Les accords d’EVIAN marquent la fin de la guerre d’Algérie. Plus ou moins contestés, pour véritablement les comprendre, ils doivent se penser selon une certaine temporalité. Le conflit entre les Algériens et les colons débute dès la colonisation, dans la seconde moitié du XIXe siècle. La pacification entre les deux pays est un processus bien plus long que la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962 ne pourrait laisser penser. Il faut replacer les Accords d’Evian dans le temps long pour comprendre pourquoi leur succès fut mitigé, et pourquoi leur impossible mise en œuvre a durablement marqué les relations franco-algériennes…

L’Algérie est devenue une colonie française suite à la prise d’Alger en 1830. Elle a été une colonie d’autant plus importante pour les Français qu’elle figurait parmi leurs premières conquêtes coloniales. Elle avait alors un statut très particulier, puisqu’elle était formée de trois départements français, et qu’elle ne constituait pas un simple protectorat comme le Maroc.

En outre, elle a reçu 1 million de Français venus de la métropole, ce qui explique son importance aux yeux des gouvernements français successifs.

Les « évènements d’Algérie » ont longtemps désigné la guerre opposant les forces françaises aux activistes revendiquant l’indépendance algérienne. La création du Front de Libération Nationale (FLN) marque le début de la guerre d’Algérie en 1954. Ses membres luttaient pour l’indépendance de l’Algérie par les armes. La guerre s’achève en 1962 avec la signature des Accords d’Evian, qui actaient la reconnaissance de l’indépendance algérienne par le gouvernement français de Charles de Gaulle. Ces années sont marquées par de nombreux

attentats (perpétrés par le FLN et par des Français d’Algérie qui souhaitaient le maintien de l’Algérie française) et par des violences répétées de l’armée française vis-à-vis de la population algérienne et des activistes du FLN.

Il s’agit de comprendre ici que les Accords d’Evian sont issus d’un long processus, qui a progressivement amené les autorités françaises à reconnaître l’indépendance de l’Algérie, et dont voici les principales étapes :

  • Le sentiment nationaliste algérien est né dès les débuts de la colonisation française, avant d’être exacerbé par le peu de considération réservé aux soldats indigènes par les pouvoirs publics français lors de la Première Guerre Mondiale.
  • À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les colonies françaises étaient considérées comme l’un des seuls éléments restants de la grandeur de la France, dont le prestige avait été pour le moins écorné par le régime de Vichy. Ceci explique en partie pourquoi les Français ont été majoritairement hostiles à l’indépendance de l’Algérie.
  • Dans ce contexte, les revendications nationalistes se sont renforcées à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, mais elles ont été étouffées par les autorités françaises métropolitaines. Le 8 mai 1945, d’importantes manifestations eurent lieu en Algérie française pour revendiquer l’indépendance. La répression par les autorités françaises fut féroce, et fit près de 1500 morts. Ces revendications nationalistes, après avoir été étouffées par la Ive République naissante, finirent par se radicaliser.
  • Le 1 novembre 1954, une série d’attentats furent menés dans différentes régions de l’Algérie. Cesattentats firent une dizaine de morts, et ils marquèrent surtout le début de la confrontation ouverte entre les autorités françaises et les indépendantistes. De premiers pourparlers en février 1956 visèrent à négocier un nouveau statut de l’Algérie, sans reconnaître son indépendance. Mais l’ambiguïté du gouvernement socialiste et du Premier Ministre Guy Mollet, partagés entre un accord avec le FLN et le souci de ne pas s’attiser les foudres des Français d’Algérie, finit par faire échouer ces négociations. En 1958, fut alors élaborée une « loi-cadre » qui faisait de l’Algérie une « fédération très complexe de territoires autonomes au sein de la République française ».
  • Les difficultés des gouvernements français étaient surtout liées à la pression qu’exerçaient les Français d’Algérie, les Français de la métropole étant de plus en plus disposés à lâcher le « fardeau algérien ».
  • Alors que la IVeRépublique voit se succéder les gouvernements, tous bloqués par les évènements en Algérie, les activistes de l’Algérie française appellent au pouvoir Charles de Gaulle en mai 1958, persuadés qu’il saura les soutenir. Mais de Gaulle a considérablement évolué depuis la sortie de la guerre. Après avoir longtemps pensé qu’il fallait substituer « l’association à la domination », il a progressivement pris conscience que la violence des revendications autonomistes ne laissait plus d’autre solution que l’autonomie.
  • Le 1er juin 1958, l’Assemblée française vote la confiance au gouvernement formé par Charles de Gaulle. Celui-ci fait voter en mars 1962 les Accords d’Evian.
Que s’est-il passé en quatre ans ?
  • Conscient d’être dans une impasse politique, de Gaulle prononce le 16 septembre 1959 un discours en faveur de l’autodétermination, faisant un pas de plus vers l’acceptation de l’indépendance et admettant l’échec de l’association qu’il prônait jusqu’alors. Les affrontements entre l’armée française et les membres du FLN ne cessent de se radicaliser. La France métropolitaine vit de moins en moins bien le départ de ses soldats, chargés de défendre une cause que l’opinion publique sait perdue d’avance. Les manifestations nationalistes de décembre 1960 obligent Charles de Gaulle à prendre en compte les revendications indépendantistes du FLN.
  • Il organise finalement un référendum le 8 janvier 1961. Le « putsch des généraux » du 22 avril 1961 à Alger, qui se solde par un échec de leur part, ne le fera pas changer d’avis : ce jour-là, les militaires d’Alger tentent un coup d’État pour poser un ultimatum au gouvernement français. Même les menaces de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), fondée en 1961 par des Français d’Algérie partisans du maintien de l’Algérie française, ne feront plus fléchir de Ces divisions se sont ensuite particulièrement ressentis dans la pénible et chaotique application de ces accords entre le 19 mars et le 20 septembre 1962. L’échec de la mise en œuvre des accords d’Evian est dû à la fois aux responsables de l’OAS, du FLN et du gouvernementLe gouvernement français a également mis beaucoup de temps à organiser le rapatriement massif des Français d’Algérie en métropole.
  • français. En effet, l’OAS a multiplié les actes terroristes et les appels à la grève, ce qui a semé le trouble dans les territoires algériens. Le FLN a répondu par les armes et a alimenté un climat de grande violence en partant en guerre contre tous les Européens présents. Quant à la France, elle a abandonné sur place bien des harkis, c’est-à-dire des Algériens qui avaient lutté avec les Français pour le maintien de l’Algérie française.
  • Les Accords d’Evian ont été négociés entre l’État français et le FLN. Ils prévoyaient un cessez-le-feu et un accord politique entre les deux parties prenantes, « prévoyant d’acheminer par étapes le territoire français d’Algérie au statut d’État indépendant ». Toutefois, il est impossible de se procurer un seul et même texte de ces accords, car chacun des protagonistes en expose bientôt une version différente – preuve que le FLN et le gouvernement français sont très divisés.
  • Les Accords d’Evian ont été négociés entre l’État français et le FLN. Ils prévoyaient un cessez-le-feu et un accord politique entre les deux parties prenantes, « prévoyant d’acheminer par étapes le territoire français d’Algérie au statut d’État indépendant ». Toutefois, il est impossible de se procurer un seul et même texte de ces accords, car chacun des protagonistes en expose bientôt une version différente – preuve que le FLN et le gouvernement français sont très divisés.
  • Ces divisions se sont ensuite particulièrement ressentis dans la pénible et chaotique application de ces accords entre le 19 mars et le 20 septembre 1962. L’échec de la mise en œuvre des accords d’Evian est dû à la fois aux responsables de l’OAS, du FLN et du gouvernement français. En effet, l’OAS a multiplié les actes terroristes et les appels à la grève, ce qui a semé le trouble dans les territoires algériens. Le FLN a répondu par les armes et a alimenté un climat de grande violence en partant en guerre contre tous les Européens présents. Quant à la France, elle a abandonné sur place bien des harkis, c’est-à-dire des Algériens qui avaient lutté avec les Français pour le maintien de l’Algérie française.
  • Le gouvernement français a également mis beaucoup de temps à organiser le rapatriement massif des Français d’Algérie en métropole.
  • De Gaulle a accordé beaucoup d’importance aux intérêts pétroliers et militaires de la France au Sahara, mais il s’est aussi employé à empêcher la faillite de l’État algérien en lui accordant une grande aide budgétaire, malgré la remise en cause des accords d’Evian par Ben Bella (premier dirigeant de l’Algérie indépendante).
  • En 1975, après la mort de Franco, l’Espagne abandonne sa dernière colonie, le Sahara occidental. Mais le Sahara occidental n’accède pas à l’autonomie car le Maroc en prend le contrôle. L’Algérie entre en conflit avec le Maroc et soutient le Sahara occidental. La France ne prend pas position clairement au cours de ce conflit, et bientôt l’Algérie accuse la France de soutenir le Maroc. Cet épisode va durablement marquer les relations entre l’Algérie et la   France: l’Algérie adopte à la suite des mesures destinées à affaiblir la place de la culture française en Algérie, notamment en accélérant l’arabisation de l’enseignement, mais aussi en substituant le vendredi au dimanche comme jour de repos (conformément à la tradition musulmane).
  • Enfin, la guerre civile algérienne (qui oppose les islamistes et les membres du FLN, au pouvoir depuis l’indépendance) affecte de nouveau profondément les relations entre l’Algérie et la France. En effet, cette guerre n’est pas restée uniquement algérienne et les violences faites aux étrangers furent vives, en témoigne l’assassinat des moines français de Tibhirine en 1996, attribué au Groupe islamiste armé (GIA).
  • Les années 2000 ne verront pas les relations franco-algériennes s’arranger. Le gouvernement algérien de Bouteflika demande aux autorités françaises une repentance des violences ayant eu lieu au cours de la guerre d’Algérie, mais le gouvernement français ne reconnaît jamais clairement la responsabilité française.
  • En conclusion, les Accords d’Evian méritent donc d’être re-contextualisés dans un temps plus long, pour comprendre les difficultés à les faire adopter et l’incapacité des différents signataires à les mettre en œuvre.

Les Accords d’Evian n’ont pas permis une véritable réconciliation franco-algérienne. En cela, ils comportent une part d’échec, qui a durablement marqué les relations entre la France et l’Algérie.

En parallèle, un article dédiée au thème de la MEMOIRE (à étudier pour le concours commun de sciences Po 2017) et relatif aux mémoires sur ce conflit se trouve ici :

 

A bientôt