Encore quelques définitions de mots clés sur le thème de la ville…

 

  1. La ville durable

Le développement des villes à l’heure de la mondialisation pose la problématique d’une politique de la ville inscrite dans une perspective de développement durable. En matière d’urbanisme, la Charte d’Athènes en 1933 qui entendait, dans une approche dogmatique, rationnaliser la ville selon le principe du zonage. Puisque ce principe a montré ses limites face aux violences urbaines et aux atteintes à l’environnement, il s’en est suivi une réflexion sur un nouvel urbanisme plus respectueux de l’environnement et des hommes : c’est le concept de ville durable. Cette problématique est concrétisée au niveau européen dans la Charte d’Aalborg (Danemark) de 1994, qui prend en compte l’existant, donc la dimension patrimoniale, dans la conception de nouveaux projets urbains et architecturaux.

La Charte d’Aalborg marque un renversement de perspectives par rapport à la Charte d’Athènes. Elle est à l’origine de formes variées de modèles urbains fondés sur la mixité fonctionnelle et sur une urbanisation participative.

En raison de pollutions industrielles susceptibles de déstabiliser la planète, les principes généraux d’un développement durable ont été définis, sous l’égide des Nations unies, lors du Sommet de la Terre, à Rio en 1992. Un plan d’action appelé Agenda 21 (pour le XXIe siècle) a été adopté, chargé de mettre en œuvre sur le plan écologique et sur le plan social, un projet de développement urbain. Il a été complété par la charte d’Aalborg en 1994 qui s’est fixé comme objectif de sensibiliser les villes européennes au développement durable. Des Agendas 21 ont été élaborés à l’échelle locale. Ils proposent, en concertation avec tous les acteurs locaux, un programme d’action visant à économiser les ressources naturelles par l’utilisation d’énergies renouvelables (diminution des émissions de gaz à effet de serre) afin de réduire l’empreinte écologique16 de la ville. La municipalité d’Helsinki a été la première en 1994 à mettre en œuvre une politique pilote de ce type.

D’autres expériences ont suivi, centrées sur des quartiers spécifiques : les éco-quartiers (voir plus bas). Souvent installés sur des friches industrielles, ils regroupent sur place, logements, bureaux, commerces et services afin de réduire les mobilités. Bedzed à Londres, le quartier Vauban à Fribourg (Allemagne), en France, les éco-quartiers d’Angers, Meaux, Nantes, Rennes, sont autant d’exemples qui illustrent cette politique transversale de la ville.

Une ville durable est une ville qui doit consommer moins d’énergie en jouant sur deux postes : les bâtiments (principe d’énergie positive, produire plus d’énergie que l’on en consomme) et les transports (transports propres et/ou collectifs, péage urbain). L’objectif est de rendre la ville plus compacte selon un principe d’éco-densité (utiliser moins de ressources). Mais une ville durable ne saurait se limiter à un projet écologique : elle doit intégrer une dimension sociale avec pour objectif, la réduction des inégalités pour un mieux vivre ensemble qui s’appuie sur une démocratie locale participative tendant à suppléer les insuffisances de la démocratie représentative dans les cités.

Ce concept de « smart ville » tend à s’imposer partout dans le monde. Mais malgré quelques expériences menées dans les pays émergents – Curitiba (Brésil), Masdar City (Abou Dhabi) -, l’urgence des défis liés à la transition urbaine dans les pays du Sud explique que ceux-ci peinent à prendre en considération la protection de l’environnement, la nécessité d’une mixité sociale et globalement le concept de ville durable demeure un projet de pays riches.

« Bien que les expériences résultant des Agendas 21 tendent à valider le concept, la ville durable constitue « un projet, un horizon et non une réalité » (C. Emelianoff). En outre, d’aucuns reprochent à la ville durable d’être au mieux, un idéal utopique social des classes moyennes acquises à l’écologie ; au pire, un concept de marketing qui a un coût encore prohibitif pour les pays pauvres.

En France, le gouvernement a créé en décembre 2015 l’Institut de la ville durable qui est une instance interministérielle et partenariale chargée de mettre en synergie l’ensemble des acteurs travaillant sur la ville : État, collectivités territoriales, entreprises, organismes de recherche et associations citoyennes. En effet, l’urbanisme du XXIe siècle appelle une approche de la ville non plus décloisonnée par métier, mais globale, intégrant toutes ses dimensions : énergie, eau, déchets, transports, espaces verts. La conception et la gestion des projets urbains reposent nécessairement sur un travail partenarial entre les acteurs de l’ensemble des métiers du secteur et les collectivités locales.

 

  1. Les Eco‑quartiers

 

Il apparaît comme un espace de projet, un espace de représentation interne, externe et relationnel. C’est un espace des institutions qui connaît des niveaux différents. Ainsi, en Italie, il existe un niveau ultra-local comme l’arrondissement en France avec un conseil élu ayant des tâches attribuées. Le quartier, c’est l’espace de l’individu, de la vie quotidienne, des déplacements. C’est aussi un espace historique, comme le montre l’exemple de l’ancien faubourg portuaire de Palerme, finalement intégré dans la ville. Depuis début 2000, c’est aussi un espace de politique locale. Le quartier a une réalité conjoncturelle plutôt que structurale et se construit sur un projet.

Ainsi, c’est une notion polymorphe, polysémique, évolutive et floue.

Le quartier est donc un espace : à la fin des années cinquante, un quartier est un espace conçu par des urbanistes, homogène, avec une typologie architecturale et sociale ainsi qu’une réalité politique comme acteur. Les quartiers peuvent être présentés, idéalisés de manière utopique, comme un espace de sociabilité avec une idée de voisinage, de quartier village, de community banlieue ( « voisins de l’enfer » en français).

 

b) Quelles différences entre les définitions française et anglaise ?

On construit cette notion de façon relationnelle avec une construction savante et politique.

Il s’agit de voir comment, en comparant les politiques publiques, on définit un quartier. L’anglais définit le quartier par les notions de communauté, de groupe de personnes, c’est-à-dire à la fois un territoire et des groupes sociaux (référence forte aux liens sociaux). La banlieue – – a, quant à elle, une représentation négative (venant du Moyen Âge). En français, on parle toujours de « quartier », mais cela a souvent une connotation négative, notamment dans la presse.

 

C’est un mot à la mode qui qualifie un peu tout : des enclaves résidentielles de riches propriétaires ou des projets urbains complexes pour mettre en valeur les trois piliers du développement durable. Ce sont donc différents projets pour un même mot qui exprime dans une forme urbaine la synthèse des principes du développement durable.

C’est aussi l’espace d’expérimentation et de construction de la future ville durable. Cette notion d’éco-quartier est critiquée car trop floue ; il existe également une dérive technocratique et des sources d’externalité négatives (exemple : interdire la circulation automobile).

 

d) La notion de quartier est-elle compatible avec celle de développement durable ou de ville durable ?

Le quartier est un territoire selon l’approche de l’isolat (il a des frontières en tant que territoire, forcement définis par un contraste avec ce qu’il y a autour).

Le développement durable n’est pas conçu avec des frontières, il valorise l’approche en réseaux, avec un tissage de réseaux et de liens entre les territoires, à l’exemple d’un corridor vert qui traverse la ville. Il n’y a donc pas de gestion au niveau d’un quartier mais au niveau de la ville, voire dans l’urbain et le rurbain (forêt-ville-forêt). Le quartier valorise le local ainsi que le développement durable avec une communication entre les échelles.

Partout dans le monde des projets urbanistiques novateurs témoignent d’une politique transversale de la ville qui ré-envisage les modèles urbains à partir de l’échelle micro-locale : l’éco-quartier, qui relève d’un projet d’aménagement respectueux des exigences de développement durable. Il est devenu le laboratoire d’un urbanisme qui promeut la mixité sociale, symbole d’un idéal de mélanges et d’équilibre, à l’opposé des ségrégations urbaines qui s’expriment dans les ghettos et les « gated communities ».

Aux côtés de l’État et des régions, les villes sont de plus en plus nombreuses à développer des stratégies propres dans les domaines économique, culturel, patrimonial et social, en s’inspirant du concept de « ville compacte » ou « ville dense », qui cherche d’une part à utiliser au maximum l’espace bâti, et de l’autre, à réduire la consommation d’énergie. Elles s’inspirent également du concept de « ville inclusive », qui met l’accent sur une appropriation citoyenne de l’espace selon des logiques d’autogestion et de solidarités transgénérationnelles et sociales.

La plus emblématique de ces expériences pionnières est celle réalisée par la municipalité de Curitiba au Brésil, qui a élaboré un programme basé sur une politique sociale ambitieuse, appelé PIA (programmes d’intégration des adolescents). Destinés à offrir aux jeunes de familles modestes des activités de loisirs, les PIA proposent des services publics sur place afin de leur éviter de trainer dans les rues. La municipalité a ainsi construit des « phares de savoir », bibliothèques ouvertes jusqu’à 21 heures, des « rues de la citoyenneté » comprenant une variété de services publics sociaux décentralisés, centres de santé, crèches et écoles.

En Europe, BedZED (Beddington Zero Energy Development), situé dans la banlieue de Londres, est un éco-village résidentiel exemplaire en matière de maitrise des émissions de gaz à effet de serre. Le quartier a été construit pour produire autant d’énergie qu’il en consomme, avec aucun rejet de CO2, grâce à l’installation de panneaux solaires et à un éclairage basse consommation. En matière de transports, la priorité a été accordée aux transports collectifs : bus et tramway, ainsi qu’à la création d’un maillage piétonnier et cycliste. Le mouvement associatif est très impliqué dans le projet et 50 % des logements ont été attribués à des familles à revenus modestes.

Partout, en France et en Allemagne, des éco-quartiers, souvent installés sur des friches industrielles, constituent des expériences limitées de villes durables fonctionnant sur la base d’une charte d’urbanisme et de transports. C’est le cas à Grenoble, Angers, Meaux, Nantes ou Rennes. En Allemagne, le quartier Vauban à Fribourg construit sur une ancienne caserne, et Kronsberg à Hanovre, sont exemplaires de ce concept de « smart ville » ou ville intelligente, qui respecte les grands principes environnementaux. Aménager la ville durable est aujourd’hui un problème d’échelle. Le défi est de passer de ces expériences locales d’éco-ville et d’éco-quartier à une globalité d’une ville durable à l’échelle européenne. Si devant l’ampleur des défis, on peut s’interroger sur le devenir de la ville, celle-ci reste perçue comme un foyer de civilisation et un moteur de croissance (la productivité par habitant est plus forte que dans les zones rurales) et garde pour ces raisons, un fort pouvoir d’attraction.

Ce type d’expérience urbaine tend à se développer, y compris dans certains pays émergents comme le montre l’expérience de l’éco-ville de Masdar à Abu Dhabi. Si l’idée d’une optimisation de l’espace, en vue de préserver l’environnement et d’améliorer les conditions de vie de tous les citadins s’impose dans le monde en matière urbanistique, globalement, les éco-quartiers restent un projet de pays riches, en raison du coût de certains équipements innovants (parfois d’ailleurs mal utilisés ou sous-utilisés). Restent également à résoudre en parallèle, les problèmes de requalification énergétique des logements, des mobilités internes et du traitement des déchets dans les villes anciennes. En outre, on constate que certaines de ces expériences laissent peu de place à une véritable mixité sociale, accroissant même dans certains cas, des phénomènes de gentrification en raison du prix plus élevé des logements.

 

Lausanne et le projet Métamorphose

– 1998 : Lausanne signe la charte d’Aalborg, base de la construction.

– 2000 : 1 programme suivant l’Agenda 21 en 7 points (développement de territoire durable pour l’environnement).

– 2002 : Quartiers 21 (programme participatif).

– 2006 : Métamorphose : projet de développement durable au niveau de la ville, large et ambitieux (comprenant des logements, activités et équipements sportifs, avec une mixité sociale et intergénérationnelle). En effet, en Suisse romande, il existe un gros problème de logements. De plus, comme Lausanne est capitale olympique, il y a une forte sensibilité au sport et donc un besoin d’équipements sportifs. C’est un grand projet intégré avec un éco-quartier.

– 2007 : création d’une association de l’éco-quartier comme interface entre les habitants et la municipalité, portant un projet collaboratif. Une initiative populaire est déposée (votation populaire, assez semblable à un référendum local).

– 2013 : début d’un autre processus participatif avec exposition des arguments des participants et de nombreuses critiques. Mais ce projet Métamorphose engendre deux types de conflit : horizontal entre les deux quartiers concernés puis vertical entre municipalité et l’un des quartiers concernés.

– 2013 : rédaction d’une charte de quartier.

– 2012 : publication du plan directeur localisé avec deux éco-quartiers, une piscine olympique et un stade de football.