Thème du concours commun 1A 2017 pour l’admissibilité à Sciences Po, je vous avais promis de revenir sur cette notion. Alors débutons cette série de post par tout d’abords par une idée connexe, celle du devoir de mémoire et ses origines.

Thème récurrent de l’émission « La marche du siècle » de JM Cavada, sujet au bac en 1993 « Pourquoi y-a-t-il un devoir de mémoire ? », la formule entre dans un texte législatif également en 1993. Et depuis, elle est devenue un motif incontournable dans les discours de célébration ou de commémoration. Pour l’historien le langage structure nos représentations et nos actions. Le devoir de mémoire est un produit contemporain. Retour sur ses origines.

L’idée dominante apparaît au début du 19 siècle mais sous la forme de « souvenir. Elle se prolongera jusqu’à la fin de la grande guerre car on parlait encore de la journée du souvenir. Il y a aussi l’idée de « réparer », « le mot « réparation » apparaît pour effacer les crimes liés à la guillotine, les profanations de sépultures royales, la réparation est une politique issue de la restauration en 1814-1815 qui veut promouvoir. Car il y a une volonté de légitimité d’après révolution et empire, donc on sait que cette politique est un moyen d’assoir le pouvoir royal. Louis 18 sera prudent et Charles 10 qui le succède exagèrera cette idée à promouvoir mais il y aura un rejet d’une partie de l’opinion publique française. Cette politique avorte donc jusqu’en 1980.

En 1980, la formule est pollinisée par une politique du passé qui l’élabore dans un ministère en voie de disparition, celui du secrétariat d’état aux anciens combattants, les années Giscard sont considérées comme des années d’oubli du passé et celle de Mitterrand comme celle de la résurgence du passé. Ce secrétariat va imposer le terme de « mémoire » (mémoire des anciens combattants, mémoire de la France combattantes…), c’est un terme en vogue déjà dans des courants émancipateurs (mémoire bretonne, mémoire corse) cette fois ci il s’impose pour une unité nationale. On crée une direction de la mémoire avec des emplois et une véritable structure pérenne, on veut faire de la prévention des crimes du 20 siècle, d’où le ministère de la mémoire.
Cela s’organise aussi autour de lieux, Verdun par exemple (rencontre Khôl et Mitterrand ou encore Merkel et Hollande).
Les années 80 est aussi l’arrimage de la judéité à la mémoire, redécouverte de la mémoire juive autour de la Shoa. (Le juif imaginaire d’Alain Finkielkraut tourne autour de la notion du devoir de mémoire).
Les médias ont aussi joué un rôle important dans la cristallisation du terme en lançant une formule en 1992-1993 (JM CAVADA) et très vite une attention des journalistes utilise cette formule. Des dates ont favorisé cette cristallisation, la célébration en hommage aux morts de la rafle du Vel d’ive par exemple.
En 1993 le mot s’impose dans un texte législatif et en 2003 dans le Larousse. Mais tout cela se fait dans un silence présidentiel et ne s’applique uniquement qu’en mémoire de la Shoa.
Des chants en font aussi référence en 1923 comme le chant des partisans à la mort de Lénine.
On pourrait s’imaginer qu’il s’applique aussi aux victimes du communisme mais finalement personne ne reprendra cette idée avant 1990 à la sortie du « livre noir » du communisme.

C’est dans les années 2000 que le mot connaît la dissémination. Il est appliqué au souvenir de la traite et de l’esclavage, à celui des combattants des guerres coloniales, quel que fût le parti qu’ils avaient pris etc…
Certains critiqueront cette idée de devoir de mémoire pour des raisons de manque de recul.
L’oubli est fondamental dans les sociétés, car l’abus de mémoire peut être associé au devoir de bonne mémoire et finalement n’atteint pas le but attendu.
Cette critique disparaîtra dans les années 2000 et l’éducation nationale à pris part pour perpétrer cette notion et la mettre en application. Le terme évolue et l’on parle désormais de mémoire collective pour la transmission de mémoire.
Un autre livre dédié à ce thème vous sera présenté dans un prochain post intitulé « mémoire, histoire, l’oubli » de Paul Ricœur.