Pour mieux comprendre une notion, il est parfois utile de comprendre son opposée…La contre-révolution désignant le contraire de la #révolution est un concept dont la définition varie nécessairement en fonction des significations de celle-ci. Elle revêt donc des sens multiples et se trouve chargée d’affect par ses partisans comme par ses adversaires. Comment la définir, quels sont ses acteurs et comment est-elle née ?

Comment la définir ?

La première définition en a été donnée par ses adversaires qui englobent sous cette appellation toute opposition à la Révolution, se donnant pour objectif un retour à l’Ancien Régime, caractérisé à la fois par l’absolutisme monarchique et le maintien des privilèges, s’opposant ainsi aux valeurs nouvelles d’égalité et de liberté comme au nouveau principe de la souveraineté populaire.

Cette première définition est très restrictive, car, en présentant la Contre-Révolution comme l’envers pur et simple de la Révolution, elle exclut de son champ tous les opposants qui souhaitent rompre avec l’Ancien Régime mais prennent leurs distances avec un processus révolutionnaire dont ils ne partagent ni les modalités, ni les finalités. Néanmoins, le discours jacobin englobe dans une réprobation commune tous les opposants et tout mouvement d’opposition ; manichéen, il assimile tout opposant à un traître et à un comploteur. Toute la politique révolutionnaire va se nourrir de la systématisation d’un danger contre-révolutionnaire, intérieur et extérieur, souvent plus imaginaire que réel. Aussi, toute opposition à la Révolution est-elle perçue comme une menace pour le nouveau régime, et qualifiée de contre-révolutionnaire, quelle que soit sa véritable nature.

Or, la lecture objective des événements fait apparaître, aujourd’hui, à quel point la Contre-révolution – définie comme somme des oppositions à la Révolution – est hétérogène et segmentée. Contrairement aux assertions du discours jacobin, qui s’est construit autour du mythe du complot, la Contre-Révolution n’a pas de doctrine unifiée, pas de chefs, elle n’a aucune unité.

Genèse du mythe de la contre-révolution

Le mythe de la Contre-Révolution occulte toute la réalité des oppositions à la Révolution. Ce mythe est le fruit de deux historiographies, qui se sont élaborées lors des luttes politiques du XIX siècle qui ont opposé républicains et monarchistes. Ces deux historiographies ont en commun la même lecture manichéenne et monolithique de la Révolution.

L’opposition monarchiste à la République s’enracine dans une reconstruction mythique du passé révolutionnaire et de l’Ancien Régime. Elle s’appuie sur un courant doctrinal – représenté par Maistre, Bonald ou Barruel – qui refuse les principes mêmes de 1789 et idéalise le régime monarchique. Elle donne naissance à une idéologie contre-révolutionnaire, qui fournit une nouvelle grille de lecture des événements. Les traîtres à la Révolution deviennent les héros d’une légende dorée de la Contre-Révolution. L’insurrection vendéenne de 1793 devient un nouveau geste épique. Cette réécriture de l’histoire culmine chez des historiens comme Ernest Daudet ou le marquis de Roux qui célèbrent l’existence de complots, qui n’ont existé que dans l’imaginaire jacobin.

Ces deux historiographies font une impasse complète sur deux phénomènes essentiels.

  • D’une part, elles s’accordent pour ignorer l’existence d’une opposition libérale à la Révolution, qui se nourrit des idées du XVIII siècle.
  • D’autre part, elles assimilent toutes les résistances populaires à la Révolution à des mouvements contre-révolutionnaires, animés d’une doctrine et dirigés par des comploteurs.

Ni la Révolution, ni la Contre-Révolution ne forment un bloc monolithique. Il n’y a pas une mais des Contre-Révolutions, et le temps est venu de tenter une réévaluation globale. On ne peut plus y voir le négatif pur et simple de la Révolution, mais une gamme d’attitudes allant du refus sélectif de certains aspects du changement à un projet de société réactionnaire.

De nombreux historiens préfèrent aujourd’hui désigner sous le nom de « résistances à la Révolution », les mouvements d’opposition populaire, s’apparentant aux jacqueries. Cependant, la ligne de démarcation n’est pas toujours aisée à établir entre ces mouvements et la Contre-Révolution stricto sensu. Ceux-ci caractérisés comme contre-révolutionnaires ont objectivement joué le rôle prédéterminé à leur insu par le pouvoir révolutionnaire.

L’existence d’un mythe de la Contre-Révolution, caractérisé par le complot, ne doit pas occulter l’existence d’oppositions réelles.

Il est tentant de relier celles-ci à des doctrines, préexistant à l’événement révolutionnaire. Mais, très rares sont les auteurs qui ont permis de justifier, par leurs théories, une opposition de principe au nouveau régime.

Les acteurs ou les soutiens de la Contre-révolution

Montesquieu, Voltaire et Rousseau – pour ne citer que ceux-là – ont fourni un arsenal théorique dans lequel ont puisé sans relâche partisans et adversaires de la Révolution.

L’opposition à la Révolution surgit face à l’événement lui-même, et elle va grossissant, comme un fleuve qui se nourrit de ses affluents, au fur et à mesure que s’est accentuée la rupture avec l’Ancien Régime.

La Contre-Révolution puise une partie de ses fondements théoriques dans des doctrines qui préexistent à l’événement. Il existe une Contre-Révolution, avant la Révolution, au XVIII siècle, qui s’appuie sur Bossuet : Bossuet s’est imposé comme le chantre incontesté de l’absolutisme monarchique, il deviendra l’une des principales références doctrinales de tous ceux qui s’opposent à la Révolution, dès la première heure. Dès le milieu du XVIII siècle, se dessinent les contours d’un courant qui refuse toute innovation : la virulence de son opposition – à fondement religieux – autorise à parler de Contre-Révolution avant la Révolution.

Tandis qu’une autre opposition se réfère à Montesquieu ou Voltaire avec les réformateurs et les libéraux. La Révolution suscite une première levée de boucliers, dès 1789.

L’action contre-révolutionnaire est assez réduite. En revanche, éclatent des révoltes spontanées, des insurrections urbaines et rurales, plus menaçantes. Le clergé catholique, en dépit de la Constitution civile du clergé s’engage peu contre la Révolution. Après Thermidor, les tentatives de restauration monarchique sont vouées à l’échec, tandis qu’émerge enfin une véritable doctrine contre-révolutionnaire. Enfin, à l’étranger, la Révolution engendre aussi des troubles, souvent de même nature qu’en France, tandis que s’élabore aussi une pensée contre-révolutionnaire.