Lorsque l’on parle de collectivités territoriales et qu’on lie ce sujet avec celui de l’Europe, les candidats aux concours de la fonction publique territoriale ne comprennent pas ce rapprochement… L’Europe influe pourtant de plus en plus sur nos collectivités et les candidats l’ignorent la plupart du temps…

Dans un premier article intitulé Les institutions de l’union européenne (), nous avions rapidement décrit les principaux traits des institutions communautaires ainsi que les principales lignes de force de l’influence de l’Europe sur l’organisation administrative des collectivités territoriales.

Voyons donc maintenant véritablement l’influence de l’Europe…

La question de l’influence de l’Europe sur l’organisation territoriale connaît une double actualité.

  • En premier, il s’agit de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.
  • En second, il s’agit du projet de Constitution européenne.

Pourtant, le lien entre les deux événements n’est pas évident.

  • D’abord parce que la construction communautaire concerne exclusivement les relations entre États-membres. L’Union européenne laisse en effet aux États qui la composent une totale autonomie institutionnelle.
  • Ensuite, parce que dans un État centralisé, les structures de l’État sont les interlocuteurs privilégiés des collectivités territoriales.
  • Par ailleurs, les mutations contemporaines de la carte administrative française ne résultent pas uniquement de contraintes européennes. Le caractère archaïque du découpage territorial contribue largement à souligner les insuffisances de notre organisation administrative.

Cependant, plusieurs indices laissent penser qu’un lien de cause à effet existe bien entre l’adhésion à l’Union européenne et l’évolution du statut des collectivités territoriales. On observe d’abord un certain mimétisme institutionnel qui se traduit par une relative équivalence des échelons infra-étatiques (entre deux et trois selon les États).

De plus, la construction communautaire oblige les États à modifier leur comportement en redéfinissant les contours de leurs structures internes pour répondre aux exigences européennes.

Petit à petit, l’Union européenne agit sur l’organisation des États-membres, et cela n’est pas sans influence sur l’évolution institutionnelle des collectivités territoriales. Cette influence se traduit notamment par la présence de bureaux représentant les collectivités territoriales à Bruxelles et la création au niveau européen du Comité des régions.

En France, l’influence de la construction communautaire se traduit principalement par la valorisation de l’échelon régional. Même si l’État français se montre très attaché à ses structures, il ne peut plus faire abstraction de l’échelon européen. Il est donc permis d’affirmer que la construction communautaire joue un double rôle. Le premier est négatif : cette construction accentue les archaïsmes de la carte administrative (1) ; le second est positif, elle accompagne une recomposition du territoire (2).

Il n’y a plus rien d’original à évoquer le caractère archaïque de la carte administrative française. Ce point est suffisamment notoire, mais les difficultés à modifier l’ordre établi demeure. Les différentes vagues de décentralisation qui se sont succédé se sont bien gardées de faire évoluer la carte administrative française.

Si le découpage de notre territoire est aujourd’hui dépassé, c’est qu’il est le résultat de contraintes et de justifications qui ne sont plus pertinentes. En effet, le découpage actuel date de 1789, à une époque où les révolutionnaires avaient la volonté de supprimer les structures de l’Ancien Régime et doter les collectivités locales d’un statut uniforme. Ce découpage du territoire en communes et départements ne remplit plus son rôle originel qui consistait à gommer les revendications identitaires.

En ce qui concerne la Région, arrivée tardivement dans le paysage institutionnel, sa dimension parait largement insuffisante. La France a récemment réduit le nombre de régions pour leur donner une taille plus conforme à ses compétences et en faire une collectivité comparable à ses homologues dans les autres États européens. Mais cette réduction n’est peut-être pas terminée. Par exemple, un rapport de la DATAR, « Aménager la France pour 2020 » suggèrait de redécouper le territoire autour de six grandes régions constituées autour des aéroports

internationaux…le dernier rapport pour « Aménager la France pour 2040 » prévoit   La décentralisation n’a toujours pas redécouvert le territoire mais la confrontation territoriale française à l’organisation communautaire souligne de plus en plus cruellement les multiples archaïsmes de notre organisation.

L’Union européenne ne s’immisce pas dans les choix relatifs à l’organisation administrative interne des États, mais certaines politiques européennes ont des effets sur le territoire et peuvent en conséquence en favoriser l’évolution. Au travers des politiques structurelles, l’Union européenne influence la politique des États mais aussi leur organisation.

En particulier, les fonds structurels (FSE, FEDER…) servent de puissant levier pour influencer la recomposition territoriale en France. L’Union européenne suit une politique de régionalisation qui a pour effet de faire de la Région l’échelon relais des politiques communautaires sur le territoire national.

Au travers de la Région, l’Union élabore un schéma de développement de l’espace communautaire qui passe par le développement de la Région.

L’influence de l’Union européenne se fait également ressentir au travers de la reconnaissance des identités régionales. Dans le cadre du FEDER, les Régions peuvent défendre devant la Commission européenne leur projet sur la base d’identité régionale.

On peut également citer la Charte des langues régionales adoptée en 1992 dans le cadre du Conseil de l’Europe.

Pour la France, environ 27 milliards d’euros sont alloués pour la période 2014-2020 pour mettre en œuvre ces trois politiques répartis selon les fonds :

  • FEDER/FSE : 15,5 milliards d’euros 
  • FEADER : 11,4 milliards d’euros
  • FEAMP : 588 millions d’euros

Catégorisation des régions

La répartition des enveloppes FEDER-FSE par région est calculée en fonction d’un système de « catégorisation » des régions. Ce système est mis en place par l’Union européenne, et toutes les régions d’Europe y sont soumises.

Il existe trois catégories de régions :

  • régions moins développées: PIB/hab. inférieur à 75% de la moyenne européenne
  • régions en transition: PIB/hab. compris entre 75% et 90% de la moyenne européenne
  • régions plus développées: PIB/hab. supérieur à 90% de la moyenne européenne

La classification d’une région dans une catégorie a des conséquences sur les taux de cofinancement. Pour rappel, les fonds européens interviennent en complément d’autres sources (publics, privés, autofinancement) dans le financement des projets qu’ils soutiennent.

Ainsi par exemple, dans les régions en transition, la part des fonds structurels (FEDER-FSE) dans le cofinancement de projets pourra atteindre 60%, contre 50% dans les régions les plus développées. Dans les régions les moins développées, le taux de cofinancement pourra s’élever jusqu’à 85%.

Source : Samuel Dyens et Eric Guérin