Que vous soyez dans une dissertation d’histoire ou de culture générale spécifiquement liée aux questions internationales, la genèse de l’Europe demeure fondamentale pour tous les sujets relatifs à sa situation actuelle. Voici donc une bonne base de connaissance pour bien assoir votre développement…
A. LES PREMIÈRES INSTANCES SUPRANATIONALES
La construction européenne est née de la volonté d’hommes politiques visionnaires – Jean Monnet, Robert Schuman, Konrad Adenauer, pour ne citer qu’eux – dont l’ambition était de préserver la paix en Europe et d’en assurer la prospérité économique. En 1951, 6 pays décident de se constituer en Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) : la RFA, la France, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.
En 1957, ils fondent la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA), à l’origine de l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Le traité de Paris du 18 avril 1951 institua la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) basée à Luxembourg, indépendante des états, présidée par J. Monnet, composée de la France, l’Allemagne fédérale, l’Italie, le Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, en vigueur depuis 1948). En revanche la France, sous la pression des communistes et des gaullistes, refusa en 1954 la CED (Communauté européenne de défense).
Le pas décisif est franchi par les Six le 25 mars 1957. Les traités de Rome créent une CEEA (Communauté européenne de l’énergie atomique) ou Euratom et une CEE (Communauté économique européenne) ou Marché commun pour assurer la libre-circulation des marchandises, des capitaux et des hommes. A la demande de la France une PAC (Politique agricole commune) est mise en place en 1962.
De 6 pays en 1957 à 28 aujourd’hui, l’UE a connu sept vagues d’adhésion de nouveaux pays, communément appelées « élargissements ».
- 1er élargissement : Royaume-Uni, Irlande, Danemark (1973)
- 2ème élargissement : Grèce (1981)
- 3ème élargissement : Espagne, Portugal (1986)
- 4ème élargissement : Autriche, Suède, Finlande (1995)
- 5ème et 6ème élargissements : Chypre, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Bulgarie, Roumanie (2004 et 2007)
- 7ème élargissement : Croatie (2013)
Le Brexit (Cf. article http://www.madissertation.fr/archives/280) verra sans doute la sortie du RU de cette union mais rien n’est encore officialisé et le processus enclenché devrait prendre au moins deux années.
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Premier élargissement : Royaume-Uni, Irlande, Danemark (1973)
Au cours des années 50, le Royaume-Uni s’était tenu à l’écart de toutes les tentatives d’intégration européenne susceptibles de remettre en cause sa souveraineté, ses rapports avec son ancien Empire et sa relation privilégiée avec les États-Unis. Mais durant les années 60, les Britanniques réorientent leur politique étrangère vers une Europe continentale de plus en plus prospère.
En 1971, après deux refus de la France, qui redoute un affaiblissement des Communautés, le Royaume-Uni voit s’ouvrir les portes du marché commun. Il y est officiellement admis le 1er janvier 1973, en compagnie de l’Irlande et du Danemark. Les Communautés (CECA, CEE, CEEA) passent ainsi de 6 à 9 membres.
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Second élargissement : Grèce (1981)
Associée aux Communautés depuis 1961, la Grèce s’était retrouvée isolée diplomatiquement à la suite du coup d’Etat militaire de 1967. En 1974, la chute du régime des colonels et le retour à la démocratie rapprochent la République hellénique de l’Europe occidentale. La Grèce dépose sa candidature en 1975, mais elle doit rattraper son retard économique avant de devenir le 1er janvier 1981 le dixième membre des Communautés européennes.
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Troisième élargissement : Espagne, Portugal (1986)
Leurs régimes dictatoriaux avaient tenu l’Espagne et le Portugal éloignés de la construction européenne. Après la mort de Franco et la chute de Salazar, ces deux pays en voie de démocratisation peuvent désormais prétendre à faire partie de la famille européenne. A la suite de longues négociations, dues aux craintes économiques suscitées par cette adhésion, l’Espagne et le Portugal rejoignent les Communautés européennes le 1er janvier 1986, portant à douze le nombre de leurs membres.
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Quatrième élargissement : Autriche, Suède, Finlande (1995)
En raison de leur neutralité militaire, une partie des pays européens était restée à l’écart de la construction communautaire, préférant adhérer à l’AELE (Association européenne de libre-échange). En 1991, la création de l’EEE (Espace économique européen) étendait les règles du marché commun aux pays de l’AELE.
Entretemps, la disparition de l’Union soviétique rendait pratiquement caduc le statut de pays neutre. Dès lors qu’il s’agissait d’appliquer les règles européennes, les pays de l’AELE avaient tout intérêt à intégrer les Communautés.
C’est ainsi que l’Autriche, la Suède, la Finlande, la Suisse et la Norvège (qui l’avait déjà fait au début des années 70) déposent tour à tour leur candidature à l’adhésion. En 1995, seuls les trois premiers pays rejoignent finalement ce qui deviendra l’Union européenne, portant à quinze le nombre de ses membres. La Norvège et la Suisse rejettent l’adhésion par référendum.
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Cinquième et sixième élargissements : Chypre, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Bulgarie, Roumanie (2004 et 2007)
La disparition progressive du bloc de l’Est, avec la chute du mur de Berlin en 1989, a permis au continent européen de se réunifier.
Treize pays se sont ainsi lancés dans les années 90 dans un processus d’adhésion à l’Union européenne : Chypre, Malte, dix pays d’Europe centrale et orientale (Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) et la Turquie.
Le 31 mars 1998, les négociations d’adhésion ont démarré avec les six pays les mieux préparés : Chypre, Estonie, Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovénie.
Puis, le 15 février 2000, six autres pays ont suivi : la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Roumanie et la Slovaquie.
Les chefs d’états ou de gouvernement ont décidé, lors du Conseil européen de Copenhague de décembre 2002, que Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République slovaque et la Slovénie respectaient les critères pour entrer dans l’Union européenne. Ils leur ont alors proposé d’intégrer l’Union européenne le 1er mai 2004. Le 16 avril 2003, le traité d’adhésion de ces 10 pays a ainsi été signé à Athènes.
L’UE a ensuite signé un traité d’adhésion avec la Roumanie et la Bulgarie le 25 avril 2005. Le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006 a entériné l’avis favorable rendu par la Commission européenne au sujet de l’entrée de ces deux pays dans l’Union.
Le 1er janvier 2007, la 6e vague d’élargissement a ainsi été clôturée par l’adhésion de la Bulgarie et la Roumanie.
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Septième élargissement : Croatie (2013)
Les négociations d’adhésion avec la Croatie ont démarré le 3 octobre 2005 et le dernier chapitre a été refermé le 30 juin 2011.
La Croatie est devenue le 28e État de l’Union européenne le 1er juillet 2013, après ratification du traité d’adhésion signé le 9 décembre 2011, et le référendum national du 22 janvier 2012 qui a obtenu 66,27 % de « oui ».
B. LES DOUTES
Ils se manifestent en regard du coût, plus de 41 milliards d’euros pour passer à 25. En regard aussi de l’alourdissement de la machine : 6 000 nouveaux fonctionnaires (+40%, 40000 en tout), 9 nouvelles langues à utiliser (ce qui impose de fait l’anglais), une nouvelle commission européenne de 30 membres à mettre en place, le nombre des voix porté à 321, la majorité qualifiée située à 232 (soit au moins 62% de la population de l’UE).
En regard encore de la complexification du fonctionnement : les ressortissants des nouveaux membres à l’instar de ceux du Royaume-Uni et de l’Irlande ne font pas partie de l’espace Schengen et sont donc soumis à des contrôles frontaliers lors de leur entrée dans cet espace.
Par ailleurs, l’accès au travail demeure réglementé (sauf pour les Chypriotes et les Maltais) et des mesures transitoires ont été mises en œuvre pour la plupart des pays, sauf l’Irlande.
Enfin la zone euro a des contours encore différents !
Du coup, les élections de juin 2004 pour lesquelles 342 millions d’électeurs des 25 pays devaient voter au scrutin de liste sans panachage afin d’élire 732 députés siégeant à Strasbourg, ont stupéfié les observateurs : 44,6% de votants en moyenne pour les 25 (la plus faible participation jamais enregistrée) avec d’énormes variations (82% à Malte, 70 à Chypre, 20 environ en Pologne et en Slovaquie).
L’article 49 du traité sur l’UE, selon lequel « Tout État européen qui respecte les valeurs visées à l’article 2 et s’engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l’Union », forme la base juridique de toute nouvelle adhésion. Il a été complété en 1993 par les « critères de Copenhague » (État de droit, économie de marché, reprise de l’acquis communautaire) eux-mêmes institutionnalisés par le traité de Lisbonne.
C. ÉLARGISSEMENT OU APPROFONDISSEMENT
Dès le premier élargissement, différentes conceptions se sont affrontées sur la priorité entre élargissement et approfondissement. Ces positions divergentes, aplanies lors du sommet de La Haye en 1969 dans le cadre du programme « Achèvement, approfondissement, élargissement », sont réapparues lors des élargissements de 2004 et 2007.
Pour la Commission européenne, l’approfondissement désigne « une dynamique d’intégration présente depuis le début de la construction européenne. Les Communautés européennes se sont transformées en une union entre les peuples de l’Europe qui aspire à être « sans cesse plus étroite », selon l’article 1 du Traité sur l’Union européenne ». L’approfondissement est un mouvement parallèle à celui de l’élargissement et a souvent été présenté comme un préalable à celui-ci.
Le commissaire européen à l’élargissement de 2007 Olli Rehn observait : « En cinquante ans de construction européenne, l’Union a obtenu des résultats remarquables, grâce à la combinaison de son approfondissement politique et de son élargissement graduel. Sur les vingt dernières années, nous avons construit le marché intérieur, autorisé la libre circulation des personnes, créé l’euro, fortement renforcé notre politique étrangère et de sécurité commune et jeté les bases d’un renforcement d’une politique de sécurité intérieure, pour ne citer que les succès les plus remarquables. Or, pendant la même période, nous avons plus que doublé le nombre de nos membres, passant d’une Communauté de 12 États membres en 1986 à une Union à 27 en 2007. (…) C’est par la combinaison de son approfondissement interne et de ses élargissements successifs que l’Europe a pu avec succès s’adapter aux mutations passées. L’Union européenne actuelle, forte de 28 États membres et de près de 500 millions d’habitants, est beaucoup plus puissante et plus influente que la communauté économique qui regroupait, il y a un demi-siècle, six États et moins de 200 millions de personnes. »
D. UNE STRATÉGIE MODIFIÉE : LA CAPACITÉ D’INTÉGRATION
L’expérience des élargissements de 2004 et de 2007, la situation des nouveaux pays candidats et des candidats potentiels, mais également la conjoncture économique des États membres, constituent autant de facteurs à l’origine de la modification de la stratégie concernant les élargissements futurs.
Les dirigeants de l’Union, tirant les leçons du cinquième élargissement, ont convenu dans le « consensus renouvelé sur l’élargissement » que les « critères de Copenhague » devraient être combinés avec la capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres, sans toutefois que cela devienne une condition préalable à l’adhésion.
Selon la Commission, « La capacité d’intégration se mesure à la faculté de l’UE d’accueillir de nouveaux membres tout en continuant à fonctionner de manière efficace. Il s’agit d’un concept fonctionnel et non géographique. La capacité d’absorption, ou plutôt la capacité d’intégration de l’UE, est déterminée par le développement de ses politiques et institutions et par la transformation des candidats en États membres bien préparés. La capacité des membres potentiels à adhérer à l’Union est évaluée avec rigueur par la Commission, sur la base d’une conditionnalité stricte. La capacité d’intégration se mesure à la faculté de l’UE d’accueillir de nouveaux membres à un moment donné ou dans un période donnée, sans mettre en péril les objectifs politiques établis par les traités. C’est donc avant tout une notion fonctionnelle. »
Toutefois, lors du sommet informel des ministres des affaires étrangères des 11 et 12 mars 2006 à Salzbourg, l’Union européenne a souligné que sa « capacité d’absorption » conditionnerait de futurs élargissements.
Assurément, l’Union doit régler ses problèmes institutionnels pour pouvoir accueillir de nouveaux États membres dans de bonnes conditions. Mais elle doit aussi veiller à entretenir un « désir d’Europe » sous peine de se retrouver confrontée à des Balkans à plusieurs vitesses, opposant une Bulgarie, une Roumanie et une Slovénie membres de l’Union à des États balkaniques en voie de marginalisation et de…radicalisation. »
E. LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE VOISINAGE, UNE ALTERNATIVE A L’ÉLARGISSEMENT ?
La politique européenne de voisinage (PEV) est née d’un double constat fait par la Commission européenne lors de l’élargissement de 2004 : d’une part l’UE, en s’agrandissant, se rapproche de nouveaux pays voisins à l’Est et au Sud qui pourraient être la source d’une instabilité générale à ses frontières ; d’autre part sa capacité à intégrer de nouveaux membres est limitée.
Cela l’a conduite à mettre en œuvre une politique en direction des pays voisins n’ayant pas vocation à adhérer à moyen terme qui repose sur l’offre suivante : « Moins que l’adhésion, mais plus qu’un partenariat ». Ou, selon l’expression de Romano Prodi alors président de la Commission : « Tout sauf les institutions ». Les dirigeants européens ont cherché à contourner l’obstacle de l’adhésion en distinguant Union européenne et Europe. Tout en reconnaissant l’identité européenne des voisins orientaux, ils affirment que cette identité ne les conduit pas inéluctablement à intégrer les institutions de l’Union européenne.
La PEV s’adresse à six voisins orientaux : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Ukraine, et à dix pays méditerranéens : Algérie, Autorité palestinienne, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Syrie, Tunisie.