Poursuivons nos réflexions sur les collectivités territoriales suite aux deux premiers articles consacrés à leurs différentes fonctions.
Le principe de libre administration des collectivités territoriales repose sur la reconnaissance de leur autonomie juridique et sur l’attribution de compétences propres. Depuis 1982, les différentes collectivités ont ainsi connu une « spécialisation fonctionnelle » qui les rend identifiables à ce titre dans le paysage administratif. L’acte II de la décentralisation (réforme constitutionnelle de 2003 puis la réforme territoriale du 7 août 2015) a accéléré ce mouvement en tentant de fixer aux collectivités de nouvelles ambitions ainsi que des moyens financiers pérennes. Néanmoins, les équilibres actuels demeurent incertains.
  •  Retour sur l’histoire
Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est très ancien dans la plupart des pays de l’Union européenne.  La cité s’impose rapidement au cœur des réseaux de relations, affirmant sa vocation économique et sociale. Que ce soit avec les foires au Moyen Âge, ou grâce aux ports comme à Athènes ou à Marseille, les villes sont des lieux d’échange où se structurent les premières relations économiques et se développent les loisirs et la culture. Les cités-États de l’Antiquité comme Sparte, ou de la Renaissance comme Florence ou Venise, incarnent ce foisonnement permettant à Fernand Braudel d’affirmer que les villes sont « les accélérateurs du temps entier de l’histoire ».
En affirmant sa puissance, la ville a également revendiqué son autonomie.  Le mouvement « communal » qui parcourt l’Europe au  XII  siècle constitue une démarche d’émancipation  quasi-révolutionnaire du  pouvoir  féodal,  à  l’occasion  de  laquelle sont  négociées  « franchises »  ou  libertés fiscales. Les émeutes sanglantes supportées par la Commune de Paris lors du mois de mai 1871 trouvent sans doute une origine lointaine dans cet épisode médiéval.
À cet égard, il n’est pas neutre de constater que la première grande loi « moderne » d’autonomie locale date du 10 août 1871. Il s’agit pourtant tout d’abord d’une « liberté surveillée », contrainte par l’indivisibilité de la République.
Cependant, édicté par la Constitution de la IV République, le principe de libre administration des collectivités territoriales va être réaffirmé puis  enrichi  avec  la  Constitution de la  V  République. Dans sa rédaction originelle du 4 octobre 1958, la Constitution expose néanmoins qu’il revient au législateur de déterminer les modalités selon lesquelles les collectivités vont s’administrer librement. C’est donc au Parlement de fixer, par la loi, les limites applicables aux collectivités, afin que le principe fondamental d’unité de l’État soit respecté.
  • Le fait majoritaire constitue la pierre angulaire de la démocratie locale
La Constitution, en son article 72, a consacré le principe d’autonomie des collectivités territoriales qui s’administrent librement par des conseillers élus. Il en découle plusieurs conséquences : elles bénéficient d’une personnalité juridique propre, distincte de celle de l’État : l’autonomie organique des collectivités territoriales est le critère même de leur libre administration.
En ce qui concerne l’élection du conseil départemental, le mode de scrutin reste majoritaire à deux tours retenu depuis 1871, mais les élections départementales (ex-cantonales) désignent les membres du conseil départemental (ex-général) dans le cadre du canton.
C’est avec la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, que l’assemblée qui dirige le département prend le nom de conseil départemental (en remplacement de la précédente appellation de conseil général).
Le mode d’élection des conseillers départementaux (ex-conseillers généraux) est ensuite modifié par un nouveau mode de scrutin qui s’est appliqué pour la première fois lors des élections départementales de mars 2015 : deux conseillers départementaux ont été élus dans chaque canton au scrutin binominal à deux tours. Les candidats se sont présentés en binôme composé d’une femme et d’un homme. Cette disposition vise à poursuivre l’objectif de parité qui avait commencé à être mis en œuvre depuis la loi du 31 janvier 2007, disposant que les suppléants devaient être de sexe opposé à celui du candidat.
En revanche, il a su faire preuve d’adaptation et d’imagination pour l’élection du conseil municipal. Le nombre de conseillers municipaux à élire varie selon la taille de la commune : de 7 conseillers pour les communes de moins de 100 habitants à 69 pour les communes de 300 000 habitants et plus (art. L2121-2 du code général des collectivités territoriales – CGCT).
Le mode de scrutin municipal étant globalement un scrutin majoritaire de liste, il convient de l’adapter à la situation des communes les plus petites où il serait difficile de constituer des listes complètes, ainsi qu’à la situation des communes les plus peuplées pour lesquelles il est important de dégager une majorité municipale.
Le mode de scrutin varie selon le nombre d’habitants de la commune : scrutin majoritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants, scrutin proportionnel dans les autres. Cherchant à concilier les impératifs liés à la taille des communes avec ceux de la parité et de l’élection d’une majorité municipale porteuse d’un projet, la loi du 17 mai 2013 a abaissé de 3 500 à 1 000 habitants le seuil pour l’application du scrutin à la proportionnelle. En clair, le vainqueur pourra s’appuyer sur un conseil municipal constitué par environ les trois-quarts des membres de sa liste.
  • Une autonomie traduite par l’attribution de compétences et de ressources propres
Pour l’essentiel, l’autonomie des collectivités locales se traduit par la liberté dans leur capacité à agir, ce qui induit la définition de compétences propres et de moyens financiers pour les assumer.  Les collectivités ont des droits et des obligations, gèrent librement les affaires relevant de leurs compétences, possèdent un patrimoine, disposent d’agents dotés d’un statut propre gèrent un budget c’est-à-dire décident elles-mêmes de la destination et de l’utilisation de leurs dépenses et de leurs recettes.  Selon le Conseil constitutionnel, le principe de libre administration implique qu’elles puissent disposer de ressources suffisantes pour exercer effectivement leurs responsabilités. Toutefois, les collectivités locales n’ont pas le pouvoir de créer leurs propres impôts, une grande part de leurs ressources étant constituée de subventions étatiques.
La décentralisation se fonde sur l’idée que les administrés ont en commun un certain nombre d’intérêts qui leur sont particuliers, et que les affaires locales seront mieux gérées si elles le sont localement par ces administrés eux-mêmes ou par leurs élus.