Comment s’est construite et comment a évolué la puissance chinoise depuis 1949 ? Comment la Chine est-elle devenue un État moderne et une puissance majeure ? Dans quelle mesure la Chine est-elle devenue une grande puissance ? Quels sont les aspects et les limites de la puissance chinoise aujourd’hui ? Voici ce que propose de mettre en valeur cet article, sans doute bien utile pour les étudiants de terminal où ceux préparant le concours commun de Sciences Po…

  1. Avant la seconde guerre mondiale

La première moitié du XXe siècle est placée sous le signe de la dépendance de la Chine vis à vis des puissances étrangères (Européens, Américains et Japonais).

Cette situation issue du XIXe siècle n’est cependant plus acceptée par les Chinois. La chute de l’Empire et la proclamation de la République en 1912, le mouvement du 4 mai 1919 ( 3000 étudiants chinois manifestent à Pékin en réaction aux clauses du Traité de Versailles, traité de paix de la Première Guerre mondiale qui accordent au Japon, allié de la France de la GB et des EU les anciennes possessions allemandes en Chine) marquent le début d’une nouvelle période dans les relations de la Chine avec le monde, caractérisée par la volonté de s’affranchir de la domination des puissances étrangères et de retrouver la puissance chinoise disparue.

L’arrivée au pouvoir des nationalistes du Guomindang en 1928 et le développement du marxisme sous sa forme soviétique (le Parti communiste chinois  créé en juillet 1921) représentent deux manifestations opposées de cette volonté de renouveau. Cet antagonisme est à l’origine de la guerre civile, entamée en 1927, entre nationalistes et communistes.

La victoire des Communistes en 1949 marque donc le début d’une nouvelle étape dans l’histoire de la Chine.

2.  Comment la Chine communiste s’affirme-t-elle sur la scène internationale durant l’ère maoïste (1949-1976)?
  • Sur le plan politique : La victoire des communistes

La guerre civile entre communiste du PCC et nationalistes du Guomindang, commencée en 1927 puis suspendue en 1937 (cf. union des nationalistes et des communistes contre l’envahisseur japonais), reprend en 1946. Vaincus, les nationalistes, dirigés par Tchang Kaï-chek, se réfugient à Taïwan. Mao Zedong, chef du PCC (Parti communiste chinois fondé en 1921 par des animateurs de la révolte du 4 mai 1919). Il est dirigé par Mao Zedong à partir du milieu des années 1930, qui proclame la République populaire de Chine (RPC) le 1er octobre 1949. Les puissances occidentales (sauf la Grande-Bretagne pour garder Hong Kong) ne reconnaissent pas la RPC et le régime nationaliste de Taiwan reste à leurs yeux l’autorité chinoise légale.

Focus Mao Zedong (1893-1976): Fils de paysans aisés, cet instituteur est un des fondateurs du Parti communiste chinois en 1921. Durant la guerre civile qui oppose les communistes aux nationalistes, il devient un chef, un théoricien et un stratège, très populaire. Il conduit la « Longue Marche ›› (1934-1935) qui permet aux communistes d’échapper au Guomindang. En 1935, il prend la tête du PCC. Il proclame en 1949 la RPC et conserve le pouvoir jusqu’à sa mort en 1976. Les purges et l’échec du Grand Bond en avant et de la Révolution culturelle n’empêchent pas le développement d’un fort culte de la personnalité, en Chine comme en Occident, autour du « Grand Timonier››.

Focus Guomindang : ou « Parti nationaliste chinois ››, parti politique fondé en 1912 par Sun Zhongshan (ou Sun Yat-sen). Il contrôle le gouvernement de la république de Chine de 1928 à1949. Il est alors dirigé par Tchang Kaï-chek (Jiang Jieshi), qui crée une dictature anticommuniste à parti unique s’inspirant du fascisme.

  • Sur le plan géographique : la Chine communiste réaffirme sa souveraineté par des gains territoriaux

La RPC revendique certains territoires jadis intégrés à l’Empire chinois. Elle envahit en 1950 le Tibet (perdu en 1912) et en 1951, un traité rattache le Tibet à la RPC. L’URSS lui rend quelques zones frontalières que la Russie tsariste avait annexées. Mais Pékin doit accepter la perte de la Mongolie, État indépendant dès 1921, et ne peut récupérer Hong Kong, Macao, ni Taiwan protégée par les États-Unis.

  • Sur le plan militaire : la Chine soutien les opposants aux grandes puissances

La guerre froide permet à la Chine de s’affirmer en Asie : Pékin soutient le Vietminh contre la France dans la guerre d’Indochine (1946-1954) et intervient dans la guerre de Corée (1950-1953) au cours de laquelle près de 3 millions de «volontaires» chinois vont se battre au côté des soldats nord-coréens contre les troupes sud-coréennes et américaines sous mandat de l’ONU. Les accords mettant fin à ces conflits sont donc négociés en présence des Chinois.

Focus Vietminh : ligue pour l’indépendance du Vietnam fondée en 1941. Dominée par les marxistes, elle dirige la guerre contre le colonisateur français.

La guerre d’Indochine est un conflit armé qui se déroula de 1946 à 1954 en Indochine française. Elle prend fin avec la défaite française de Dien Bien Phu et les accords de Genève (1954). Ces derniers aboutissent à la sortie de l’Indochine de l’Empire colonial français et à la division en deux États rivaux du territoire vietnamien: le Nord-Vietnam communiste (capitale Hanoï) et le Sud-Vietnam soutenu par les Américains (capitale Saïgon). Ce conflit fit plus de 500.000 victimes.

La Guerre de Corée (1950-1953) a opposé la République de Corée (Corée du Sud), soutenue par les Etats-Unis et les Nations unies, à la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), soutenue par la République populaire de Chine et l’Union soviétique. Elle fut le résultat de la partition de la Corée à la suite d’un accord entre les Alliés victorieux de la guerre du Pacifique à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La péninsule coréenne était occupée par l’empire du Japon depuis 1910. Après la reddition du Japon, États-Unis et Union soviétique se partagèrent l’occupation de la péninsule le long du 38e parallèle, avec au sud des forces américaines d’occupation et au nord des forces soviétiques. La Guerre de Corée a commencé par l’invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord à l’été 1950. Elle s’est terminée par l’armistice de Panmunjeom (1953) qui a entériné un retour à la situation d’avant-guerre. Aucun traité de paix n’a été ratifié depuis entre les deux Corées.

  • Les ruptures diplomatiques et du modèle soviétique : dégradation des relations sino-soviétiques après la mort de Staline (1953)

En 1956, la RPC critique la déstalinisation et la coexistence pacifique adoptée par Khrouchtchev, successeur de Staline. Cette coexistence pacifique est une doctrine de la politique étrangère soviétique définie en 1956 qui veut établir des relations plus sereines et pacifiées entre l’URSS et le bloc occidental. Mao les interprète comme un renoncement à propager la révolution communiste à travers le monde.

En 1958, Mao lance le « Grand Bond en avant ››, une politique de développement qui vise à industrialiser massivement les campagnes et s’écarte du modèle économique soviétique. Politique de développement lancée en 1958 jusqu’en 1961 par Mao, elle repose sur une campagne de mobilisation des masses paysannes au sein de «communes populaires›› pour réaliser de grands travaux et augmenter la production industrielle et agricole. Les Communes populaires sont des unités politico-administrative situées en zone rurale et regroupant de 2000 à 20.000 familles paysannes. Tous les biens sont collectifs et gérés par la commune populaire qui doit subvenir à tous ses besoins afin de vivre en quasi-autarcie. Les unités de production industrielle y sont mises au service de l’agriculture. L’expérience des communes populaires prend fin au début des années 1980.

Les Soviétiques critiquent publiquement cette politique maoïste.

Dénonçant la déstalinisation, Mao revendique l’héritage de Staline et prétend faire de la Chine le nouveau leader du monde communiste. Cette politique menée par l’URSS de 1953 à 1964 qui met fin à la terreur stalinienne et au culte de la personnalité ne remet pas en cause le régime communiste. Les crimes de Staline sont dénoncés dans un rapport secret présenté par Khrouchtchev lors du XXe Congrès du PCUS (Parti communiste de l’Union soviétique) en 1956.

Moscou suspend son aide économique en 1960 et rapatrie ses techniciens, au moment où l’échec du Grand Bond devient de plus en plus évident (le GBA provoque une famine qui fait près de 20 millions de victimes; les productions agricoles connaissent dès 1958 une chute sévère. Ce n’est qu’en 1963 qu’elles retrouvent le niveau de 1957). C’est la rupture sino-soviétique.

En 1962, la Chine accuse l’URSS de trahison quand celle-ci retire ses missiles de Cuba sous la pression des États-Unis. L’explosion de la première bombe atomique chinoise (1964) inquiète l’URSS. Des incidents a la frontière sino-soviétique en 1969 font même craindre un conflit.

  • L’imposition diplomatique face au  Tiers-monde : une concurrence à l’URSS

A la conférence de Bandung (1955), la Chine affiche sa solidarité avec les luttes du tiers-monde contre le colonialisme et l’impérialisme. La conférence de Bandung (Indonésie) en 1955 marque l’entrée des pays du tiers-monde, récemment issus de la décolonisation, sur la scène internationale. Représentée par son premier ministre, Zhou Enlai, la Chine s’y pose comme un des leaders du tiers-monde aux côtés de l’Inde et apporte son soutien à la décolonisation et à la lutte contre l’impérialisme des anciennes puissances coloniales.

Focus Zhou Enlai (1898-1976): Issu d’une famille aisée, cet intellectuel devient un des principaux dirigeants du Parti communiste chinois (PCC) à partir de 1927 et un proche de Mao. Il est Premier ministre à partir de 1949. Partisan d’une politique réaliste, il prend ses distances avec la Révolution culturelle et initie la modernisation de la Chine que met en œuvre Deng Xiaoping après sa mort.

Dans les années 1960, la RPC rivalise avec l’URSS pour séduire les nouveaux États du Tiers-Monde. La Chine propose un modèle communiste concurrent de celui de l’URSS. Toutefois, la rivalité croissante avec l’Inde empêche la mise en place d’un véritable leadership chinois au sein du tiers-monde. Un conflit armé frontalier oppose même les deux pays en 1962 (Le Tibet, annexé par la Chine ne joue plus son rôle d’Etat-tampon pacifique entre les deux puissances; à la suite de la répression de l’insurrection tibétaine de 1959, le dalaï-lama se réfugie en Inde où il forme un gouvernement tibétain en exil).

Zhou Enlai se rend à plusieurs reprises en Afrique dans les années 1960 et certains pays africains acceptent l’aide de Pékin (Somalie, Guinée, etc.). La Chine aide au financement de grands projets comme la ligne de chemin de fer Tanzanie-Zambie. Toutefois, seule la Tanzanie s’inspire du modèle chinois pour développer son agriculture.

En Asie, malgré le soutien chinois, les mouvements révolutionnaires maoïstes restent marginaux, excepté les Khmers rouges au Cambodge (communistes maoïstes en révolte contre leur gouvernement des 1967, ils prennent le pouvoir de 1975 à 1979 avec l’aide de la Chine et commettent un génocide contre leur peuple).

En Europe de l’Est, l’Albanie est l’unique pays marxiste qui soutient la RPC après sa rupture avec l’URSS. L’URSS suspend alors son aide économique à l’Albanie. La Chine prend le relais, faisant de l’Albanie son principal allié au sein du mouvement communiste international.

En Occident, certains intellectuels sont éblouis par la Révolution culturelle et les idées de Mao diffusées dans le . En France, se développe à l’extrême gauche un courant maoïste qui séduit de nombreux jeunes et prend une part active aux évènements de Mai 68.

  • L’isolement diplomatique et politique

A la fin des années 1960, la Chine est un pays relativement isolé sur la scène internationale. Les troubles intérieurs liés à la Révolution Culturelle affaiblissent le pays malgré l’aura internationale du maoïsme. Si elle dispose de la bombe A (atomique) dès 1964, la Chine n’a pas les moyens d’intervenir significativement sur la scène internationale et reste isolée.

La Révolution culturelle (1966-1969) est une campagne de «mobilisation des masses» lancée par Mao en 1966 contre les élites en place. Elle dure jusqu’à sa mort en 1976. Mao s’appuie à cette occasion sur les jeunes (les «gardes rouges ››) contre ses adversaires au sein du PCC. La Révolution culturelle a pour but officiel de briser les « dérives bourgeoises›› des élites et d’affirmer le pouvoir de Mao sur le parti. Son bilan humain est lourd (10 à 60 millions de morts), surtout chez les intellectuels et les cadres du parti. Le , un recueil de citations de Mao, est le principal outil de la propagande maoïste lors de la révolution culturelle. Celle-ci permet à Mao de conforter son pouvoir, mais elle engendre un désordre qui affaiblit le pays.

  • Avec un rapprochement avec l’Occident et les États-Unis.

La Chine cherche à sortir de son isolement diplomatique, après sa rupture avec I’URSS en 1960. La rivalité avec Moscou conduit Pékin à se tourner vers le monde capitaliste. En 1964, la RPC est reconnue par la France, bientôt suivie par d’autres États.

Au début des années 1970, les États-Unis de Nixon veulent se désengager de la guerre du Vietnam en évitant que leur retrait ne profite à l’URSS, principale alliée, avec la Chine, du Nord-Vietnam communiste. De leur côté, les Chinois s’inquiètent également de l’influence croissante de l’URSS au Vietnam. Ces éléments expliquent le rapprochement des EU et de la RPC. Durant l’été 1971, ce rapprochement se concrétise par la visite en Chine de Henry Kissinger, conseiller diplomatique du président des EU, venu préparer la future visite du président Nixon. Les États-Unis voulaient jouer sur la division du monde communiste pour affaiblir Moscou et favoriser le règlement du conflit vietnamien en amenant la Chine à faire pression sur son allié nord-vietnamien. Les Chinois espéraient de leur côté rompre leur isolement international et lever l’opposition des EU à leur entrée à l’ONU. En 1973, les accords de paix de Paris mettent fin à la présence militaire américaine au Vietnam. Pourtant, les troupes américaines parties, le conflit reprend et le Nord-Vietnam finit par vaincre le Sud en 1975, unifiant le pays sous un régime communiste.

Focus Diplomatie du ping-pong: cette expression désigne le rapprochement sino-américain durant les années 1970. La visite en Chine de Henry Kissinger en 1971 avait été précédée, quelques mois plus tôt, par une visite de l’équipe américaine de ping-pong. Depuis 1949, seuls 11 américains avaient été accueillis sur le sol chinois.

  • Et une reconnaissance internationale mais limitée…

En octobre 1971, La République populaire de Chine entre à l’ONU et devient un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à la place de la Chine nationaliste de Taïwan. Cette reconnaissance internationale se traduit par la visite en 1972 du président américain Nixon et par la reconnaissance officielle de la Chine communiste par les États-Unis en 1978.

Mais le rôle international de la Chine demeure limité. Le bilan économique et humain de la Révolution culturelle (10 à 60 millions de morts) a profondément affaibli la Chine. Malgré ses succès diplomatiques du début des années 1970, les échanges de la Chine avec le reste du monde restent modestes, car son ouverture économique est insuffisante.

L’influence chinoise reste faible en Asie. Le régime cambodgien des Khmers rouges parvenu au pouvoir en 1975 et allié de la Chine est renversé en 1979 par le Nord-Vietnam, qui a préféré l’alliance avec l’URSS à l’alliance chinoise. A la fin des années 1970, la Chine n’est pas encore une puissance régionale majeure en Asie.

Hors d’Asie, la RPC ne s’implante vraiment qu’en Afrique, où elle soutient des guérillas indépendantistes comme au Mozambique ou en Angola. À la mort de Mao, en 1976, la RPC n’est pas une puissance mondiale.

La suite où il sera question de la Chine depuis 1976 et la spectaculaire ascension d’une puissance émergente, sera l’ocasion d’un prochain article…

Bon courage !