Nous allons débuter une série d’article qui vous proposerons un thème de culture générale pour lequel nous développerons des notions, des problématiques, des idées fortes sur lesquelles vous pourrez vous appuyer en cas de sujets dédiés à ces thèmes.

Sur le thème du « Travail », vous disposerez de six problématiques. Ces problématiques vous permettront de mieux appréhender les débats actuels sur le thème et ses enjeux en l’approfondissant et vous en apportant des éléments de connaissances, d’analyse et de réflexion…

Le thème du travail peut être vu sous l’angle de 3 principaux enjeux :

  • Le travail précaire
  • Le temps de travail
  • La protection sociale

Nous aborderons dans cet article l’enjeu du travail précaire.

Le travail précaire présente deux grandes problématiques qui sont liées aux travailleurs pauvres et au travail des femmes.

Problématique des travailleurs pauvres

Qui sont les travailleurs pauvres ? Comment mesure-t-on leur nombre ? Combien sont-ils en France, en Europe et dans le monde ? Cette première partie vous propose de faire le tour de la question…

Pendant longtemps le travail a été un rempart contre la pauvreté permettant d’obtenir des moyens de subsistance suffisants pour mener une vie décente. Aujourd’hui le travail ne met plus à l’abri du besoin, la pauvreté a ainsi cessé d’être seulement un attribut de la grande exclusion. Jusqu’aux années 1980, la pauvreté concernait surtout des personnes âgées, marginalisées et désocialisées, ou encore des indépendants menacés par l’évolution de la société.

Elle était essentiellement liée à la faiblesse de la protection sociale pour les exclus et les retraités. Elle concerne aujourd’hui de plus en plus des personnes qui disposent d’un travail. Sur le plan statistique, un « actif pauvre » (« working poor ») est une personne active, occupée ou non pendant plus de six mois, qui appartient à un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.

L’expression de « travailleur pauvre » désigne de manière générale une personne qui possède un emploi, mais dont le niveau de vie   est inférieur au seuil de pauvreté. Le niveau de pauvreté lié à la rémunération du travail dépend par ailleurs du seuil considéré. Par exemple, le Bureau international du travail (BIT) prend en considération les seuils de pauvreté retenus par la Banque mondiale, soit 1,25 dollar par jour en ce qui concerne le seuil d’extrême pauvreté, et deux dollars par jour pour le seuil de pauvreté. Eurostat, l’organe statistique européen, propose quant à lui un seuil relatif qui correspond à 60 % du revenu médian  au sein de chaque État. Il faut donc se garder de toute comparaison entre les données européennes et internationales. Par mois, le seuil de pauvreté au Royaume-Uni est estimé à 967 € contre 159 € en Roumanie (voir Les seuils de pauvreté en Europe). Si l’on retient les critères proposés par le BIT, soit 2 dollars par jour, le seuil serait autour de 45 euros par mois…

Selon les définitions choisies, le nombre de travailleurs pauvres en 2006 en France est estimé entre 851 000 personnes et 2 210 000 personnes selon les critères voire jusqu’à 7 000 000 personnes.

Les définitions fréquentes du travailleur pauvre dépendent du seuil de pauvreté. L’Insee utilise un seuil à 50 % et Eurostat un seuil à 60 % (L’Union européenne, avec son indicateur de pauvreté au travail, considère comme travailleurs pauvres les personnes ayant été principalement au travail durant l’année de référence et qui vivent dans un ménage dont le revenu par unité de consommation est inférieur au seuil de risque de pauvreté de 60 % du revenu médian standardisé, incluant les prestations sociales).

Selon l’Insee, est considéré comme un travailleur pauvre une personne ayant été actives au moins six mois dans l’année dont au moins un mois en emploi, tout en vivant dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En 2014 selon Eurostat, la France fait figure de « bon élève » avec 8,81 % des salariés à bas salaires, moitié moins que la moyenne européenne. La France est dans le top 5 des pays avec le moins de bas salaires en Europe depuis 2006, se trouvant au niveau du Danemark en 2014. La proportion est cependant plus élevée qu’en 2006 à cause de la crise économique mondiale depuis 20082.

Selon le rapport 2007-2008 de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES), le nombre de travailleurs pauvres (revenus inférieur au seuil de pauvreté, 817 euros mensuels pour une personne seule) est passé de 1,47 million en 2003 à 1,74 million en 2005 (avec la définition française) soit « 7 % des travailleurs ». 78 % des travailleurs pauvres occupent un emploi toute l’année, dont 21 % à temps partiel (contre 14 % pour l’ensemble des travailleurs), et gagnent en moyenne 775 € par mois au titre de leur activité qui représente 72 % de leurs revenus disponible, le reste venant de prestations sociales. En 2003, sur 1,3 million de travailleurs pauvres, 39 % avaient été au chômage une partie de l’année. Les 61 % restants avaient travaillé toute l’année, comme indépendants (20 % de tous les travailleurs pauvres), comme travailleurs à temps plein (12 %) ou comme travailleurs à temps partiel (35 %). Entre 1970 et 2002, si le taux de pauvreté global au seuil de 50 % a baissé de 12 à 6 %, le nombre de travailleurs pauvres a lui augmenté de 3,4 % à 5,7 %13.

L’effritement de la société salariale marqué par le repli du modèle de l’emploi à temps plein en contrat à durée indéterminée est l’un des principaux facteurs de l’essor du phénomène des travailleurs pauvres. En effet, depuis plus de 25 ans, le développement de l’emploi précaire a pris différentes formes (intérim, CDD, temps partiel…) qui, associées à la reconfiguration des modèles familiaux, dont l’apparition de familles monoparentales, ont remis en cause l’assurance d’être prémuni du risque de pauvreté par son travail. En dehors d’éventuels épisodes de chômage, le caractère temporaire ou instable de l’emploi, le temps partiel, l’absence de qualification, le fait de débuter tard sa vie professionnelle constituent autant de facteurs individuels tendant à augmenter le risque de pauvreté.

Le maintien en dessous du seuil de pauvreté de ménages dont au moins un des membres travaille a justifié l’adoption de politiques publiques visant à fournir à ces ménages un complément de revenu. Le revenu de solidarité active (RSA) s’inscrit pleinement dans cette logique et doit permettre de réduire le nombre de travailleurs à temps partiel touchés par la pauvreté.

Si la misère de la classe ouvrière naissante du milieu du XIXe siècle est à l’origine des premières règles du droit du travail puis de celles de l’aide sociale, la question de la définition juridique du travailleur pauvre peut, en France, être datée à 2009 : le revenu de solidarité active (RSA) s’est alors substitué au revenu minimum d’insertion (RMI) et à l’allocation de parent isolé (API) « dans une logique de lutte contre la pauvreté axée sur le soutien au travail ».

La notion de travailleur pauvre permet de déterminer le bénéficiaire du RSA-activité, et ainsi d’autoriser le cumul des revenus d’activité avec ceux de l’assistance. Mais c’est moins simple que cela en a l’air.

Question de droit social. La définition juridique du travailleur pauvre qui peut, en France, être datée à 2009 permet de déterminer le bénéficiaire du RSA-activité, et ainsi d’autoriser le cumul des revenus d’activité avec ceux de l’assistance. Mais c’est moins simple que cela en a l’air.

Ainsi, la mesure de la pauvreté se fait non pas individuellement mais sur l’ensemble du niveau de vie d’un ménage. Celui-ci est entendu comme l’agrégation des revenus annuels nets d’impôts et de cotisations sociales du ménage.

Ce revenu agrégé est divisé par un nombre d’« unités de consommation » qui dépendent de la taille et de la composition familiale, voire de l’âge des enfants. Ce mode de calcul, dit « familiarisé », suppose qu’il y ait mise en commun complète des ressources du ménage, ce qui, en réalité, est loin d’être le cas.

La notion de travailleur est tout aussi complexe, dans la mesure où plusieurs définitions sont possibles et utilisées. Ainsi, celle de l’Insee considère que sur une année est un travailleur celui qui est actif pendant six mois et a occupé un emploi pendant au moins un mois. Pour Eurostat, c’est celui qui a occupé un emploi pendant sept des douze derniers mois.

Les caractéristiques du travailleur pauvre retenues par le code de l’action sociale et de la famille peuvent conduire à des situations paradoxales. Un salarié bénéficiant du salaire minimum, et donc du RSA-activité, qui a un conjoint inactif et deux enfants ne percevra plus le RSA, y compris la part dédiée à l’existence d’enfants à charge, s’il perd son emploi. Il sera donc moins bien traité qu’un salarié au smic avec un conjoint inactif et qui aura une part de RSA-activité, alors qu’il est plus pauvre que ce dernier.

Cette définition du travailleur et l’obligation de faire une demande d’aide conduisent à un fort taux de non-recours au RSA-activité : les bénéficiaires potentiels, qui travaillent, ne pensent pas pouvoir entrer dans la catégorie des assistés ou alors ne souhaitent pas y figurer.

De fait, le RSA n’est efficace que pour les célibataires qui passent du chômage à l’activité à temps partiel. Et pour le cas de la reprise d’un travail peu rémunéré par un seul membre d’un couple de sans-emploi. Dans un contexte de fort chômage, cette notion doit, à l’évidence, être revue.

Il existe deux façons de mesurer le nombre de travailleurs pauvres. Soit on prend en compte l’ensemble des revenus du ménage, auquel on ajoute les prestations sociales. Il s’agit alors de travailleurs dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Si le niveau de vie ainsi calculé est inférieur au seuil de pauvreté, les personnes en emploi au sein de ce ménage sont considérées comme travailleurs pauvres. C’est le cas, par exemple, d’une famille de cinq personnes où une seule dispose d’un emploi payé au Smic à temps plein. Soit on prend en compte uniquement les revenus individuels d’activité (salaires ou revenus des travailleurs indépendants). Si les revenus d’activité d’une personne qui travaille sont inférieurs au seuil de pauvreté, elle sera considérée comme travailleuse pauvre. C’est le cas par exemple d’une personne employée au Smic à mi-temps. Elle ne serait pas prise en compte dans la première définition si elle vivait avec une personne dont les revenus permettent de dépasser le seuil de pauvreté pour l’ensemble du ménage.

La pauvreté au travail s’explique d’abord par des niveaux de salaires insuffisants. En France, le salaire minimum à temps plein est supérieur – d’environ 100 euros – au seuil de pauvreté. Les actifs à temps plein ne peuvent être des travailleurs pauvres au sens de l’activité. Ils peuvent être pauvres s’ils vivent dans un ménage sans autres ressources par exemple.

Tous les actifs ne travaillent pas à temps plein. Le temps partiel, l’alternance d’emplois et de chômage, l’intérim de courte durée peuvent aussi déboucher sur des revenus salariaux inférieurs au seuil de pauvreté en moyenne sur l’année. La précarisation de l’emploi alimente directement la pauvreté au travail.

Le phénomène des travailleurs pauvres prend de l’ampleur du fait de la montée du chômage, de la précarité et de la déréglementation des marchés du travail. Ce qui marque les esprits, c’est qu’au sein de pays riches où la « valeur travail » est mise en avant, le fait d’exercer un emploi ne garantit plus toujours de sortir de la pauvreté et de pouvoir disposer de ressources qui permettent de s’insérer correctement dans la société. Il n’en demeure pas moins qu’entre les vendeurs à la sauvette des rues des mégalopoles des pays du Sud et les salariés en temps partiel subi des pays riches, les situations ne sont pas comparables.

Les données principales
  • Les travailleurs pauvres en France

Un million de travailleurs vivent avec à peine plus de 800 euros par mois notamment du fait du temps partiel contraint.

Un million de personnes exercent un emploi mais disposent d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté, fixé à la moitié du revenu médian et 1,9 million au seuil à 60 %. Si l’on comptabilise toutes les personnes qui vivent dans un ménage pauvre et dont le chef de famille travaille, il faut multiplier ces données par deux environ.

La pauvreté au travail n’explose pas, selon les données de l’Insee . Elle a plutôt diminué entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000. Le nombre de travailleurs pauvres au seuil de 50 % a ainsi baissé de 20 % au cours de cette période. Depuis la moitié des années 2000, on a assisté à une lente remontée, pour retrouver le niveau du début de notre période.

Il n’en demeure pas moins au minimum un million de personnes qui travaillent sans pour autant sortir de la pauvreté. Ce phénomène résulte de plusieurs facteurs. Démographiques : pour mesurer ces niveaux de vie, on tient compte des revenus de l’ensemble du ménage. Ainsi, une personne ayant un emploi rémunéré au Smic qui vivrait avec une personne sans ressource verrait le niveau de vie passer au-dessous du seuil de pauvreté. Mais aussi économiques : faiblesse des salaires, impact du temps partiel, fractionnement des emplois, alternance de phases d’emploi et de chômage notamment.

  • Les travailleurs pauvres en Europe

8,4 % des travailleurs en Europe sont pauvres. Ils sont 3,7 % en Finlande, 6,7 % en France et 17,6 % en Roumanie…

8,4 % des travailleurs de l’Union européenne sont pauvres, selon l’office statistique européen Eurostat [1]. Avec respectivement 3,7 % et 4,6 %, la Finlande et la Belgique sont les pays où la part de travailleurs pauvres est la plus faible. A l’inverse, la Roumanie se situe au plus haut, avec 17,6 %, juste derrière la Grèce (13,8 %) et l’Espagne (11,4 %). La France se situe sous la moyenne de l’Union européenne avec 6,7 %. Parmi les pays européens les plus riches, l’Italie présente une proportion de travailleurs pauvres assez nettement supérieure à la moyenne, 10,2 %.

Depuis 2005, le niveau de travailleurs pauvres au sein de l’Union européenne est resté quasiment constant. Cette moyenne cache des évolutions contrastées. Le niveau de travailleurs pauvres est resté stable en Finlande, tandis qu’il a diminué en Hongrie ou au Royaume-Uni notamment. De nombreux pays ont enregistré une hausse, modeste en France, plus importante en Suède ou encore en Allemagne. Des pays comme l’Espagne ou la Grèce ont vu leur situation se détériorer alors qu’ils faisaient déjà partie des mauvais élèves.

  • Les travailleurs pauvres dans le monde

633 millions de travailleurs dans le monde vivent sous le seuil d’extrême pauvreté. Ils étaient 945 millions dix ans auparavant.

663 millions de personnes en emploi dans le monde vivent sous le seuil d’extrême pauvreté, soit avec moins de 1,25 $ par jour, selon les données 2008 du Bureau international du travail. On en dénombrait 945 millions en 1998. En dix ans, le nombre de travailleurs extrêmement pauvres a diminué d’un tiers. Si l’on considère le seuil de pauvreté, soit 2 $ de revenus par jour et par personne, le nombre de travailleurs pauvres est estimé à 1 183 millions, contre 1 429 millions dix ans auparavant, en baisse de 17 %.

Le nombre de travailleurs extrêmement pauvres est le plus important en Asie du Sud, avec 274 millions. Le contingent le plus important en 1998 était en Asie de l’Est mais une baisse très importante a eu lieu dans cette région du monde – qui compte notamment la Chine. Le nombre de travailleurs extrêmement pauvres y est passé de 372 à 87 millions entre 1998 et 2008 (-77 %), soit l’équivalent de la quasi-totalité de la diminution mondiale. A l’inverse, la situation en Afrique subsaharienne s’est aggravée, passant de 146 à 172 millions en 2008 (+ 18 %), mais la population de cette partie du continent a augmenté de 25 % durant la même période. En prenant en compte le seuil de pauvreté à 2 $ par jour et par personne, les évolutions par région sont sensiblement équivalentes.

Travailleurs pauvres : la définition mondiale

Les travailleurs pauvres sont les individus qui exercent un travail, à temps plein ou non, mais qui ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Ici, les seuils de pauvreté retenus ont été établis par la Banque mondiale. Le seuil d’extrême pauvreté est de 1,25 $ par jour et par personne : tous ceux qui vivent sous ce seuil sont considérés comme extrêmement pauvres. Le seuil de pauvreté est de 2 $ par jour et par personne.

Les analyses

 

Vidéo : Les « travailleurs pauvres », nouveaux visages de la précarité , FRANCE 24