Le maréchal Gallieni est surtout resté dns les mémoires pour avoir théoriser et appliquer, lors de la conquête de Madagascar, le concept militaire de pacification en systématisant les méthodes appliquées par d’autres chefs militaies dont le colonel Pennequin au Tonkin. Mais qui était-il vraiment ?

Joseph-Simon Gallieni  est né le 24 avril 1849 à Saint-Béat (Haute-Garonne), fils d’officier, il fit ses études au prytanée militaire de La Flèche, intégra l’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1868 et en sortit deux ans plus tard, avec le grade de sous-lieutenant dans l’infanterie de marine, lors de la guerre franco-prussienne.

Présent à Bazeilles (31 août-1er sept. 1870), il fit partie de la troupe héroïque qui se sacrifia dans la célèbre “ maison des dernières cartouches”, immortalisée par le peintre Alphonse de Neuville. Blessé à la tête et fait prisonnier en Allemagne, il eut la satisfaction de ne pas capituler avec l’armée de Sedan.

Après l’armistice (1871), le jeune officier colonial passa trois ans à la Réunion puis au Sénégal, à partir de 1876, où il réussit à imposer le protectorat français à Ahmadou, sultan de Ségou. Capitaine en 1878, puis chef de bataillon en 1882, il put, tout en combattant, affermir ses idées et ses méthodes au contact des réalités quotidiennes. Promu au grade de lieutenant-colonel en 1886, il revint en métropole suivre les cours de la toute nouvelle École de guerre dont il sortit breveté avant de quitter une nouvelle fois la France pour répondre à l’appel de l’Asie.

Rejoignant le Tonkin et la garnison de Lang Son, il pacifia méthodiquement cette région alors en pleine ébullition, organisa la frontière de Chine, trouvant déjà auprès de lui le chef d’escadron qui racontera dans ses   comment le colonel Gallieni sut l’affranchir de la tyrannie des règlements et l’initier à la lecture de D’Annunzio et de Stuart Mill.

Mais la grande œuvre restait à accomplir: la pacification et l’organisation de Madagascar qui exigeront, neuf années durant, des trésors d’intelligence, d’expérience et de courage.  Une double tâche l’attendait alors qu’il venait d’être promu général de brigade en 1896: réprimer la révolte qui mettait la Grande Île à feu et à sang, puis soumettre les tribus restées indépendantes. Dans un premier temps, il montra sa force et déposa la reine Ranavalona.

Puis, la paix établie, il se préoccupa de mettre le pays en valeur: dispensaires et écoles s’organisèrent; fermes modèles, centres de cultures et d’élevage virent le jour tandis qu’une campagne en faveur du repeuplement battit son plein. “L’occupation militaire est une organisation qui marche”, se plaisait-il à répéter, résumant ainsi le système d’administration qu’il mit au point avec cœur et finesse. Pour accomplir cette œuvre, le général Gallieni choisit ses collaborateurs: Lyautey encore, mais aussi pour fortifier Diégo-Suarez. Une pléiade de jeunes officiers se formèrent à son école et lorsqu’il quitta définitivement Madagascar, en 1905, il avait bien rempli sa délicate mission.

Nommé successivement inspecteur général des troupes coloniales, commandant du 13e puis du 14e corps d’armée, puis gouverneur militaire de Lyon, membre du Conseil supérieur de la guerre, titulaire de la Médaille militaire, cette suprême distinction du soldat, le général Gallieni fut maintenu en activité sans limite d’âge le 24 avril 1914. Désigné comme adjoint et successeur éventuel du général Joffre, commandant en chef, le 31 juillet 1914, il fut nommé gouverneur militaire de Paris par décret présidentiel le 26 août de la même année et gagna sa troisième étoile. Donnant une impulsion vigoureuse et méthodique à l’organisation de défense de la capitale menacée par l’avance ennemie, il signa le 3 septembre son ordre du jour célèbre: “J’ai reçu le mandat de défendre Paris contre l’envahisseur; ce mandat, je le remplirai jusqu’au bout.” La retraite des troupes françaises se poursuivait toutefois, lorsqu’une reconnaissance aérienne lui apprit que l’aile droite ennemie (von Kluck) se détournait de Paris pour se rabattre sur Meaux. Dans une inspiration stratégique fulgurante, il entrevit tout de suite la manœuvre d’enroulement allemande et celle, française, qu’il fallait lui opposer. Les trois entretiens téléphoniques qu’il eut alors avec Joffre jouèrent un rôle déterminant, car ce dernier adopta finalement le plan qu’il lui proposa. Le 5 septembre, à midi, la VIe armée Maunoury déclencha la bataille de l’Ourcq, préfaçant celle de la Marne qui débuta le lendemain. S’il ne fut pas le “vainqueur de la Marne”, il en resta incontestablement l’un des principaux artisans et demeura dans toutes les mémoires le “sauveur de Paris”.

Le 29 octobre 1915, le général Gallieni accepta le portefeuille de la Guerre dans le ministère Briand. Se heurtant vite à l’incompréhension des milieux politiques et à la méfiance de certains milieux militaires, il démissionna le 16 mars 1916. Très éprouvé par trente ans de séjour aux colonies et la mission écrasante qu’il venait d’accomplir, miné également par une certaine amertume, il mourut le 27 mai 1916, à la suite d’une intervention chirurgicale, dans une clinique de Versailles. Tandis que le canon tonnait à Verdun, le peuple parisien salua avec émotion la dépouille de ce grand chef de guerre qui, après la défaite de 1870, avait choisi de répondre à “ l’appel” de la France d’outre-mer plutôt qu’à celui de la “ligne bleue” des Vosges.

Administrateur et homme d’action, anticonformiste, respectueux de l’esprit des règlements tout en sachant s’affranchir de leur application littérale, le général Gallieni fut, selon le mot de Joffre, “le type même du soldat complet”. Auteur d’un grand nombre d’ouvrages sur son action coloniale, il sut néanmoins mettre à jour ses connaissances pour s’adapter aux nécessités du combat européen. À l’occasion de ses funérailles nationales, Clemenceau écrira: “Le général Gallieni est l’homme dont la prompte décision nous a donné la bataille de la Marne. Il est le véritable sauveur de Paris. Les funérailles nationales ne sont qu’un commencement de justice. Avec ses conséquences, le reste suivra. L’heure viendra des jugements et la mémoire de Gallieni peut attendre avec tranquillité l’avenir.”

Conformément à ses dernières volontés, il fut inhumé à Saint-Raphaël, auprès de son épouse. Il fut élevé à la dignité de maréchal de France, à titre posthume, le 7 mai 1921.

 

Source : Encyclopédie Universalis