toutes les communes qui ont une population supérieure à la moitié de la population de la commune la plus importante, ainsi que cette dernière, sont considérées comme villes-centres. Les communes urbaines qui ne sont pas des villes-centres constituent la de l’unité urbaine.

La distribution territoriale des différentes composantes de la centralité urbaine est cependant incertaine, comme le montre par exemple le développement des centres commerciaux multiservices à la périphérie des villes. Les contraintes de proximité s’exercent très inégalement selon les activités, et les avantages de la centralité géographique sont relativisés par d’autres logiques de localisation/délocalisation, en raison de la fluidité croissante des circuits d’échange et de communication.

La ville polarise des flux (d’hommes, de marchandises, d’informations…) qui la lient à d’autres espaces et à d’autres villes. C’est en cela qu’elle est centre, quels que soient les modes d’inscription spatiale des diverses forces d’attraction, de rayonnement ou de domination qui rythment son devenir.

 

  1. Lieu institutionnel

Parmi les « fonctions centrales » assurées par la ville, la fonction politique occupe une place privilégiée que suffirait à rappeler l’étymologie même du mot . « La présence du fait politique est partout dans la ville : la ville exerce des fonctions politiques ou administratives à l’égard d’un territoire plus ou moins vaste ; elle participe à l’encadrement territorial. Elle gère, d’autre part, ses propres affaires.

Mais la ville, lieu de centralité, est également site privilégié de l’expression, de la diffusion des idées, de la lutte aussi ; capitale, elle organise les dominations comme elle couve les révolutions ».

L’importance de la dimension politique et institutionnelle du fait urbain a été tout particulièrement soulignée dans un texte célèbre où Max Weber applique aux villes sa méthode de construction de types idéaux.

Mobilisant une érudition exceptionnelle qui lui permet d’embrasser la diversité des cultures et des périodes historiques depuis les origines jusqu’au XVIII siècle, Weber distingue un certain nombre de types de villes, dont chacun est défini par une combinaison originale de traits interdépendants (économiques, politiques, juridiques, sociaux, culturels…). Pris isolément, aucun de ces traits ne suffit à cerner l’idée de ville. Les registres du phénomène urbain sont multiples, et s’agencent selon des logiques propres à chaque civilisation.

Mais le registre politique joue un rôle central dans la mesure où il préside à l’organisation de ces agencements, qui ne peuvent correspondre qu’à un nombre limité de cas de figure possibles.

 

  1. lieu de personnalité : urbaine

Par-delà la diversité des groupes humains qui la composent et la variété de ses expressions historiques, la ville produit des manières d’être et d’agir suffisamment universelles pour caractériser en propre le citadin.

À la charnière du XIX et du XX siècle, des auteurs aussi différents que Durkheim, Weber ou Simmel s’attachent à penser les effets entraînés par le développement concomitant du capitalisme industriel, des grandes villes modernes, et des échanges entre cultures.

Les sociologues de l’École de Chicago se réfèrent explicitement à ces auteurs européens. Un modèle de personnalité urbaine apparaisse en raison même de la multiplicité des contacts occasionnés par la vie en ville, les relations sociales tendent à y être anonymes, superficielles et éphémères.

La réserve dans l’échange, la préservation de l’intimité deviennent des conditions de l’interaction. Par opposition aux liens interpersonnels qui unissent étroitement les membres du « groupe primaire » de type villageois, les citadins entretiennent plutôt des rapports « secondaires », c’est-à-dire segmentés, transitoires et empreints d’utilitarisme. En effet, chaque citadin se trouve pris dans un jeu complexe de rôles et d’appartenances. Considérée , la société urbaine est moins « segmentée » que la société rurale traditionnelle, puisqu’elle se développe sur fond d’interdépendance accrue entre des activités, des fonctions et des statuts diversifiés.

Mais du même coup, , chaque citadin est conduit à partager son temps et ses différents lieux de vie entre des interactions spécialisées, qui n’engagent à chaque fois qu’une dimension particulière de son être (travail, vie familiale, engagement politique, etc.).

 

Source : sociologie urbaine Y.Grafmeyer et JY.Authier

A bientôt.