Souvent employé à tort dans beaucoup de dissertation de culture générale, le principe de précaution est évoqué de plus en plus fréquemment en raison de l’insécurité générale dont souffre notre pays depuis quelques années. Il était important d’éclaircir ce principe…

1. Définitions du principe

C’est une nouvelle référence normative qui s’est imposée depuis quelques années. Elle traduit l’idée que tout progrès scientifique, technique ou industriel s’accompagne de dangers potentiellement graves et irréversibles pour l’environnement ou la santé. Par conséquent, des mesures de sécurité effectives doivent être prises même si les risques ne sont pas prouvés ou démontrés, en l’absence de toute certitude scientifique sur leur évaluation.

Il s ‘agit donc d’adopter une attitude de prudence face aux impacts des techniques.

Ce principe est donc tout le contraire de l’attitude passive, attentiste. C’est plutôt une invitation à l’action, avant que la catastrophe n’arrive. Il ne faut donc pas attendre les certitudes, il faut prévenir immédiatement. Le principe de précaution pousse à agir, même si l’on s’aperçoit plus tard que l’action n’était pas motivée.

Principal objectif : assurer une gestion saine et mesurée des risques, par les responsables scientifiques et politiques.  Ne plus réagir une fois la catastrophe arrivée, mais anticiper et ne plus attendre de « savoir » pour décider.

2. Historique de ce principe

Il reçoit une consécration publique en 1992 à l’occasion de la conférence de Rio (Sommet de la Terre réuni par l’ONU). Il est incorporé dans l’ensemble du dispositif destiné à définir les nouvelles relations des hommes entre eux et avec la terre, à côté des principes de participation, de coopération, de responsabilité.

Mais il reste absent des règles du commerce international : non reconnu par l’OMC. Les USA considèrent qu’il s’agit d’une forme de protectionnisme déguisé.

Il tend à s’imposer comme une référence collective, à la suite des affaires successives de l’amiante,de la vache folle et du sang contaminé. Il est introduit dans le droit positif français en 1995, dans le cadre de la loi Barnier relative au renforcement de la protection de l’environnement (1 pays à l’avoir inscrit dans son droit interne).

Il a fourni des arguments à des associations pour obtenir du conseil d’État, fin 1998, le maintien provisoire de l’interdiction de commercialiser un maïs transgénique. Enfin il est inscrit depuis mars 2005 dans la constitution, par l’intermédiaire de la charte de l’environnement: nouveaux droits de l’homme qui intègrent le droit à vivre dans un environnement non-dégradé et non-pollué.

3. Domaines d’application
  • repris dans de nombreuses conventions portant sur la gestion des ressources naturelles (biodiversité, pêche et forêts), et la protection de l’environnement (protocole de Kyoto sur les changements climatiques, problème de la couche d’ozone, gestion des déchets).
  • par rapport à l’épidémie de grippe du poulet par exemple.

C’est dans le domaine de l’alimentaire qu’il a été le plus utilisé jusqu’à présent. Il y avait une forte demande de surveillance, d’éthique et de déontologie dans ce domaine car il y avait carence. En effet, les institutions en charge de surveiller le bon fonctionnement de la chaîne alimentaire ont été souvent défaillantes d’où une crise de confiance et méfiance du public.

La réglementation UE par rapport aux OGM s’appuie sur le principe de précaution : évaluation au cas par cas, à cause du niveau d’incertitude qui les entoure.

4. Controverses par rapport au principe de précaution
  • La prise de conscience de son importance s’inscrit dans une époque où la transparence est devenue une valeur fondamentale (participation, partage des responsabilités, gouvernance, dialogue).
  • Le temps de l’autorité qui ne devait pas se justifier est révolu. Il s’inscrit donc dans une logique de responsabilité.

Il était en effet fréquent de se réfugier derrière l’opacité de la hiérarchie et de la chaîne des donneurs d’ordre. Prise de conscience que nous faisons, à un niveau individuel et pour le présent, a des répercussions à un niveau collectif et pour les générations à venir.

  • La responsabilité politique est engagée : de la conduite du gouvernement va dépendre le maintien de la confiance dans telle ou telle technique, telle ou telle innovation, telle ou telle filière industrielle ou agroalimentaire.
  • La médiation politique est essentielle, pour faire que cette incertitude ne se transforme pas en une défiance qui conduit au retrait (cf. la baisse ventes de bœuf ou de poulet).
  • Ce principe soulève la question du risque et de l’incertitude dans une société, sans pour autant fournir de solution. Il divise l’opinion : exprime les valeurs d’une société qui refuserait l’innovation et voudrait le « risque zéro » ou exprime une philosophie générale de la responsabilité que l’on devrait appliquer sitôt qu’un risque potentiel est identifié.
  • Il soulève le problème de l’expertise scientifique dans le domaine des biotechnologies : la frontière recherche publique / recherche privée se réduit considérablement (poids des financements privés, articulation forte recherche fondamentale / recherche appliquée qui aboutit à de nouveaux procédés techniques et des brevets).
  • Il modifie le statut de l’innovation : la recherche doit mener de front la promotion de l’innovation, la maîtrise du développement technologique et les problèmes d’environnement posés par ce développement.

 

A bientôt !