Lorsque l’on parle de collectivités territoriales et que on lie ce sujet avec celui de l’Europe, les candidats aux concours de la fonction publique territoriale ne comprennent pas ce rapprochement… L’Europe influe pourtant de plus en plus sur nos collectivités et les candidats l’ignorent la plupart du temps…

En Europe comme en France, la tendance est de plus en plus à la reconnaissance des spécificités locales et à la redéfinition des périmètres des collectivités territoriales. Ce constat n’est pas exclusif pour les collectivités territoriales françaises : les États-membres de l’Union européenne suivent une dynamique comparable.

Dès lors, même si les institutions de l’Union européenne ne sont pas mentionnées dans le programme du concours de rédacteur territorial, il est difficile d’ignorer l’influence de la construction de l’Europe communautaire sur la carte administrative française.

Après avoir rapidement décrit les principaux traits des institutions communautaires (1), nous tenterons de montrer les principales lignes de force de l’influence de l’Europe sur l’organisation administrative des collectivités territoriales (2).

Le droit des collectivités territoriales est en pleine mutation. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et la loi du 13 août 2004 en sont le meilleur témoignage.

À la différence du mouvement initié par les lois Defferre qui ont relancé le processus de décentralisation en 1982, l’influence de l’Europe est devenue de première importance.

 

La construction de l’Union européenne a commencé en 1951 par la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Depuis, la construction de l’Europe communautaire a connu un formidable essor. Initialement limitée à six États, l’Europe compte désormais vingt-huit États-membres depuis l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie au 1er janvier 2007 et la Croatie en 2013 ( l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Lituanie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède). Suite au référendum du 23 juin 2016 en faveur du Brexit, le Royaume-Uni est engagé dans un processus de séparation de l’UE, qui doit se terminer en mars 2019.

L’intégration entre les États de l’Union est un processus permanent. Depuis 1951, l’Europe a connu de nombreux soubresauts pour en arriver à sa structure actuelle. Elle est appelée à en connaître d’autres.

Après l’échec du traité constitutionnel destiné à remplacer tous les traités existants par un texte unique, le traité de Lisbonne reprend le processus et achève de refondre les institutions de l’Union.

A – Les grandes étapes de la construction de l’Europe 
  • Les fondements

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale ; l’Europe est détruite, en ruines. En effet, trois guerres en 70 ans ont dévasté le vieux continent. Il faut tout reconstruire et surtout, il faut éviter que le même scénario ne se reproduise.

Le problème principal réside alors dans la relation entre la France et l’Allemagne, ennemis « chroniques » depuis des décennies. L’objectif premier sera donc de créer un lien durable entre ces deux pays pour ensuite pouvoir réunir, autour d’eux, tous les pays libres d’Europe pour bâtir ensemble une communauté de destin. Le 9 mai 1950, le ministre des Affaires étrangères français, Robert Schuman, déclare : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait. »

Avec Jean Monnet, il formulera une proposition (le Plan Schuman) pour la mise en commun des ressources de charbon et de l’acier de la France et de l’Allemagne dans une organisation ouverte également aux autres pays d’Europe. C’est ainsi que sera signé, le 18 avril 1951,  le  traité  de  Paris  instituant  la  première  communauté  européenne : la CECA (la Communauté européenne du charbon et de l’acier). Le traité CECA est le premier traité institutionnel qui ouvre la création de ce qui deviendra ensuite l’Union européenne.

Après l’échec de la Communauté européenne de défense en 1954, l’Europe trouvera un nouveau ressort au travers de la coopération dans le domaine économique. Ainsi, le 25 mars 1957, les six mêmes pays signeront le traité de Rome instituant la CEE (la Communauté économique européenne).

  • Les premiers élargissements

Le premier élargissement de la CEE aura lieu en 1973. Le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark entrent dans la CEE qui passe ainsi de six à neuf pays membres. La Norvège refusera l’adhésion lors d’un référendum. La Grèce viendra ensuite rejoindre la Communauté en 1981, suivie par l’Espagne et le Portugal en 1986. C’est l’Europe des Douze.

Enfin, en 1986, l’Acte unique européen (AUE) viendra fixer la réalisation du Marché unique au 1er janvier 1993. Ce nouveau traité oblige en effet les douze États-membres à créer pour cette date (au plus tard) une Europe sans frontières intérieures. Plus aucune restriction, qu’elle soit d’ordre réglementaire ou fiscal, ne doit retarder la mise en place du véritable marché intérieur européen. L’AUE est entré en vigueur le 1 er juillet 1987, après signature et ratification par les douze États-membres de la Communauté. Quelque 300 mesures ont dû être prises afin d’éliminer les différentes entraves à la libre circulation : les barrières physiques, les barrières techniques et les barrières fiscales.

  • L’essor de la construction avec l’Union européenne

Le traité de Maastricht signé le 7 février 1992, donnera à la construction européenne une dimension nouvelle. Il institue l’Union européenne (UE) et donnera à la Communauté une vocation également politique.

Ce nouveau traité donnera également le coup d’envoi de l’UEM (l’Union économique et monétaire) et la création d’une monnaie unique. Il consacre pour la première fois le concept de la citoyenneté européenne. Le traité de Maastricht sur l’Union européenne est entré en vigueur le 1er novembre 1993 après ratification douze des États-membres de l’Union européenne. Enfin, le traité de élargit les prérogatives et le rôle du parlement européen.

Le traité de Nice est signé le 26 février 2001 par les quinze (il entre en vigueur le 1er février 2003), il vise à modifier le système institutionnel et décisionnel de l’Union européenne. Ce traité, qui devait réformer les institutions de l’Union en vue de l’adhésion des nouveaux États, n’est que partiellement parvenu à son objectif. C’est pourquoi les États-membres ont jugé nécessaire une nouvelle adaptation des traités.

  • L’échec de la construction avec le rejet du traité constitutionnel Suite aux travaux de la Convention européenne, un projet de Constitution européenne est signé à Rome le 29 octobre 2004. Il regroupe, enrichit et clarifie les traités fondateurs. Il intègre la Charte des droits fondamentaux. La procédure de ratification dont il fait l’objet (de type parlementaire dans la plupart des États ; de type référendaire dans neuf États-membres, dont certains seront seulement consultatifs) laisse penser, notamment pour le cas de la France, que la Constitution ne reste qu’aux portes du pays. Ce projet, qui a été rejeté en France par référendum, contenait néanmoins un certain nombre d’innovations constituant un compromis relativement cohérent des exigences avancées par les États plus ou moins peuplés de l’UE.

 

Il contenait des dispositions tendant à instaurer une Union plus proche des exigences de ses citoyens, notamment en prévoyant une procédure de retrait de l’Union.

Une modification terminologique visait également les actes législatifs de l’Union avec l’introduction d’une loi européenne et de la loi-cadre européenne (I-32), et une répartition des compétences plus claires entre l’UE et les États-membres dans le respect des identités nationales, basée notamment sur le principe de subsidiarité et de proportionnalité avec une plus forte implication des parlements nationaux dans la vie de l’Union.

  • Le traité de Lisbonne : la relance du processus communautaire

Le traité de Lisbonne est un traité signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne entre les vingt-sept États-membres de l’Union européenne, qui tend à transformer l’architecture institutionnelle de l’Union. Ce traité a été constitué pour surmonter la crise consécutive à la non-ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe de 2004. À la différence du traité constitutionnel de 2004, qui remplaçait les deux grands traités par un texte nouveau, le traité de Lisbonne conserve les traités existants tout en les modifiant en profondeur. Son entrée en vigueur est soumise à l’achèvement du processus de ratification dans les vingt-sept États signataires.

Le traité de Lisbonne est un traité international, conclu pour une durée illimitée. Son contenu consiste essentiellement en une modification des traités européens existants : l’article 1 modifie le traité sur l’Union européenne (traité UE, à l’origine le traité de Maastricht) ; l’article 2 modifie le traité instituant la Communauté européenne (traité CE, à l’origine le traité de Rome de 1957).

 

B – Présentation des institutions de l’union européenne

L’architecture des institutions  européennes  se  compose  principalement  de  trois  organes : le Conseil, la Commission, et le Parlement. D’autres organes sont appelés à jouer un rôle complémentaire, tel que la Cour de justice de l’Union européenne ou la Cour des comptes, mais seuls les trois principaux organes seront ici décrits.

  1. Le Conseil

Le Conseil peut se réunir sous deux formations, le Conseil européen (a) et le Conseil des ministres (b).

a.  Le Conseil européen

Le Conseil européen est né de la pratique. À l’origine, les traités communautaires ne font référence qu’au seul Conseil des ministres. Au sein du Conseil, les chefs d’État et de gouvernement des États-membres se rencontrent au cours de sommets européens avec le président de la Commission. Leurs réunions ont lieu environ quatre fois par an. Le Conseil européen a ensuite été consacré par l’Acte unique européen en 1986.

Le Conseil européen peut être considéré comme l’institution suprême de l’Union européenne. Le traité de l’Union prévoit que le Conseil donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et doit en définir les grandes orientations. Le Conseil européen a vocation à prendre les décisions les plus importantes pour la construction communautaire.

b. Le Conseil des ministres

Le Conseil des ministres réunit un représentant de chaque État-membre au niveau ministériel, habilité à engager le gouvernement de cet État. Le Conseil des ministres est composé des ministres compétents des États-membres de l’Union, et sa composition variera en fonction de l’ordre du jour. Si l’ordre du jour porte sur des questions touchant aux transports, le Conseil réunira les ministres des Transports des États-membres (il pourra aussi réunir les ministres de l’Intérieur, de l’Agriculture et de la Pêche, de l’Environnement.). Sa présidence est assurée par alternance de périodes de six mois par chacun des représentants des États-membres. En 2007, le Conseil est présidé par l’Allemagne puis le Portugal.

Le Conseil des ministres est l’organe normatif de l’Union. C’est-à-dire qu’il est chargé de prendre les décisions les plus importantes. Le vote se déroule à l’unanimité pour les décisions les plus importantes (adhésion d’un nouvel État) ou dans les domaines particulièrement sensibles. En dehors des cas de vote prévus à la majorité, le vote se fait à la majorité pondérée. C’est-à-dire que chaque État dispose d’un nombre de voix déterminé en fonction de critères démographiques et politiques.

  1. La Commission

La Commission européenne est l’organe chargé de représenter et de défendre l’intérêt communautaire. Dans le cadre du cinquième élargissement de l’Union européenne en 2004, le nombre de commissaires est fixé à un ressortissant par État-membre, soit vingt-cinq commissaires. Depuis l’entrée de la Bulgarie et la Roumanie dans l’Union, le collège est composé de vingt-sept membres. Cependant, le traité de Nice prévoit que le nombre de commissaires devra être inférieur au nombre d’États-membres une fois que l’Union sera composée de vingt-huit États-membres. Aussi, dès 2007, le Conseil fixera un nombre maximal de commissaires, qui sera applicable de la date d’entrée en fonction de la première Commission postérieure à la date d’adhésion du vingt-huitième État-membre, c’est-à-dire en 2013. Les modalités de rotation égalitaire entre les États-membres devront également être fixées par le Conseil.

Les commissaires sont nommés pour cinq ans par les gouvernements des États-membres. Cependant, ils sont indépendants et responsables politiquement devant le Parlement qui peut les renverser en votant une motion de censure. La Commission est l’organe exécutif de l’Union européenne. Elle a vocation à intervenir dans le processus de décision puisqu’elle dispose d’un pouvoir d’initiative. Elle est en outre chargée de faire respecter les traités communautaires aux États-membres (elle dispose pour cela d’un pouvoir de sanction) et elle est chargée de représenter l’Union auprès des États tiers et des autres organisations internationales. C’est elle qui négocie l’adhésion des nouveaux États.

  1. Le Parlement

Le Parlement européen est composé de 785 députés qui sont répartis entre les vingt-huit États-membres en fonction d’un critère démographique. Les députés européens sont élus au suffrage universel direct pour une durée de cinq ans. Le Parlement européen ne fonctionne toutefois pas à l’image d’un Parlement national puisqu’il ne dispose pas véritablement d’un pouvoir normatif. Le Parlement est cependant associé à la prise de décision au travers d’une procédure complexe appelée codécision. Il faut cependant relever que le Parlement dispose du pouvoir d’investir la commission ou de l’obliger à démissionner.

  1. La Cour de justice des communautés européennes

Sous le nom  de  Cour  de  justice  des  communautés  européennes,  sont  regroupées trois juridictions : la Cour de justice, le tribunal de première instance et le tribunal de la fonction publique. Son siège est à Luxembourg. Son rôle est de trancher tous les contentieux juridiques entre les institutions, les États-membres et les citoyens, en vertu des règles contenues dans les traités de l’Union européenne.

La Cour de justice juge principalement de l’interprétation du droit communautaire, du non-respect par les États-membres du droit communautaire et des pourvois contre les décisions du tribunal de première instance.

La Cour de justice est composée obligatoirement, depuis le traité de Nice, d’un juge par État-membre (actuellement vingt-sept) et de huit avocats généraux, tous nommés d’un commun accord par les États-membres pour un mandat de six ans renouvelable. En pratique, chaque État nomme « son » juge. Les juges ont d’abord été majoritairement des universitaires, le plus souvent professeurs de droit, sans expérience de la magistrature.

Mais ce sont aujourd’hui plus souvent d’anciens magistrats. La nomination d’un juge par pays pose le problème de l’indépendance de la Cour de justice européenne. C’est la raison pour laquelle, une affaire n’est pas confiée à un juge ressortissant du pays concerné.

La Cour de justice juge principalement de l’interprétation du droit communautaire, du non-respect par les États-membres du droit communautaire et des pourvois contre les décisions du tribunal de première instance.

La Cour de justice est composée obligatoirement, depuis le traité de Nice, d’un juge par État-membre (actuellement vingt-sept) et de huit avocats généraux, tous nommés d’un commun accord par les États-membres pour un mandat de six ans renouvelable. En pratique, chaque État nomme « son » juge. Les juges ont d’abord été majoritairement des universitaires, le plus souvent professeurs de droit, sans expérience de la magistrature.

Mais ce sont aujourd’hui plus souvent d’anciens magistrats. La nomination d’un juge par pays pose le problème de l’indépendance de la Cour de justice européenne. C’est la raison pour laquelle, une affaire n’est pas confiée à un juge ressortissant du pays concerné.

 

C –  La réforme des institutions européennes issue du traité de Lisbonne

Le traité de Lisbonne fait suite à l’échec du traité constitutionnel. Ces principales dispositions sont moins ambitieuses que celles proposées par le texte rejeté par la France.

  • Les traités ne contiendront aucun article mentionnant les symboles de l’Union (le drapeau européen, l’hymne européen et la devise européenne).
  • Le texte de la Charte sur les droits fondamentaux ne figurera pas dans les traités.
  • À l’article 49, premier  alinéa  («  Critères  d’éligibilité  et  procédure  d’adhésion  à l’Union ») est ajoutée la phrase suivante : « Les critères d’éligibilité ayant fait l’objet d’un accord du Conseil européen sont pris en compte. » Cela signifie que les futurs candidats devront respecter les critères de Copenhague portant notamment sur le développement démocratique.

  • Le titre de « ministre des Affaires étrangères de l’Union » proposé dans le traité constitutionnel a été  supprimé.  La fonction  sera  appelée  «  haut  représentant  de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». Il consistera en une sorte de ministre pour la politique étrangère (seul le nom change dans le texte, pas son rôle), auquel les États-membres devront déléguer une grande partie de leur souveraineté en ce domaine.
  • Les termes « loi » et « loi-cadre » prévus par le texte du traité constitutionnel seront abandonnés au profit du maintien des termes actuels de « règlements », « directives » et « décisions ».
  • Le Parlement européen disposera d’une nouvelle composition.

Conseil européen : transformation en une nouvelle institution et création de la fonction de président de l’Union.

Conseil de l’Union européenne : introduction du système de vote à la double majorité, présidence semestrielle du Conseil ; quatre États peuvent former le blocage. La minorité de blocage, si elle n’est pas loin de l’atteindre, peut demander une prolongation des discussions au Conseil pendant un délai raisonnable. Commission européenne : nouvelle composition (passage à dix-huit commissaires au lieu de vingt-huit), renforcement du rôle du Président qui est élu par le Parlement européen.

Cour de justice de l’Union européenne (nouvelle dénomination de la Cour de justice des Communautés européennes).

Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Le système  de  vote  à  la  double  majorité,  agréé  en  2004,  prendra  effet  au  1er  novembre 2014 et jusque-là, l’actuel système de vote à majorité qualifiée continuera de s’appliquer. Il y aura ensuite une période transitoire, jusqu’au 31 mars 2017, où le compromis de Ioannina pourra être invoqué. Une minorité de blocage sera instituée.

La présidence de l’Union est stabilisée, avec un président élu par ses pairs, pour deux ans et demi.

La présidence n’entraîne que des responsabilités administratives.

La Commission ne comportera plus un commissaire par État mais deux commissaires pour trois États-membres.

Le rôle des parlements nationaux est renforcé (allongement de la durée d’examen des textes qui passe de six à huit semaines) et obligation est faite à la Commission de revoir ou même de retirer un texte contesté à la majorité des voix.

Dans une seconde partie nous nous pencherons sur l’influence de l’Europe sur nos organisations administratives des collectivités
territoriales…Bon courage !

 

Source : Samuel Dyens et Eric Guérin