Alexandre Issaïevitch Soljénitsyne est un romancier et dissident russe, emblème de la résistance au système soviétique, chantre d’une Russie mythique et passéiste…
Après une enfance heureuse à Rostov sur le Don, au sud de la Russie, et malgré la disparition de son père avant sa naissance, Soljenitsyne entreprend des études de sciences et de lettres. Il est ensuite mobilisé pour toute la durée de la guerre. Pendant la seconde guerre mondiale il sert dans l’artillerie. Durant le siège de Leningrad (Saint Pétersbourg) il est nommé capitaine.
En janvier 1945, il est arrêté pour avoir émis dans une lettre privée des doutes sur la stratégie politique de Staline, qualifié par ailleurs de “caïd”. Il est condamné sans appel à 8 ans de “redressement” dans un camp pour complot antisoviétique, une expérience qu’il relatera dans ‘Une journée d’lvan Denissovitch’. Après différents lieux de détention, y compris les camps, il est assigné à résidence au Kazakhstan.
En 1962 Kroutchev le patron de l’URSS (Russie communiste) engage une certaine « déstalinisation » et Soljénitsyne est réhabilité et autorisé à publier dans la revue Nova Mir Une journée d’Ivan Denissovitch », un livre parlant du système prisons-camps de concentration, le « Goulag ». La publication fait sensation et lui attribue une reconnaissance immédiate. Cependant, à partir de 1964, il est la cible d’une vaste campagne de dénigrement orchestrée par les services de la sûreté et l’Union des écrivains. Tracasseries, interdictions, persécutions se succèdent. C’est à l’étranger et dans le « Samizdat » (diffusion sous le manteau) que ses ouvrages suivants sont publiés : le Pavillon des Cancéreux, Le premier cercle (« Écrit de 1955 à 1958. Défiguré en 1964. Réécrit en 1968 »), Aout 14, premier élément de l’ensemble La Roue Rouge.
Après un dernier appel à la résistance, il est arrêté et déchu de sa nationalité. Contraint de s’exiler en Suisse puis aux États-Unis, il publie ses œuvres à l’étranger comme notamment ‘Le Premier Cercle’, ‘Le Pavillon des cancéreux’ et ‘L’Archipel du goulag’ (1973).
Alexandre Soljenitsyne, qui a toujours plaidé pour l’abolition de la censure et subi l’ostracisme des autorités de l’URSS, obtient le prix Nobel de littérature en 1970. Les soviétiques veulent que ce prix lui soit remis à Moscou, à l’ambassade de Suède (le Pays du fameux prix Nobel). Il refuse. La renommée mondiale de Une journée d’Ivan Denissovitch est sans doute à l’origine de ce prix.
Mal aimé, cet écrivain qui fait de la liberté d’écriture un levier pour ébranler le goulag et le rideau de fer, il est expulsé par les Soviets. Accueilli en Occident avec enthousiasme et admiration, il est bientôt rejeté, vilipendé avec mesquinerie, parce qu’il garde sa liberté vis à vis du matérialisme de l’ouest, des vues à courte vue des politiques, ainsi que des petites intrigues polémiques rentables des médias et des intellectuels américains.
Il vient en France, et se permet, 200 après la Révolution française, d’en contester la canonisation. Scandale pour certains. Les Français ne seraient donc pas assez libres encore, deux siècles après la Révolution, pour permettre à un étranger de porter un regard de vérité sur un mythe laïquement sacré.
L’archipel du Goulag a été publié en France, en russe, en 1974. C’est Assia Dourof, des Dames de Sainte Marie, association d’enseignantes, alors en poste chez l’Ambassadeur de France à Moscou, qui a fait sortir le manuscrit à un moment où la persécution se resserrait : la femme qui avait dactylographié le manuscrit de l’Archipel est retrouvée pendue à la suite de son interrogatoire par le KGB. Ces policiers politiques, véritable Terreur, voulaient trouver les manuscrits d’Alexandre Soljenitsyne dont une partie étaient enterrés dans des jardins.
La publication à Paris de l’archipel du Goulag est une victoire sur le système soviétique communiste et sur le KGB. Les communistes préfèrent expulser Alexandre Soljenitsyne, et le déclarer déchu de sa nationalité. Mais l’immense travail que représente ce livre, le génie et la célébrité de l’auteur, la vérité de toutes les informations, contribueront à l’effondrement du système soviétique.
En 1977 il s’installe aux États-Unis, dans le Vermont, un état du Nord de la Nouvelle Angleterre, à toucher le Canada. C’est là qu’il continue à écrire l’immense fresque de la Roue Rouge : « … je peux espérer que le matériel historique (…) que j’ai collecté entrera dans les consciences et la mémoire de mes compatriotes.»
Il prononcera également le ‘Discours de Harvard’ où il fustige le monde occidental dont il déplore l’effondrement moral, l’industrialisation à outrance et le “bazar mercantile”. Dans son discours de Harvard il ose critiquer le matérialisme de l’Ouest et proposer aux étudiants de la célèbre Université de Harvard un plus haut idéal de vie. Il se refuse d’autre part à jouer le jeu des polémiques et des petites histoires à scandale dont raffolent les journalistes et intellectuels américains. L’établissement lui tourne le dos et il le catalogue comme « infréquentable ».
Après être allé à Stockholm recevoir son prix Nobel il s’installe en Suisse, où Irina Alberti lui sert de secrétaire. (Irina Alberti est une russe née Yougoslavie ; mariée à un diplomate italien, elle pourra s’évader de justesse de la Yougoslavie Communiste. Elle deviendra l’une des russes les plus cultivées et les plus influentes de l’Europe libre, à Rome, et dirige à Paris l’hebdomadaire La Pensée Russe).
Après vingt années d’exil, il rentre dans son pays en 1994.
Soljenitsyne s’installe à Moscou. Il critique les « nouveaux Russes », c’est-à-dire les enrichis de la transition vers l’économie libérale. Il continue à travailler sur l’histoire de la Russie. On le dit « slavophile ». Certes il attache du prix à la patrie russe et à l’Orthodoxie. Vouloir restituer une mémoire aux Russes après et à travers 70 ans de communisme n’est pas un chemin facile. Alexandre Soljenitsyne a osé y travailler, avec son génie.
En 2007, il reçoit des mains de Vladimir Poutine le prix d’Etat russe avant de se retirer de la scène médiatique.
Alexandre Soljenitsyne s’éteint le 3 août 2008 des suites d’une insuffisance cardiaque. Il est enterré dans le cimetière du monastère Donskoï, à Moscou. Alexandre Soljenitsyne était un croyant Orthodoxe. A la fin de sa vie il écrivait des prières. Et voici ce qu’il écrivait de la prière pour les âmes des morts :
« La prière pour les âmes des morts projette, de nous vers eux, d’eux vers nous, une arche immatérielle d’une portée universelle et d’une proximité sans obstacle » (A. Soljenitsyne – cité par Irina de Chikoff, Figaro Magazine du 7 août 08).
Fondée sur l’expérience du totalitarisme, son œuvre, qui a acquis les dimensions d’une grande fresque sociale, s’attache à révéler les falsifications de l’Histoire.
Héros, ce Russe Orthodoxe qui avec le Catholique Polonais Jean Paul II aura contribué de façon incommensurable à la disparition du système communiste soviétique, en URSS et dans les pays de l’Est.
Son opposition au système de terreur et de camps de concentration n’en fait pas pour autant un inconditionnel de la vie et de la société américaine.
1. En France
Soljenitsyne avait été accueilli deux fois à la télévision par B. Pivot, notamment à l’émission « Apostrophes » en 1995. En 1993 pour la première fois il vient en France pour deux semaines. Philippe de Villiers, et le Conseil Général de la Vendée, l’ont invité pour le bicentenaire de la résistance de la Vendée. Il présidera aux côtés de l’Académicien Decaux l’inauguration du Chemin de Mémoire des Lucs, où en 1793, 550 personnes, hommes, femmes, vieillards et 105 enfants ont été massacrés par une colonne de l’armée républicaine, une des « colonnes infernales ».
A son arrivée à Paris, les journalistes l’interviewent, et essaient de lui faire comprendre que la Vendée, : »c’est pas bien. » Mais il n’a pas de mal à retourner la situation, en une semaine la presse est conquise : il est bien venu pour la Vendée et il explique pourquoi.
En commençant son discours aux Lucs sur Boulogne il dira en effet : « Quand j’étais enfant en Russie et qu’à l’école on nous donnait en exemple la Révolution française écrasant en Vendée les mauvais « contre révolutionnaires », je me disais : « Il y a donc eu des gens qui ont osé se dresser contre la Révolution ! » Qui m’eut dit alors que je serais invité à présider le 200ème anniversaire de leur mémoire ! »
Quelques voix ont cru néanmoins devoir s’étonner « qu’un étranger vienne en France et dise des « choses irrespectueuses sur la Révolution française ». Aujourd’hui encore, au lendemain de la mort de Soljenitsyne un certain Mélenchon, homme politique, écrit : « Je ne pardonne pas ». Il était donc louable de critiquer le système soviétique ? de faire connaître et finalement exploser le système du goulag, au risque d’y retourner, de lutter pour la liberté et les droits de l’homme ?
2. Ses Œuvres
- Une journée d’Ivan Denissovitch 1962
- Le Pavillon des cancéreux 1968
- La Maison de Matriona 1963
- Le Premier cercle 1968
- Les Droits de l’écrivain 1969
- Août 14, premier nœud 1972
- L’Archipel du Goulag (tomes I et II) 1974
- Le chêne et le veau 1975
- Discours américains 1975
- Des voix sous les décombres 1975
- Lénine à Zurich 1975
- L’Archipel du Goulag (tome III) 1976
- Flamme au vent 1977
- Le Déclin du courage 1978
- Message d’exil 1979
- L’erreur de l’Occident 1980
- Les tanks connaissent la vérité 1982
- Nos Pluralistes 1983
- La Roue rouge, tome 2 :
- Deuxième nœud – Novembre 16 1985
- Comment réaménager notre Russie ? 1990
- Les Invisibles 1992
- La Roue rouge, tome 3 : Troisième nœud – Mars 17 (4 tomes) 1993-1998
- Le « Problème russe » à la fin du XXe siècle 1994
- Ego 1995
- Nos jeunes 1997
- Le Grain tombé entre les meules 1998
- La Russie sous l’avalanche 1998
- Deux récits de guerre 2000
- Deux siècles ensemble, 1795-1995,
- Juifs et Russes avant la révolution, 2002
- Deux siècles ensemble, 1917-1972, tome 2 : Juifs et Russes pendant la période soviétique 2003
- Esquisses d’exil – Le grain tombé entre les meules, tome 2, 1979-1994, 2005
- Aime la révolution ; Les yeux dessillés, 2007
- Réflexions sur la révolution de février, 2007
- Une minute par jour, 2007
- La Roue rouge : Quatrième nœud : Avril 17 (à paraître)
Source : Wikipédia et even, le figaro