Il s’agit de la prochaine échéance majeure politique de cette année 2017. Mais quelles que soient les années, l’élection de ce personnage apparaît désormais extrêmement importante voire des plus importantes dans notre pays. Pourquoi et comment en est-on arrivé là alors que la fonction est sans doute la plus critiquée de toute la Ve République ? Nous allons nous attacher à comprendre par quels moyens l’élection présidentielle a pu évoluer dans cette Vème République. Si la période allant de 1958 à 1962 est un grand moment de cette évolution, passant du suffrage universel indirect au suffrage universel direct (1), nous verrons que finalement l’élection présidentielle a évoluée au fil de la pratique et des révisions constitutionnelles successives (2).
Clé de voûte des institutions de la Ve République, le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, mode de désignation lui conférant une légitimité démocratique en rapport avec l’étendue de ses pouvoirs.
Ces pouvoirs sont soit personnels (recours au référendum législatif prévu à l’article 11 de la Constitution, droit de dissolution de l’Assemblée nationale, pouvoirs exceptionnels de l’article 16, nomination du Premier ministre, droit de saisine du Conseil constitutionnel, etc.), soit soumis au Premier ministre (nomination des ministres, convocation du Parlement en session extraordinaire, signature des ordonnances, promulgation des lois, droit de grâce, etc.).
Plus généralement, c’est au Président de la République qu’il incombe de veiller au respect de la Constitution, d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et de garantir l’indépendance nationale et l’intégrité territoriale. Il est aussi le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
La réalité des pouvoirs du Président de la République peut être modifiée dans certaines circonstances : lorsque la majorité présidentielle et la majorité législative coïncident, la fonction présidentielle prédomine ; à l’inverse, la « cohabitation » confère une suprématie politique de fait au Premier ministre.
La pratique des institutions et certaines réformes mises en œuvre au cours de la période récente ont renforcé le poids du Président de la République. Dans le même temps, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a accentué les pouvoirs du Parlement.
C’est la Constitution de la Vème République, promulguée le 4 octobre 1958, qui fait du Président de la République la « clé de voute des institutions » (selon les mots de Michel Debré, très grand (premier) contributeur à la mise en forme de la Vème République).
Une élection est un choix, réalisé au moyen d’un suffrage (par le vote, une approbation) auquel toutes les personnes disposant du droit de vote, le corps électoral, sont appelées à participer. Ainsi l’élection présidentielle apparaît nettement comme un processus électoral permettant d’élire le Président d’un Etat ou d’une République, pour une durée de mandat déterminée, qui varie selon les pays.
Dans la Vème République, nouveau régime instauré par le Général de Gaulle, l’élection présidentielle a été réformée sur un modèle plus enclin au parlementarisme présidentialiste. La IVème république laissant un mauvais souvenir de régime parlementariste, on tente de modifier la situation, pour que la République puisse fonctionner en s’appuyant sur un Président de la République plus fort.
L’opération n’est pas aisée quand on sait que les plus grands entourant alors la France, ne cautionnent pas ce système. Ainsi, les Etats-Unis pratique déjà l’élection indirecte sur un modèle de grands électeurs, élus par le peuple, élisant le Président de la République. En Allemagne aussi, 1949 est la date de siège de la première Assemblée Fédérale, qui élira à 51,7% des suffrages exprimés son premier président après l’Allemagne nazie, au suffrage universel indirect…
Ainsi, la réforme de l’élection du Président de la République ne fut pas chose aisée, surtout que s’ajoute à cela un dernier facteur important : les partis politiques. Nous les retrouvons aujourd’hui encore, alors qu’ils sont désormais les seuls (à l’exception de quelques candidats très minoritaires) à se permettre de présenter des candidats. C’est ainsi que le Front National à, pour l’élection à venir, encore fait parler de lui, remettant en cause les méthodes d’accession à la candidature.
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1958 à 1962 : du suffrage universel indirect au suffrage universel direct.
A) 1958 : l’affirmation du rôle du Président de la République dans une Constitution du compromis
En 1958, au retour du Général de Gaulle, l’élection du Président de la République par le peuple semble impossible. C’est par souci de ne pas attaquer frontalement les responsables politiques de la IVème République, profondément contre cette idée, que De Gaulle se refusera à toute action précipitée en ce sens. De plus, comment faire élire un Président de la République par le peuple, alors même que le peuple n’est pas clairement définit : que fait-on des populations franco-africaines, quand selon la conception Gaullienne, le Président est l’homme de la nation (avec un double statut de Président de la République et de Président de la Communauté Franco-africaine) ?
Alors, le mode de désignation choisit et appliqué en 1958 veut éviter que le Président se trouve dans la même situation que sous les régimes précédents, otage de l’instabilité parlementaire. Ainsi, De Gaulle (épaulé par Michel Debré, traducteur juridique des idées constitutionnelles) optera pour un mode d’élection en faveur du compromis : le collège électoral de notable élisant les sénateurs élira désormais le Président.
Près de 80.000 élus seront parlementaires, conseillers généraux, délégués des conseillers municipaux et membres des Assemblées des territoires d’outre-mer. Ainsi, on espère une représentation plus étendue, un apport de légitimité supplémentaire destiné à une charge appelée à être au centre de la Vème République.
Le 21 décembre 1958, De Gaulle l’emporte avec 78,5% des suffrages exprimés selon ce modèle. Le voilà désormais le premier Président légalement élu de la Vème République bénéficiant d’un charisme historique impressionnant.
B) Avait-il besoin de cette élection ?
Oui car il se targuera par la suite (en 1960) d’incarner une « légitimité depuis près de 20 ans », confirmée par les référendums de 1958, 1961 et 1962. De Gaulle est donc le premier Président de la Vème République élu. Cependant, l’élection reste réalisée au suffrage universel indirect, ce qui explique ce score de 78,5% de votes exprimées à son égard.
Mais De Gaulle se fait élire le plus légalement possible afin de préparer la France à une suite, pour que la Vème République puisse fonctionner sur des bases saines, bien qu’il veuille aller plus loin dans la réforme. Cette possibilité lui sera offerte par une succession d’évènements, en 1962.
C) La réforme de 1962 poussée par les évènements
C’est en Avril 1962 que la Guerre d’Algérie prend fin par la signature des Accords d’Evian. La résolution du conflit est très inattendue puisqu’elle accorde l’Indépendance à l’Algérie, contre toute attente de ceux-là même qui avaient rappelé De Gaulle en 1958.
Ainsi l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète), organisation politico-militaire française combattant pour le règlement du conflit algérien par la domination française, se révolte contre cette faiblesse gaulliste. Ils prennent les armes et fomentent l’Attentat du Petit Clamart, criblant de balle la DS présidentielle, d’où De Gaulle sort miraculeusement indemne. Cela pose une question plus existentielle pour la Vème République : qu’aurait-on fait si De Gaulle avait été tué ? Sans nul doute, la France aurait du affronter un vide présidentiel, déstabilisant forcément les institutions et laissant le champ libre à diverses sortes de prise de pouvoir, imaginons même un coup d’Etat.
Alors, le choix est fait de réformer et pour cela deux options s’offrent au gouvernement : revenir au régime parlementariste permettrait de soulager le Président de la République de certaines de ses nouvelles responsabilités et ainsi de reléguer un quelconque problème de succession à une formalité dont le Parlement saurait se charger. Mais De Gaulle a une toute autre idée, qu’il exposera aux français le 20 septembre 1962, leur annonçant qu’il les appellerait aux urnes pour réformer la Constitution : De Gaulle veut instaurer le suffrage universel, et il le fera sans demander l’avis des parlementaires.
Sur la forme, il utilise l’Article 11 de la Constitution, relatif à la consultation populaire dévolue au Chef de l’Etat, afin d’éviter l’article 89 forçant toute réforme constitutionnelle à passer devant les deux Assemblées.
Ainsi, il évite le refus attendu des parlementaires, qu’il entend délester d’un pouvoir d’élection. Cependant, les parlementaires ne se laissent pas faire et votent une motion de censure du gouvernement Pompidou en Octobre 1962, qui tombe alors de fait. En réponse, De Gaulle utilise l’article 12 de la Constitution pour dissoudre l’Assemblée Nationale, ouvrant une double campagne législative et référendaire à la mi-octobre.
Sur le fond, la réforme est enfin rendue possible par les évènements récents. Tout d’abord, De Gaulle est élu Président de la République par les voix légales, il bénéficie donc d’une double légitimité : légale et charismatique. Et ce sera cette même légitimité qu’il remettra alors en cause à chaque référendum (et dont il ressortira un peu plus légitime chaque fois, jusqu’en 1969). Enfin, le Président de la République perd, avec l’Algérie, son statut de Président de la Communauté Franco-Africaine.
Plus rien ne bloque cette réforme qui sera approuvée au référendum populaire par 62% des suffrages exprimés, mettant en place le symbole de la « confiance explicite de la nation » (allocution du 20 septembre 1962 du Général de Gaulle), l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.
Cependant, tout n’est pas prévu dans le texte originel de la Constitution de 1958, et certains points s’avèreront incomplets ou incompatibles. C’est dans la pratique que les différents gouvernements et Président de la République se succédant, amélioreront un système déjà bien pensé par la Constitution réformée de 1962.
2. L’élection, une évolution au fil de la pratique
A) Des dispositions relatives à l’organisation des élections présidentielles
Tout président est élu pour 5 ans (article 7 de la Constitution, révision initiée par Jacques Chirac le 2 octobre 2000 par référendum, et ce après 27 ans de débats) et peut être candidat à sa propre succession, comme en 1965, 1981, 1988 et 2002.
L’élection est obligatoirement prévue 20 jours au moins et 35 jours au plus avant la fin du mandat précédent, permettant une continuité dans l’action présidentielle et évitant une trop longue période de cohabitation entre Président sortant et Président élu.
L’élection présidentielle est avancée en cas de « vacance définitive de la présidence ». C’est ce qui se produit lors de la démission du Général de Gaulle le 28 avril 1969 (échec référendaire) ou encore avec le décès de Georges Pompidou le 2 avril 1974. Le Président peut aussi être destitué par la Haute Cour pour « manquement grave à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », selon l’article 68 de la Constitution. Le Conseil Constitutionnel doit alors constater la vacance, ce qui ouvre le délai d’organisation de nouvelles élections de 20 à 35 jours.
L’élection est aussi avancée en cas d’empêchement définitif du Président (selon la révision de 1976). Distingué de l’empêchement momentané qui appelle l’intérim (maladie grave, enlèvement ou disparition, long voyage), l’empêchement définitif implique « la trahison, la démence, une déchéance physique grave et irréversible, un comportement personnel indigne ou une atteinte intolérable aux droits de l’homme ». Dans ce cas, le Conseil Constitutionnel doit constater par voie d’expertise l’empêchement définitif, dénoncé au préalable par le gouvernement.
En cas d’empêchement momentané, le Président de la République choisit une personne assurant diverses fonctions en son absence. En cas d’empêchement définitif avéré, le Président du Sénat exerce l’intérim (ou si empêché, le gouvernement collégialement), le temps d’organiser de nouvelles élections.
Mais une élection présidentielle peut aussi être reportée, en « cas de force majeure » constatée là encore par le Conseil Constitutionnel. Ainsi, la guerre, le terrorisme, une catastrophe naturelle peuvent empêcher le déroulement normal de l’élection, prolongeant le mandat du Président d’autant.
Enfin la loi organique du 15 mai 2001 prolongea de deux mois la durée du mandat de l’Assemblée Nationale élue en juin 2007. Ainsi, l’élection présidentielle détient désormais une primauté chronologique et politique sur l’élection législative. Cette loi organique, validée par le Conseil Constitutionnel (décision du 9 mai 2001) permet au Président de la République élu de disposer d’une majorité à l’Assemblée Nationale, misant sur la proximité des deux élections.
Car le Président de la République semble ne pouvoir réaliser une action concrète qu’avec une majorité de son bord politique soutenant son action à l’Assemblée Nationale. C’est ainsi que le spectre du régime des partis, que De Gaulle s’était plu à démanteler, revient faire une apparition. Et la candidature en est la première touchée.
B) De la candidature au scrutin : le spectre du régime des partis
Désirée par De Gaulle contre le monopole de présentation des candidats des partis, la liberté de candidature permet à tout citoyen d’au moins 23 ans de présenter sa candidature, parrainée par 500 élus du collège électoral élargit.
Au départ n’étaient demandées que 100 signatures, mais ce chiffre est élevé en 1976 avec l’obligation que celles-ci soient issues de 30 départements ou collectivités d’outre-mer, afin de limiter les candidatures que certains qualifiaient de farfelues. Ainsi, la majorité des candidats trouvent leurs signatures, et parfois même ailleurs que dans leur propre famille politique : de petits candidats sont soutenus par des élus adversaires de leur bord politique, pour mettre en difficulté un candidat en morcelant son électorat.
Une date limite de dépôt de candidature est fixée. D’abord de 18 jours avant le scrutin, elle est étendue à 37 afin de faciliter les préparatifs et vérifications que le Conseil Constitutionnel réalise. De plus, le Conseil Constitutionnel tire au sort (s’il y a lieu) 500 candidatures publiées au Journal Officiel, ce qu’a récemment critiqué le Front National, peinant à trouver des signataires enclin à devenir « soutien » du parti d’extrême droite. Depuis la loi organique du 11 mars 1988, tout candidat doit remettre au Conseil Constitutionnel une déclaration patrimoniale détaillée, dans un souci de transparence quand aux financements apportés aux diverses campagnes. Notez que cette disposition fût étendue à tout élu depuis 2016.
Le nombre de candidat a toujours été limité par les signatures demandées (6 en 1965 et 7 en 1969). Il atteint finalement 12 en 1974, puis 16 en 2002 (malgré la révision de 1976 sur les 500 signatures), 12 en 2007, 10 en 2012 puis enfin ils seront 6 en 2017 en raison des élections primaires. C’est une vraie nouveauté en 2017 car pour la première fois sous la Ve République, l’ensemble des parrainages (nombre et identité) des candidats à la présidentielle sera publiquement diffusé par le Conseil Constitutionnel.
Dans tous les cas, l’affrontement finissait toujours par un duel Gauche/Droite excepté en 1969 (Pompidou/Poher) et en 2002 (Chirac/Le Pen), où la gauche trop morcelée ne préfigure pas.
C’est ainsi que ressort une très nette tendance des partis politiques à dominer l’élection présidentielle. En effet, on constate une mainmise des partis sur l’élection présidentielle, puisque historiquement le pouvoir ne fut approché que par les deux grands partis représentatifs de droite et de gauche. Si dans un premier temps, à gauche, les militants choisissent leurs candidats, l’UDF et le RPR tentent en 1995 (avec Charles Pasqua) une alliance (visant une primaire inter partis) qui échouera faute de moyens et de consensus. Plus récemment une alliance de la droite avec le centre-droit donna naissance à l’UMP qui permit à Nicolas Sarkozy (désigner par les élus et partisans) de se présenter en 2007 face à Ségolène Royal. Encore plus récemment, la dernière innovation vient de gauche, avec une « primaire citoyenne », tous les électeurs étant conviés, laissant François Hollande seul en lice contre Nicolas Sarkozy en 2012, président sortant candidat de droit pour la droite.
Dans un prochain article nous nous pencherons sur la question de la responsabilité du Président de la République
Sources : justudere et site des pouvoirs publics