En dissertation de culture générale, de géopolitique ou de questions contemporaines, certains enjeux mondiaux sont incontournables. Apprivoisez les car ceux-ci vous permettront d’étayer vos arguments sur certains sujets et de plus, ils montreront votre profondeur d’esprit ou de curiosité….Voici donc une première approche de ces enjeux mondiaux qui méritent d’être approfondie…

Les territoires et leurs frontières

Les territoires sont au cœur de l’analyse géopolitique. En géographie, le territoire se définit comme un « espace approprié » grâce à un sentiment d’appartenance et/ou une autorité territoriale. Le territoire géopolitique est multidimensionnel : longtemps considéré comme essentiellement continental, il a pris peu à peu des dimensions maritime, sous-marine, aérienne et, plus récemment, cosmique. On y ajoutera la dimension immatérielle avec le cyberespace.

1. Les États et leurs frontières terrestres

L’État peut être défini comme un ensemble d’institutions et administrations détentrices du pouvoir politique, doté du monopole de la violence physique légitime (selon la définition classique de Max Weber) et chargé de rechercher des réponses consensuelles aux conflits qui traversent la société. Dans la plupart des cas, à l’époque contemporaine, l’État s’identifie à la nation et assure sa cohésion sur un territoire défini : l’État-nation a ainsi supplanté les autres formes politiques anciennes que sont l’empire multinational et la cité-État. Tout État est délimité par des frontières, marqueurs de la souveraineté. Dans sa composante terrestre, la frontière est à la fois (ou séparément) espace d’expansion territoriale (frontier), limite (border), ligne de démarcation (boundary). Le terme dérive du front militaire. Les frontières maritimes sont plus difficiles à fixer, dans la mesure où il n’existe pas de ligne indiquant, point par point, les lieux où s’annule le rapport des forces.

La frontière est un élément intangible de souveraineté et de puissance, elle marque un obstacle. Mais la frontière, même cadenassée, a toujours laissé passer des échanges, de type économique, culturel, humain. Cette dimension de passage et d’échange tend à l’emporter sur la volonté de fermeture depuis la fin de la guerre froide, avec l’accélération de la mondialisation. Un paradoxe historique est que de nouvelles frontières se créent sans cesse (30 000 kilomètres de tracés en plus depuis 1991), alors que, en même temps, les frontières sont de plus en plus poreuses. Mais n’assiste-t-on pas aujourd’hui à un retournement majeur, celui du « retour des frontières », omniprésentes dans les représentations jusqu’à obsession des acteurs de la géopolitique ?

À partir des années 1980, les frontières des États se trouvent en partie « désamorcées », ce qui participe d’un vaste mouvement de recul des États dans la mondialisation, d’affaiblissement (volontaire) des souverainetés étatiques. Les mondialistes néolibéraux annoncent ainsi la mort programmée de l’État-nation. Les frontières deviennent en effet une gêne pour l’essor des échanges, les États, des structures dépassées qui ne servent qu’à protéger la bureaucratie et des activités inefficaces. Avec le développement du libre-échange, les frontières s’ouvrent ainsi au commerce, les exportations totales représentent 30 % du PIB mondial en 2015 contre 11 % en 1970. Par conséquent, la frontière change de fonction et de nature : d’obstacle, elle devient interface et, de ligne, elle devient zone. Il existe désormais une rente frontalière permettant de tirer avantage des différences entre deux États, comme à la frontière américano-mexicaine (industries maquiladoras, essor des villes jumelles).

Toutefois, comme un retour de balancier, nombre d’États cherchent actuellement à les réactiver et à réaffirmer leur souveraineté face aux nombreux risques transnationaux. Un nouveau besoin de sécurité se fait sentir, à l’origine d’une réactivation des frontières. Ainsi, aux États-Unis, les attentats du 11 septembre 2001 sont une rupture majeure, avec le vote du Patriot Act (2001, étendu en 2005) et du Homeland Security Act (2002) qui renforcent les contrôles frontaliers. Symptôme extrême de ce besoin de sécurité : l’« épidémie » mondiale de murs et clôtures qui s’étendent sur 18 000 à 25 000 kilomètres, soit 7 % à 10 % du linéaire mondial de frontières, selon les estimations. Le nouveau paradigme est toutefois la frontière intelligente (smart border), dotée de toutes les hautes technologies pour remplir des fonctions de tamis (davantage que d’obstacle infranchissable), au service notamment d’une « immigration choisie ». Les frontières, marqueurs de discontinuité spatiale, gardent encore tout leur intérêt pour les grandes firmes qui exploitent les différentiels en termes de législation, de fiscalité, de salaires.

De plus, à l’heure de la mondialisation, qui renforce ou fait rejaillir les particularismes culturels, nombre d’États sont menacés par des « nationalismes régionaux » à l’image de la crise catalane qui a déchiré l’Espagne en 2017. L’intensité des conflits est variable, allant de la défense d’une identité culturelle au terrorisme meurtrier.

2. Les mers et océans

Les mers et les océans sont des « étendues d’eau salée en communication libre et naturelle », selon la définition de la convention des Nations unies de Montego Bay (1982). Ces étendues marines couvrent plus des deux tiers de la surface du globe et mettent en contact les huit dixièmes des États. Elles offrent d’abord, comme tout milieu « naturel » original, des ressources à exploiter et à protéger (richesses halieutiques, gisements d’hydrocarbures off shore, métaux divers…). Elles remplissent parallèlement les fonctions de support de la circulation et des échanges, ce qui suppose la liberté de navigation. Enfin, elles peuvent être des vecteurs de puissance pour les pays capables de projection de forces par voie maritime, ce qui suppose le contrôle de bases insulaires, littorales, de canaux, de détroits et de passages.

À l’intérieur de ces étendues marines, les États se sont entendus pour découper des frontières politiques par l’accord de Montego Bay, entré en vigueur en 1994, favorisant leur « territorialisation » politique et juridique. Les États côtiers se voient ainsi reconnaître un « droit à la mer » avec la création de zones économiques exclusives (ZEE), situées au-delà des eaux territoriales et contiguës, entre 24 et 200 milles nautiques ; ces ZEE peuvent encore être étendues jusqu’aux limites du plateau continental, jusqu’à 350 milles nautiques. Les mers territoriales couvrent ainsi 22,4 millions de km² (11 % des mers et océans) et, au-delà, les ZEE environ 102 millions de km², soit près de la moitié des mers et océans du globe. La haute mer reste libre d’appropriation et l’ONU réfléchit depuis 2018 à sa protection. La « course à la mer » qui s’ensuit se traduit par la signature de quelque deux cents accords de délimitation frontalière, mais il demeure soixante-dix à quatre-vingts litiges entre États, comme en Asie de l’Est : affaire des Senkaku en mer de Chine orientale, des Kouriles entre Japon et Russie, des Spratleys et Paracels en mer de Chine du Sud, là où le processus de délimitation est le moins abouti et le plus conflictuel.

Une partie importante des rapports de force se joue ainsi sur la mer et les océans, ce qui est résumé par l’antique aphorisme de Thémistocle, artisan de la mise en eau d’une puissante flotte de guerre athénienne : « Quiconque est maître de la mer l’est de la terre. » Les théories de l’amiral Mahan à la fin du XIXe siècle puis, pendant la Seconde Guerre mondiale, celles de son disciple Spykman vont dans le même sens (voir supra) : les puissances maritimes l’emportent toujours sur les puissances continentales. Les États-Unis s’imposent comme un « thalassocrator », depuis les années 1940, entretenant une « permanence à la mer » avec les six flottes de l’US Navy et leurs onze porte-avions. Plus largement, on assiste à une militarisation croissante des espaces maritimes au profit de quelques superpuissances navales : quinze États contrôlent à eux seuls 80 % des flottes de guerre dans le monde.

3. L’espace aérien

On entend par espace aérien la masse d’air au-delà de l’atmosphère terrestre qui recouvre toute la Terre. L’atmosphère a la particularité de ne pas se terminer d’une façon nette au contact de l’espace cosmique, toutefois, au-delà de 20 kilomètres d’altitude, par convention, on parle d’espace extra-atmosphérique (ou extraterrestre). Dans l’espace aérien se distinguent deux types de sous-espaces :

—  l’espace aérien national, celui qui recouvre les territoires terrestre et maritime d’un État ; on y différencie l’espace aérien inférieur (de 3 400 à 5 800 m d’altitude), espace de prédilection du transport aérien où les aéronefs sont très nombreux, et l’espace aérien supérieur (entre 5 800 et 20 000 m d’altitude) ;

— les autres espaces aériens sont libres, situés hors des espaces nationaux, ils forment l’espace aérien international (jusqu’à une cinquantaine de kilomètres d’altitude, par convention).

L’espace aérien est un espace peu questionné en géopolitique. Il faut dire qu’il est récemment et imparfaitement contrôlé par les États ; il faut attendre la Seconde Guerre mondiale pour qu’il s’affirme comme un lieu stratégique de protection du territoire national et de manœuvres militaires offensives. Dans l’espace atmosphérique, il n’existe pas de zones hors de portée, de façon absolue, de l’aviation. Exploiter la troisième dimension que constituent les airs, c’est pouvoir se libérer largement des contraintes physiques qui limitent l’action des hommes au sol ou en mer. La maîtrise des airs devient ainsi un élément de plus en plus important de la géopolitique durant la guerre froide, à mesure que les technologies se modernisent (voir infra) — on pense par exemple à Israël qui donne la priorité absolue à sa défense aérienne lors des différentes guerres arabes. Sa sécurité vient de la maîtrise des airs.

4. L’espace (extra-atmosphérique)

L’espace, au sens cosmologique, est la région située au-delà de l’atmosphère terrestre, on parle d’espace « extra-atmosphérique » ou « extraterrestre ». Par convention, on admet que sa limite basse se situe aux environs de 50 kilomètres, là où s’achève l’espace aérien. Le traité international de 1967 s’est efforcé de lui donner une existence juridique et en a fait, en s’inspirant du statut de l’Antarctique, un patrimoine commun de l’humanité. Il est placé sous la responsabilité de l’ONU, toute appropriation par des États étant interdite, il doit rester ouvert à l’exploration, y compris celle de la Lune. C’est ainsi que les Chinois, après les Américains, décident de l’explorer d’ici quelques années, comme une preuve ultime de leur puissance. Toutefois, les usages militaires de l’espace ne sont pas proscrits, l’ONU se contentant d’encourager des usages pacifiques, notamment par une fameuse résolution votée en 1963, « pas de bombes en orbite », insérée dans le traité de l’espace de 1967.

Or on assiste à une militarisation croissante de l’espace extra-atmosphérique, un peu à l’image des autres types d’espaces non continentaux. C’est une extension du domaine de la guerre. C’est là que la géopolitique croise, par excellence, la géostratégie : depuis la guerre froide, la conquête spatiale a été un terrain de rivalités entre grandes puissances, qui s’y mesurent et y développent leurs capacités militaires. Ainsi, entre 1958 et 1962, États-Unis et URSS ont envisagé de nucléariser l’espace extra-atmosphérique et ont ainsi réalisé une vingtaine de tirs nucléaires à haute altitude. Pour éviter de franchir le point de non-retour, juste après la crise des missiles de Cuba (octobre 1962), le traité de Moscou interdit les essais nucléaires dans l’espace aérien et extra-atmosphérique (août 1963). Les deux Supergrands renoncent tacitement à déployer des armes dans l’espace, mais utilisent celui-ci pour espionner l’adversaire et pour acquérir du prestige. L’URSS conserve en ce domaine une nette avance jusque dans les années 1960, grâce aux travaux pionniers de Sergueï Korolev : premier satellite artificiel et premier animal en orbite (1957), premier survol lunaire (1959), premier homme (1961) et première femme (1963) dans l’espace, premières sondes atteignant la Lune, Mars et Vénus. En face, les États-Unis relèvent avec succès le défi de la « nouvelle frontière » spatiale (Kennedy) : création de la NASA en 1958 et lancement la même année de la sonde Explorer, programme Apollo débouchant sur le premier alunissage en 1969 (prenant de vitesse les Soviétiques), entre-temps premier satellite géostationnaire de télécommunications en 1965 (Early Bird). L’intérêt pour les États-Unis est de développer des technologies « duales » (utiles au civil comme au militaire) et de renforcer ainsi leur complexe militaro-industriel (CMI), chargé de la production d’armes sophistiquées (Boeing, Lockeed, Martin, Raythron). Les cosmonautes eux-mêmes sont des militaires, et le secret militaire entoure toutes ces activités.

5. Le cyberespace

En quelques années, le cyberespace est devenu un lieu clef de la géopolitique. Il désigne l’espace immatériel produit par l’ensemble des relations sociales qui s’établissent via les réseaux de télécommunication informatique interconnectés. Ce néologisme est apparu pour la première fois en 1984 dans le roman d’anticipation Neuromancer de l’Américain William Gibson, où des hackers se connectent par l’esprit et naviguent dans un espace de données numériques, nommé « cyberspace ». Mais celui-ci s’est peu à peu soustrait à son sens premier pour désigner aujourd’hui le réseau Internet, avec plus de 4 milliards de machines connectées en 2018. Le cyberespace est ainsi devenu très rapidement un réseau mondial transnational, quand on se remémore que, en l’an 2000, le monde comptait seulement 300 millions de machines connectées, puis 1 milliard en 2005, 2 milliards en 2011, 3,5 milliards en 2016. En parallèle, la fracture numérique s’est largement réduite, mais sans disparaître : le taux d’équipement en connexion Internet est de 18 % en Afrique contre 78 % en Europe. Toutefois, les satellites permettent les connexions par la téléphonie mobile. Les acteurs du cyberespace sont multiples : aussi bien la société civile, que ce soit des individus ou des groupes (y compris dissidents, criminels, terroristes), que des États et gouvernements, ou encore des entreprises ou ONG : le cyber a un pouvoir égalisateur dans les relations internationales.

Un des grands principes fondateurs du cyberespace est celui de la neutralité, n’importe quelle donnée devant circuler à la même vitesse quelle que soit son origine, et les utilisateurs ne devant faire face à aucun obstacle dans le trafic (blocage, dégradation, sélection), qui aurait pour effet de limiter leur accès aux applications et aux services du réseau. Le cyberespace devait ainsi devenir un nouvel espace de liberté et de partage, hors de tout contrôle étatique. En ce sens est fondée dès 1990 une association de défense des libertés sur le Web, l’Electronic Frontier Foundation, dont un des fondateurs, John Perry Barlow, publie en 1996 une « Déclaration d’indépendance du cyberespace » qui réaffirme ces principes de liberté totale et de refus de l’appropriation de l’Internet par des gouvernements. Ce combat est poursuivi par le mouvement des Anonymous. Le terme « gouvernance » d’Internet, forgé au milieu des années 1990, désignait ainsi à l’origine un mécanisme de « gouvernement sans gouvernement », mais les États ont fini par prendre conscience de l’importance d’Internet, de son intérêt stratégique et des dangers qu’il recèle pour leur souveraineté. La volonté de contrôler le cyberespace vient ainsi actuellement autant des pays démocratiques que des pays autoritaires. Les contenus contraires aux lois nationales sont bloqués dans la plupart des pays autoritaires, mais aussi dans certaines démocraties libérales : ainsi, aux États-Unis, depuis le vote du Patriot Act, la loi oblige toute société de services informatiques active sur le territoire, qu’elle soit américaine ou non, à lui donner accès à des écoutes quasi illimitées ; les sociétés informatiques américaines ont d’autre part été progressivement raccordées au système Prism (2007), qui procure à la NSA un accès permanent et en temps réel aux données stockées ou transportées par ces entreprises. Et, sur un plan économique, une loi américaine de 2018 met fin à la neutralité du Web : les fournisseurs d’accès pourront faire emprunter à certaines données la « voie rapide », en fonction des diverses offres de services à la tarification bien sûr différenciée. Du côté des dictatures, la Chine a mis en place un système de censure très sophistiqué : sa propre maîtrise des noms de domaine lui a permis de créer un réseau en vase clos, déconnecté du cyberespace mondial, et protégé par une Grande Muraille numérique lui permettant de filtrer les sites, les contenus en provenance de l’étranger, laissant la voie libre au développement de la firme chinoise AliBaba (et plus largement des BATX : les géants du Web chinois dans les années 2010, soit Baidu, AliBaba, Tencent et Xiaomi). Toute ouverture de site est soumise à une licence, et les gestionnaires sont tenus légalement responsables de leur contenu. Il existe enfin une cyberpolice de 40 000 experts, assistés de 280 000 hackers « rouges » chargés d’orienter les débats dans les forums, de dénoncer les opposants et de lancer des cyberattaques vers des sites étrangers.

6. Les espaces urbains et métropolitains

Depuis la fin des années 2000, plus d’un humain sur deux réside en ville, et cette proportion devrait atteindre les deux tiers d’ici 2050, si la population urbaine mondiale augmente bien de 200 000 habitants par jour, comme le prévoient les projections de l’ONU, soit plus de 6 milliards d’habitants. Près de 500 millions de personnes vivent déjà dans des mégalopoles, villes de plus de 10 millions d’habitants, qui, de 28 aujourd’hui, devraient passer à 43 d’ici 2030. D’ici là, 6 milliards d’humains vivront dans des mégapoles, villes géantes de plus de 10 millions d’habitants. C’est le reflet du puissant pouvoir d’attraction des villes, qui ne s’est jamais démenti au cours des XIXe et XXe siècles, et de leur capacité, en retour, à dominer et organiser les territoires à différentes échelles. Lieu de vie et d’activités privilégiées, les villes sont parallèlement devenues les points nodaux des différents conflits, de la simple confrontation politique à l’affrontement militaire [Giblin, 2016], en témoigne la multiplication des guérillas urbaines (Balkans, Caucase, Afrique).

Difficile de s’entendre sur une définition universelle de la ville. L’ONU, en 1978, proposait un critère moyen de 2 000 habitants agglomérés en un lieu dont les habitations sont distantes de moins de 200 mètres. Par opposition à la campagne, la ville est « un lieu et un milieu », dont la principale caractéristique est de maximiser les interactions sociales. La ville est ainsi un système centralisateur résultant des interactions entre une multitude de comportements humains, individuels et collectifs. Les métropoles correspondent aux plus grandes et plus influentes de ces villes, regroupant les fonctions de commandement et du tertiaire supérieur.

Les métropoles de rayonnement continental et surtout mondial s’organisent de plus en plus en un réseau intégré dans l’espace planétaire, décrit comme un « archipel mégalopolitain mondial », depuis les travaux de Pierre Veltz [1996]. Ainsi, la croissance mondiale est de plus en plus concentrée autour de très grands pôles métropolitains, de régions urbaines intégrées de type mégalopoles (Boston-Washington, dorsale européenne, Tokaido japonais), qui constituent l’environnement des nouvelles formes de production et d’échange. Ces pôles ne sont pas seulement concurrents entre eux, mais aussi complémentaires. Ils sont les points nodaux où s’entrecroisent les réseaux de la mondialisation. Les villes mondiales qui dominent cet archipel regroupent les quatre grandes fonctions urbaines traditionnelles (financement, innovation, production et échanges), mais en atteignant un degré supérieur dans chacun de ces domaines : c’est ainsi qu’elles sont dépositaires d’un soft power unique.

Ces métropoles tentaculaires partagent des défis communs en termes d’aménagement et d’urbanisme, relevant également d’enjeux géopolitiques. Selon John Wilmoth, directeur de la Division des populations de l’ONU, la gestion des grandes zones urbaines est devenue l’un des défis de développement les plus importants du XXIe siècle. Deux enjeux essentiels se posent ainsi aux urbanistes et aménageurs : densifier par la verticalité, ramener la nature en ville. L’idée est de rendre la ville autosuffisante : une ville verticale couverte d’arbres, de potagers, mais aussi de panneaux solaires et d’éoliennes, tout en réduisant l’impact écologique et en éliminant pollutions et gaz carbonique. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) doivent y contribuer : c’est le paradigme de la smart city. Ainsi, à Taiwan, une tour hélicoïdale à terrasses et toits végétalisés, la Thao Zu Yin Yuan Tower, absorbera chaque année 135 tonnes de carbone grâce à 25 000 arbres plantés. Des immeubles devraient créer davantage d’énergie qu’ils n’en consomment, récupérer les eaux de pluie et la biomasse, produire leurs propres denrées alimentaires (des fermes verticales existent déjà à Toronto et Singapour). Les projets les plus ambitieux se multiplient : ainsi au Canada, Sidewalk Lab, filiale de Google, travaille à la ville la plus écologique et technologique du monde en bordure du lac Ontario (près de Toronto) sur 800 ha de friches industrielles… pas de quoi protéger la campagne de l’emprise urbaine, mais apporter la campagne dans la ville.