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LES MEMOIRES : Exemple de la Guerre D’Algérie

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Dans le cadre du thème du concours commun à Sciences Po 2017, la mémoire est à l’affiche…Au travers un exemple traitant de la guerre d’Algérie voici comment traiter le lien entre Mémoire et Histoire.

En 1966, ont lieu en France les premières représentations de la pièce de Jean Genêt (1910-1986), Les paravents, écrite en 1961 et qui avait été présentée la même année à Munich en première mondiale. Or, les représentations en France se font dans un climat délétère, des manifestations d’anciens combattants et de l’extrême-droite causent même leur interruption.

La sensibilité entoure toujours le conflit, simplement quatre ans après la signature des Accords d’Evian (19 mars 1962) et l’indépendance de l’Algérie, proclamée officiellement le 5 juillet 1962.

A partir de là, un sujet complexe se pose, celui des mémoires de la guerre d’Algérie. Par « mémoires », l’on entend les souvenirs et les représentations attachées au conflit, avec tout ce que cela comporte de subjectivité dans le rapport au passé.

La mémoire est incontestablement un objet d’histoire, mais étudiée par des historiens patentés, il faut cependant la manier avec beaucoup de précaution, celle-ci étant sélective et partiale.

Dans le cas de la guerre d’Algérie, il s’agit de mémoires particulièrement sensibles, encore vivaces en 2017 et capables d’occuper le champ médiatique afin de faire entendre leurs revendications.

L’usage du pluriel pour ce mot est indispensable, dans la mesure où il existe plusieurs mémoires, souvent concurrentes, qui se sont construites après 1962. Ainsi, il y a d’un côté, la mémoire individuelle, qui est une mémoire personnelle et/ou familiale ; d’un autre côté, la mémoire collective,faisant référence à des groupes très divers : les Français d’Algérie que l’on appelle aussi « pieds noirs», les supplétifs algériens ayant combattu dans l’armée française ou « harkis », divers courants politiques impliqués dans la guerre (en particulier le Parti Communiste), les soldats de l’armée française (professionnels ou appelés du contingent), les combattants en faveur de l’indépendance de l’Algérie (porteurs de valises), les Algériens d’Algérie et de France, ainsi que les personnes issues de l’immigration.

Encore aujourd’hui, la question de la guerre d’Algérie a une telle résonnance qu’elle vient rompre l’unité de la nation et même si elle ne débouche plus sur des affrontements qui tiennent de la guerre civile comme ce fût le cas auparavant. Les jugements moraux sont souvent particulièrement tranchés. Les débats ayant entouré la sortie en France du film de Rachid Bouchareb Hors-la-loi (2010) sont ainsi là pour le confirmer.

Dans ces conditions, une question s’impose : Les mémoires de la guerre d’Algérie empêchent-elles un traitement apaisé du conflit ?

Pour répondre à cette question, nous étudierons la construction de ces mémoires de la guerre d’Algérie, avant de nous intéresser aux politiques de la mémoire déployées par les autorités politiques, puis nous nous interrogerons sur le travail réalisé par les historiens sur la guerre d’Algérie et la question des mémoires.

I.  DE L’OCCULTATION DE LA GUERRE A LA SATURATION DES MEMOIRES

Tout comme nous l’avions déjà mentionné dans notre article intitulé « le devoir de mémoire », la construction des mémoires de la guerre d’Algérie a été marquée par plusieurs temporalités : le temps de l’occultation (années 1960-1970); l’apparition de la volonté d’un travail de mémoire par différents groupes de mémoire (années 1980) et ce que l’on pourrait nommer comme une explosion des mémoires (à partir des années 1990).

1) Des années 1960 aux années 1980, du silence à l’éveil des mémoires :

Le temps de l’occultation est destiné à restaurer la paix civile au sortir du conflit. Ainsi, les autorités gaullistes font le choix du dépassement du conflit dans l’oubli officiel. Le terme de « guerre d’Algérie » n’existe pas, l’on parle plutôt d’« événements », « mouvements de maintien de la paix » ou de « pacification ».

Parallèlement, des lois d’amnistie ont été votées : les Accords d’Evian évidemment, mais aussi une loi de 1968, votée dans l’indifférence générale, qui accorde l’amnistie aux membres de l’Organisation Armée Secrète (OAS). Durant cette période, « la guerre est ensevelie » (Benjamin Stora), ce qui n’empêche pas certaines polémiques autour d’œuvres artistiques : les Paravents de Genêt en 1966 ou encore la sortie du film de Gillo Pontecorvo La bataille d’Alger. Ayant obtenu le Lion d’or lors de la Mostra de Venise en 1966, ce film n’obtient pas de visa d’exploitation en France avant 1970.

Dès les années 1980, une nouvelle phase des mémoires de la guerre d’Algérie se construit, marquée par la volonté d’un travail de mémoire. Elle correspond en particulier à une demande émanant des jeunes issus de l’immigration algérienne en France.

Du 15 octobre au 3 décembre 1983, a lieu la Marche pour l’égalité des droits et contre le racisme. Si les revendications sont essentiellement d’ordre social, le passé colonial de la France est mis en accusation, en particulier celui en Algérie. Son point de départ est relatif à des violences policières dans le quartier des Minguettes à Lyon. Confidentiel à son départ de Marseille, ce mouvement prend de l’ampleur et rassemble plus de 100000 personnes lors de son arrivée à Paris. Le film La Marche est un film franco-belge réalisé par Nabil Ben Yadir, sorti en 2013, relate de manière romancée l’histoire cette marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Il est sorti à l’occasion du trentième anniversaire de l’événement mais est considéré comme un échec de la part des critiques et du public. Si certains des protagonistes de la marche de 1983 trouvent que le film est fidèle à l’esprit de ce mouvement, d’autres jugent que l’aspect politique a été minoré ou que le film s’éloigne trop de la vérité historique.

2) A partir des années 1990, une explosion des mémoires :

A partir des années 1990, se manifeste une demande sociale forte de redécouverte du passé algérien de la France. Les mémoires sont alors à fleur de peau, et la manifestation des mémoires confine à la saturation.

Dès 1991, des enfants de harkis se révoltent à Narbonne, autant pour souligner la dureté de leurs conditions de vie que pour obtenir une reconnaissance de l’histoire de leurs pères. La reconnaissance solennelle par les autorités françaises de leur « abandon » en 1962 constitue alors une revendication forte.

En 1992, l’ouverture des archives militaires et les trente ans de la fin de la guerre entraînent une multiplication des articles dans la presse française. Dans ce contexte, les revendications émanant des groupes de Pieds-noirs se font de plus en plus fortes, par exemple sur des épisodes peu connus de la guerre. A titre d’exemple, le 13 mai 2008, une manifestation est organisée à Marseille afin d’obtenir la reconnaissance des massacres perpétrés à Oran le 5 juillet 1962 contre les Européens restés alors sur place et qui auraient fait entre quatre cents et six-cents victimes.

Le groupe constitué d’héritiers des factions les plus nationalistes et del’OAS est également susceptible de se manifester. Ainsi, en juillet 2005, une stèle est érigée à Marignane, dans le cimetière Saint-Laurent-Imbert, par l’Amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française (ADIMAD). Le but est de rendre hommage aux membres de l’OAS morts en Algérie. Son inauguration est cependant interdite par le préfet des Bouches-du-Rhône afin d’éviter tout trouble à l’ordre public. Une plainte est également adressée auprès du Tribunal administratif, aboutissant en novembre 2008 à unedécision en faveur du démantèlement de la dite stèle.

Les mémoires de la guerre d’Algérie sont également vives auprès des personnes issues de l’immigration algérienne. Un événement concentre en particulier leur revendication : le 17 octobre 1961. Ce jour-là, une manifestation organisée par le Front de Libération Nationale (FLN), alors qu’un couvre-feu était effectif à Paris, est durement réprimée par la police. Longtemps passé sous silence, cet événement constitue, au début des années 2000, un catalyseur des revendications de la mémoire algérienne de la guerre. Un collectif créé en 2005 et appelé Collectif des Indigènes de la République organise ainsi une action pour la reconnaissance par les autorités françaises de cet événement.

Certes, une reconnaissance émanant de la Mairie de Paris a eu lieu le 17 octobre 2001, Bertrand Delanoë faisant poser une plaque commémorative sur le Pont Saint-Michel, avec l’inscription suivante : « A la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 ». Or, aucune reconnaissance de l’Etat français n’a été effectuée. D’où des manifestations organisées par ce collectif en faveur d’une reconnaissance officielle de l’Etat français.

II) LES POLITIQUES DE LA MEMOIRE

Les politiques de la mémoire s’expriment par la construction de monuments, de mémoriaux, par l’attribution de plaques commémoratives, de noms de rues et par des journées de commémoration officielle. Elles ont pour but de permettre la reconnaissance de faits ou d’événements auxquels les groupes de mémoires accordent une importance particulière. Ces politiques sont à relier à l’apparition, dans les années 1990, de l’expression « devoir de mémoire » qui fait état de la nécessité d’une reconnaissance.

En France, ces politiques de la mémoire se manifestent à la fin des années 1990, avec la reconnaissance par l’Assemblée nationale de la « guerre d’Algérie » le 5 octobre 1999.

Ensuite, se pose la question du choix d’une date de commémoration de la guerre. En 2003, le gouvernement institue le 5 décembre comme date de commémoration officielle rendant hommage aux Français morts en Algérie. Ce choix correspond à la date d’inauguration du Mémorial national de la guerred’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (intervenue le 5 décembre 2002), qui porte le nom des 23 000 militaires français et harkis officiellement tombés pour la France dans les combats d’Afrique du Nord.

Il s’agit d’un choix neutre, assumé par le gouvernement, afin d’éviter de susciter les passions. Or, de nombreuses associations d’anciens combattants, dont la principale, la FédérationNationale des Anciens Combattants en Algérie (FNACA), refusèrent de participer à cet hommage qui ne renvoie à aucun événement propre à la guerre d’Algérie. La date du 19 mars aurait pu être fédératrice.

Proposée à l’Assemblée Nationale le 28 février 2006, elle fut rejetée au motif que les affrontements s’étaient poursuivis après cette date (fusillade de la rue d’Isly le 26 mars 1962, enlèvements et assassinats d’Européens à Oran le 5 juillet et massacres de harkis à partir de l’été1962).

Par ailleurs, ces politiques de la mémoire ne valent pas forcément par leur cohérence et leur continuité. Après sa réélection en 2002, Jacques Chirac souhaite axer son discours sur la guerred’Algérie sur une volonté d’apaisement et de réconciliation. L’année 2003 semble alors propice à un rapprochement entre les deux pays. Une Année de l’Algérie est alors célébrée en France et l’on envisage même la signature d’un traité d’amitié entre les deux pays. Lors d’une visite officielle en Algérie en mars 2003, Jacques Chirac prononce un discours allant clairement dans ce sens. »

Or, la deuxième partie du quinquennat de M. Chirac est marquée par un raidissement sur la question des mémoires de la guerre d’Algérie, avec le développement de l’idée d’une « mémoire assumée » côté français et du rejet de la « repentance ». C’est dans ce contexte qu’est votée la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Or, son Article 4 est l’objet d’énormes polémiques, celui-ci enjoignant à la reconnaissance, aussi bien par les historiens que par les professeurs, des « bienfaits d’une colonisation positive ». La mobilisation contre cet article fut considérable, aboutissant à son abrogation sur décision du président de la République en janvier 2006.

En tout état de cause, ces différents épisodes, tout comme le silence ayant entouré les cinquante ans de la fin de la guerre, confirment toute la complexité pour les autorités françaises de traiter de la guerre, avec le risque de froisser ses groupes de mémoires.

III) L’HISTORICISATION DE LA GUERRE D’ALGERIE ET DE SES MEMOIRES

Face à ce que l’on pourrait décrire comme l’hypersensibilité de ces mémoires de la guerred’Algérie, le travail de l’historien apparaît comme indispensable. Se caractérisant à l’inverse par son objectivité, il est de nature à faire la lumière sur les événements de la guerre d’Algérie, tout en s’intéressant à la question des mémoires. Ainsi, comme l’estime l’historien italien Enzo Traverso, «une histoire des mémoires est possible, elle permet de montrer l’évolution des représentations qu’un groupe se fait de son passé. »

1) Les avancées de la recherche historique sur la guerre d’Algérie :

Dès la fin des années 1960, les travaux d’historiens ont ainsi permis des avancées significatives sur la guerre d’Algérie. Le travail de l’historien se veut rigoureux et objectif, se définissant ainsi par son objectivité. Ce travail méthodique, clairement distinct de la subjectivité des mémoires, s’appuie sur des sources pertinentes, que l’historien va recouper tout en mesurant leur fiabilité.

Ces sources, sur la guerre d’Algérie, sont diverses. Il peut s’agir de sources orales, relatives aux témoignages des différents acteurs de la guerre ; des archives écrites, dépendant de leur ouverture par les autorités politiques ; d’archives audiovisuelles ou de sources iconographiques. Concernant les archives audiovisuelles, en 2008, l’Algérie reçoit de la France une partie des archives audiovisuelles réalisées entre 1945 et 1962. Pour ce qui est des photographies, les plus célèbres sont celles d’Elie Kagan lors de la manifestation du 17 octobre 1961 et celles de Kryn Taconis suivant des officiers du FLN pour l’agence Magnum (août 1957). Depuis quelques années maintenant, des études universitaires sont menées à partir de photographies révélées par le biais d’associations d’anciens combattants,d’Algériens ou d’historiens.

Dans ces conditions, les avancées historiques sur la guerre et ses représentations ont été importantes. L’ouvrage en quatre tomes d’Yves Courrière, La guerre d’Algérie, publié en 1968, constitue ainsi un ouvrage fondamental, qui connaît également un succès éditorial étonnant puisqu’il est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Un travail sur les victimes de la guerre est également mené, en particulier afin de permettre un bilan humain plus ou moins pertinent de la guerre. L’article de Guy Pervillé publié en 1983 dans la revue L’Histoire fait ainsi date. Cet historien estime ainsi que laguerre aurait fait entre 300000 et 400000 victimes algériennes, donc bien loin des 1,5 millions de« martyrs » revendiqués par les autorités algériennes, et 25000 victimes côté français.

Par ailleurs, à partir des années 1980, de nouveaux thèmes de recherches se développent. La question des mémoires et des représentations de la guerre prend ainsi peu à peu l’ascendant, avec en particulier l’ouvrage de Benjamin Stora, La gangrène et l’oubli, publié en 1991.

L’historien tente de dévoiler les « mécanismes de fabrication de l’oubli » côté français et se penche sur les conséquences de ces démarches d’occultation. Quant à la question de la torture, elle devient également un sujet de recherches important au début des années 2000. En décembre 2000, l’historienne Raphaëlle Branche présente sa thèse La Torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, qui répond alors à une demande sociale forte. Un Appel des 12 venait d’être publié en octobre 2000, en référence à la demande de douze intellectuels demandant à l’État français, dansL’Humanité, la reconnaissance et la condamnation de la torture durant la guerre d’Algérie. Les révélations du Général Paul Aussaresses sont alors également très médiatisées.

Enfin, le travail des historiens permet d’établir et de mettre en lumière des faits occultés. C’est le cas d’un certain nombre de massacres ou de violences, par exemple à propos de la répression de la manifestation organisée à Paris le 17 octobre 1961, pour lequel le bilan de la préfecture de Paris a été de deux puis de six morts et de 136 blessés. A ce sujet, le travail mené par Jean-Luc Einaudi est déterminant. Auteur en 1991 de La bataille de Paris, Einaudi estime que « plus de cent cinquante personnes sont mortes ou disparues ». Il pointe du doigt la responsabilité des forces de l’ordre, alors dirigées par le préfet de police Maurice Papon. Cet ouvrage provoque un véritable choc dans la société française et connaît un succès retentissant. Pour autant, il peut également faire l’objet de contestations émanant d’autres historiens, par exemple Jean-Paul Brunet qui, après une étude des sources policières et judiciaires, conclut à un bilan moindre, compris entre une trentaine et une cinquantaine de morts. Toujours est-il que le travail des historiens permet indéniablement de mettre la lumière sur des épisodes de la guerre ou sur les représentations que les groupes de mémoires sont susceptibles de fabriquer.

2) La position complexe de l’historien face à la guerre d’Algérie et ses mémoires :

Or, compte tenu de la sensibilité des mémoires de la guerre d’Algérie, l’historien a une position pour le moins délicate et complexe. Cette position se veut objective et non neutre, ce qui peut amener l’historien à s’engager sur des thèmes relatifs à la guerre d’Algérie. En effet, les historiens peuvent être des figures engagées, au nom de leur volonté de faire la lumière sur le passé. Ils participent ainsi à des appels pouvant engager des personnalités diverses, à l’image de celui lancé le24 mars 2014 par 171 personnalités, dont plusieurs historiens tels que Gilles Manceron, Raphaëlle Branche, Claire Mauss-Copeaux, Linda Amiri ou encore Mohammed Harbi, afin de demander que la lumière soit faite sur la mort de Maurice Audin, un jeune assistant en Mathématiques à l’Universitéd’Alger, arrêté en juin 1957 pour ses activités en faveur du FLN et officiellement disparu après son évasion. Or, Maurice Audin a sans doute été victime de tortures, auxquelles il aurait succombé.

Cet engagement peut aussi porter sur les lois mémorielles votées par les autorités politiques françaises. Ces lois soulèvent la question de l’autonomie de l’histoire et de ses usages politiques. Ainsi, le vote de la loi du 23 février 2005 devant permettre la reconnaissance des bienfaits de la colonisation française en Algérie a fait l’objet d’une mobilisation historienne d’ampleur, en particulier contre son article 4. Dès mars 2005, une pétition du Collectif des historiens contre l’article 4 de la loi du 23 février 2005 a été publiée dans le journal Le Monde. Cette pétition détaille les griefs formulés par les historiens contre cette loi : menace pour l’exercice du métier d’historien et l’enseignement de l’histoire ; mise en place de ce qu’ils considèrent comme une « histoire officielle » véhiculant un message à la fois faux et parcellaire sur les réalités de la colonisation ; promotion d’un« communautarisme nationaliste » voulu par certains groupes de mémoires et susceptible d’attiser le ressentiment d’autres groupes.

A l’inverse, ces historiens se veulent les défenseurs de valeurs importantes, à savoir la neutralité scolaire, la liberté de pensée, la liberté de recherche et la laïcité. Or, de par son travail de recherche et son possible engagement, l’historien peut être une personnalité exposée. Ainsi, ses recherches et leurs résultats peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires, à l’image de celles engagées par Maurice Papon contre l’historien Jean-Luc Einaudi. En1998, l’ancien préfet de police de Paris porte ainsi plainte contre M. Einaudi pour complicité de diffamation contre un fonctionnaire public, Maurice Papon niant toute responsabilité dans la répression des manifestations organisées par le FLN le 17 octobre 1961. A l’issue d’un procès médiatisé, M. Papon est finalement débouté de sa demande.

Par ailleurs, compte tenu de ce que l’on pourrait décrire comme l’hypersensibilité des mémoires de la guerre d’Algérie, l’historien peut aussi être l’objet du ressentiment des groupes de mémoires. Ce fut par exemple le cas de l’historien Benjamin Stora à l’occasion de sa nomination en tant que Commissaire de l’exposition organisée en 2013 à Aix-en-Provence pour le centenaire de la naissancede l’écrivain Albert Camus. Or, cette nomination donne lieu à une mobilisation importante de la communauté des pieds noirs des Bouches-du-Rhône, appréciant peu les travaux réalisés jusque-là par l’historien. Cette mobilisation est relayée par le journal Le Monde« . Teintés d’antisémitisme, ces propos violents remettent en doute l’objectivité des travaux de M. Stora qui, face à la polémique, est forcé de quitter ses fonctions.

Pour autant, il convient de souligner le caractère constructif des travaux réalisés par les historiens de la guerre d’Algérie. Afin d’encourager un dialogue efficient entre la France et l’Algérie, des initiatives ont d’ailleurs été menées, à partir des années 2000, afin de construire une histoire partagée, préalable indispensable à une mémoire apaisée entre les deux pays. En 2004, un ouvrage collectif, réalisé sous la direction des historiens Benjamin Stora et Mohammed Harbi, est ainsi publié : La Guerre d’Algérie (1954-2004): la fin de l’amnésie. Une trentaine d’historiens français et algériens travaillent ensemble pour la rédaction de ce livre d’histoire.

En 2006, un colloque organisé à Lyon répond à une volonté comparable. Intitulé Pour une histoire franco-algérienne et organisé à l’initiative des historiens Frédéric ABECASSIS et Gilbert MEYNIER, ce colloque a un sous-titre particulièrement évocateur :

« Pour en finir avec les pressions officielles et les lobbies de mémoire ». 75 communications d’historiens français, algériens et d’autres pays y sont alors réalisées.

Cela confirme donc les avancées indéniables du travail des historiens, face à un sujet extrêmement délicat et sensible ayant nourri des groupes de mémoires particulièrement influents.

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1 février 2017 Madissertation

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