Sujet d’histoire ?…L’année 1968 dans le monde…

par | 4 Juin 2024 | Astuces dissertation

  Ce sujet consiste à brosser le portrait d’un moment spécifique, une année révélatrice de transformations d’ampleur importante. Par définition, le jury ne peut choisir qu’une année pour laquelle il y a suffisamment d’éléments à utiliser pour pouvoir construire un devoir argumenté ; donner « l’année 1967 » ou « l’année 1969 » n’aurait ainsi […]

 

Ce sujet consiste à brosser le portrait d’un moment spécifique, une année révélatrice de transformations d’ampleur importante. Par définition, le jury ne peut choisir qu’une année pour laquelle il y a suffisamment d’éléments à utiliser pour pouvoir construire un devoir argumenté ; donner « l’année 1967 » ou « l’année 1969 » n’aurait ainsi par exemple aucune pertinence…

Un sujet tel que celui-ci se traite souvent avec un plan thématique même si cela n’empêche pas de faire apparaître des évolutions et donc un plan chronologique si vous maitrisez parfaitement la chronologie de cette année-là. Il faut aborder ce type de sujet en se plaçant dans l’année que l’on étudie et en ne prenant pas en compte ce qui se passe avant ou après car cela est, par définition hors sujet : évoquer 1969 ou 1970 dans le développement serait une erreur. Le seul moment où l’on peut évoquer ce qui se passe après l’année en question est en conclusion, dans l’ouverture. À l’inverse, il est indispensable d’aborder ce qui s’est passé avant, car l’année étudiée est le résultat d’évolutions ultérieures : il faut le faire de manière habile, en prenant comme point de départ l’année que l’on étudie, et en remontant progressivement en arrière, sans remonter trop loin bien évidemment.

 

INTRODUCTION GENERALE

L’année 1968 s’incarne sans doute le mieux dans une image très médiatique qui a fait le tour du monde : c’est celle où, lors des Jeux olympiques de Mexico d’octobre 1968, les deux athlètes américains vainqueurs de l’épreuve du 200 mètres, Tommie Smith et John Carlos, tous les deux noirs, sur le podium, détournent ostensiblement leurs regards du drapeau américain, tout en levant leur poing ganté de noir vers le ciel, en signe de solidarité avec le mouvement des « droits civiques » aux États-Unis, alors à son apogée, incarné par Martin Luther King assassiné quelques mois plus tôt (avril 1968), mais aussi avec le mouvement radical des « », qui, tous, dénoncent la persistance de la ségrégation raciale contre les noirs aux États-Unis. Cela montre au monde entier les profondes tensions mais aussi les paradoxes de la société américaine, qui reflètent un peu aussi le paradoxe de la situation internationale.

1968 apparaît en effet comme une année de nombreux changements à travers le monde et d’événements dont certains sont passés à la postérité : élection du président Nixon aux États-Unis, début des négociations américaines au Vietnam, assassinat de Martin Luther King aux États-Unis, « printemps de Prague » violemment réprimé par l’URSS de Brejnev, mouvements de contestation dans les sociétés occidentales notamment en France (mai 68), accélération des négociations nucléaires (premier grand accord signé en juillet), amplification des tensions au Proche-Orient (guerre des Six jours l’année précédente)…

Pourquoi l’année 1968 est-elle révélatrice d’une situation paradoxale au sein d’un monde encore profondément marqué par la logique de guerre froide mais animé aussi par une volonté de détente et par des tensions sociales ? Comment le monde est-il en train de devenir de plus en plus multipolaire ?

 

1968 est une année au cœur de la détente entre les deux Grands. Elle montre un apaisement et affaiblissement de la logique bipolaire. La Détente correspond au relâchement des tensions qui s’est instauré progressivement à partir de 1963, caractérisé par :

L’URSS est à la recherche d’un nouvel équilibre international dans le contexte de la détente. La tenue de fréquentes rencontres au sommet, partie visible du développement à grande échelle d’un dialogue diplomatique qui ne se limite pas aux États-Unis et à l’Union soviétique, mais implique fortement les États d’Europe de l’Ouest et de l’Est ainsi que la Chine, la négociation prenant le pas sur les face-à-face tendus des années précédentes.

L’URSS dans la détente à partir de 1963

Définition de la détente : La normalisation des relations Est/Ouest, symbolisée par la « diplomatie du sourire » : Brejnev, au pouvoir à partir de 1964, renoue le fil du dialogue avec les États-Unis.

Les débuts du désarmement nucléaire (TNP en 1968, puis SALT I).

Focus sur le TNP : Le TNP a été signé le 1 juillet 1968 et est entré en vigueur en 1970. Il constitue la pierre angulaire du régime de lutte contre la prolifération nucléaire et est l’un des fondements du système de sécurité collective.

189 Etats sont parties au TNP. Parmi ces Etats, le TNP opère une distinction entre les Etats dotés de l’arme nucléaire (EDAN), définis comme les Etats ayant procédé à un essai nucléaire avant le 1janvier 1967, et les autres Etats, appelés Etats non dotés de l’arme nucléaire (ENDAN). Les EDAN sont au nombre de 5 : Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, Chine et France. Trois Etats nucléaires de fait ne sont pas parties au TNP : l’Inde, le Pakistan et Israël. Le TNP repose sur trois piliers, correspondant aux engagements des parties :

– Désarmement (article VI) : Les EDAN s’engagent à poursuivre de bonne foi des négociations vers le désarmement nucléaire dans le cadre d’un désarmement général et complet. C’est à ce jour la seule obligation en matière de désarmement nucléaire souscrite dans un instrument multilatéral par les EDAN.

Non-prolifération nucléaire : Engagement de non-prolifération (articles I et II). Les EDAN s’engagent à ne pas transférer d’armes nucléaires. Les ENDAN s’engagent à ne pas tenter d’acquérir l’arme nucléaire. Engagement de vérification (article III): Les ENDAN s’engagent à conclure avec l’Agence internationale de l’énergie atomique des accords de garanties généralisées pour vérifier le non détournement des matières et installations nucléaires à des fins militaires. Les Parties doivent mettre en place un régime de contrôle des exportations nucléaires.

– Promotion des usages pacifiques de l’énergie nucléaire (article IV) : les Parties s’engagent à faciliter les échanges de technologies nucléaires à des fins pacifiques et en particulier à encourager la coopération avec les pays en développement.b)

b) La Détente

La détente trouve son origine dans la volonté partagée par les États-Unis, l’Union soviétique et leurs alliés respectifs de réduire les risques de guerre nucléaire, qui ont culminé avec la crise de Berlin et la crise de Cuba. Kennedy et Khrouchtchev ont conscience de ce que l’utilisation ne serait-ce que d’une fraction des armes nucléaires en leur possession signifierait une apocalypse sans précédent pouvant conduire à l’extinction de l’humanité. Ils tirent rapidement les leçons de ces crises dont l’épilogue montre que le dialogue entre les deux Grands est à la fois possible et nécessaire. Leurs successeurs vont en reprendre l’idée et lui donner un contenu davantage tangible en termes de vision du monde, de reconnaissance politique du statu quo issu de la Seconde Guerre mondiale, de modération de la course aux armements et d’échanges de toutes natures entre l’Est et l’Ouest.

Le développement des relations de toutes natures, économiques en premier lieu, mais aussi scientifiques, sportives, et culturelles.

La limitation des armements nucléaires

Les accords SALT I qui suivirent le TNP n’empêchent pas l’augmentation du nombre d’ogives nucléaires. Au lendemain de la crise des missiles cubains, les États-Unis et l’URSS décident de se rapprocher pour maîtriser, dans un esprit de transparence, un équilibre désormais fondé sur une « destruction mutuelle assurée » (MAD pour Mutual assured destruction en anglais).

c)

Les raisons qui poussent l’URSS à recherche l’apaisement

L’URSS recherche l’apaisement dans les relations internationales car elle fait face à des difficultés internes tout comme d’ailleurs les États-Unis. L’URSS doit faire face à la montée de la dissidence mais aussi, dans les démocraties populaires, à des vagues de contestations. Plus globalement, l’URSS est confrontée à l’éclatement de la bipolarité et à la déstabilisation des relations internationales.

Une confrontation moins directe avec les États-Unis : le déplacement des tensions vers le tiers-monde

URSS et États-Unis continuent malgré tout d’être dans une logique de guerre froide, mais la confrontation est moins brutale car les tensions se déplacent vers le tiers-monde, la situation en Europe apparaissant figée depuis la construction du mur de Berlin. L’URSS s’implique ainsi dans les conflits « périphériques ».

En Asie, la guerre du Vietnam est au cœur de la guerre froide car l’URSS soutient discrètement la guérilla communiste contre les États-Unis. Au Proche-Orient, le conflit israélo-arabe est lui aussi rattrapé par la guerre froide : tandis qu’Israël est soutenu par les États-Unis, l’URSS soutient l’Égypte, adversaire historique de l’État hébreu.

 

  1. Mais des tensions qui se maintiennent : le monde est toujours plongé dans la guerre froide.

Mais la Détente n’est pas la paix, les motivations des dirigeants sont avant tout fonction de leurs intérêts propres et peuvent donc être très différentes d’un camp à l’autre.

Les dirigeants occidentaux sont pour leur part persuadés que le modèle économique soviétique recèle des faiblesses structurelles qui contribueront à terme à l’effondrement du communisme. La vision stratégique portée plus particulièrement par les dirigeants allemands et français partisans de la Détente est que le rapprochement des responsables politiques, des économies et des hommes est porteur à terme d’une convergence des systèmes politiques et sociaux ou du moins d’un effacement des luttes idéologiques au profit d’une paix véritable. Dès lors la détente est un moyen d’accélérer cette évolution. Au-delà de cet espoir, ils sont aussi convaincus que les Soviétiques n’envisagent ni guerre nucléaire ni invasion de l’Europe de l’Ouest dans un avenir prévisible ; pour autant, la nécessité de continuer d’entretenir un niveau élevé de capacités militaires est aussi partagée par ces mêmes dirigeants, et notamment par les Présidents américains et français.

Du côté soviétique, symétriquement la conviction existe que l’effondrement du système capitaliste est inéluctable et que la guerre frontale avec l’Ouest n’est pas envisageable. Cependant, les dirigeants soviétiques veulent à tout prix atteindre puis conserver la parité stratégique avec les États-Unis et maintiennent donc un haut niveau de dépenses militaires. La Détente est aussi recherchée par les Soviétiques pour des raisons qui leur sont bien spécifiques, telles que la crise de leurs relations avec la Chine, les difficultés de leur agriculture qui certaines années rend nécessaire l’importation de céréales des États-Unis, ou bien encore leur besoin de technologies ou de produits industriels qu’ils ne maîtrisent pas, mais qu’ils espèrent trouver en Allemagne de l’Ouest par exemple.

a)

L’interventionnisme soviétique dans le Tiers-monde ne se développe réellement qu’après la mort de Staline. De nombreux pays se tournent alors vers l’URSS que ce soit Nasser en Égypte ou Castro à Cuba. Cela ne signifie d’ailleurs nullement que ces pays deviennent des marionnettes de Moscou. Le schisme sino-soviétique ou les critiques du Vietnam ou de Cuba contre l’URSS explique qu’après le départ de Krouchtchev, la direction soviétique se montre plus prudente dans sa politique vis-à-vis du Tiers-monde. L’année 1968 est donc au cœur d’une période où l’influence américaine progresse avec la chute de Sukarno en Indonésie, l’arrivée de Mobutu au pouvoir au Congo ou la mort de Che Guevara en Bolivie.

La situation se renverse après l’année 1968 avec le début de l’échec américain au Vietnam. L’Union soviétique se fait plus offensive dans un Tiers-monde qui se retrouve au cœur de la guerre froide.

 

b)

Le Printemps de Prague désigne une courte période de libéralisation de la Tchécoslovaquie. Entre janvier et août 1968, le nouveau président tente de réformer le pays en instaurant le socialisme à visage humain. Considéré comme une menace par l’URSS, le Printemps de Prague s’arrête après l’invasion de la Tchécoslovaquie par les armées alliées au nom du Pacte de Varsovie.

Le Printemps de Prague, ou l’essor de la société tchécoslovaque

Le Printemps de Prague débute le 5 janvier 1968. Alexander Dubček est élu président de la République socialiste tchécoslovaque. Très vite, il prend ses distances avec Moscou et installe une autre vision du communisme. Démocratisation des partis politiques, libéralisation économique, décentralisation administrative : la société tchécoslovaque est en pleine mutation. D’autant que les droits individuels évoluent eux aussi. Avec Alexander Dubček, les Tchécoslovaques gagnent en liberté. La presse et la parole ne sont plus soumises au joug soviétique. La population est libre de circuler.

La fin du Printemps de Prague

Face à cet engouement démocratique, le bloc soviétique va s’organiser pour mettre un terme au Printemps de Prague. Cette nouvelle idée du socialisme à visage humain n’est pas du goût de Léonid Brejnev, le secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique. Il met au point la doctrine Brejnev qui limite l’autonomie des États soviétiques. Les armées du Pacte de Varsovie, composé de l’URSS, de la Pologne, de la Bulgarie, de la Hongrie et de la RDA, font irruption en Tchécoslovaquie dans la nuit du 20 au 21 août 1968. Prague est rapidement prise, signant la fin du Printemps de Prague.

 

c)

La course à l’espace désigne la compétition à laquelle se sont livrés les États-Unis et l’Union soviétique, dans le domaine astronautique entre 1957 et 1975. Cette lutte pacifique a concerné d’abord l’envoi des premiers satellites artificiels, puis les premiers vols humains dans l’espace à partir de 1968, l’envoi de sondes spatiales pour explorer les planètes les plus proches et a culminé avec l’envoi d’astronautes sur la Lune.

En 1968, la réussite des missions spatiales devient un enjeu important dans la rivalité culturelle, technologique et idéologique entre les deux pays. Les premières spatiales se succèdent, d’abord surtout du fait des Soviétiques puis au fur et à mesure que les investissements effectués produisent leurs effets, des Américains. Les succès sont exploités de manière plus ou moins explicite pour montrer la supériorité d’un système politique sur l’autre. La course à l’espace est à l’origine du programme Apollo (1961), qui en se donnant comme objectif d’amener des Hommes sur la Lune, devient le plus important programme spatial de tous les temps.

18 septembre 1968 : Premiers êtres vivants à orbiter autour d’un autre corps céleste (Lune) et à revenir intacts sur Terre Drapeau de l’URSS.

21 décembre 1968 : Premier homme à orbiter autour d’un autre corps céleste (Lune).  

 

3. Une vague de contestation mondiale
a)

1968 est un tournant ouvrier du mouvement afro-américain. Le 18 mars 1968, des centaines d’éboueurs de Memphis (Tennessee), en grève depuis six semaines, reçoivent la visite de Martin Luther King. Ce dernier défend toujours les droits des Noirs, mais combat désormais pour les pauvres, les sans-logis, les travailleuses et les travailleurs… Cette évolution inquiète les dirigeants blancs. Deux semaines après, Martin Luther King est assassiné.

Peu avant 1968 Martin Luther King avait étendu son mouvement au nord du pays, plus précisément à Chicago, où il s’installa. Il élargit sa cause à la défense de tous les pauvres et tous les opprimés, avec les mêmes moyens de lutte : la désobéissance civile, le boycott, les grands discours et les manifestations non-violentes.

b)

Depuis le début du XXe siècle, la France a traversé de nombreuses crises politiques qui ont eu, à chaque fois, des répercussions sur l’opinion publique du pays. Le déroulement de cette crise est à mettre également en lien avec le rôle des médias.

  1. Causes et naissance de la crise

La crise de mai 68 est le produit de plusieurs phénomènes conjugués. Tout d’abords il convient de rappeler que 1958 avait marqué le début de la Vème République et ouvert une ère de stabilité politique et de personnalisation du pouvoir. La République gaullienne souffre pourtant à la fin des années 1960 d’un certain essoufflement. Une société d’abondance, en pleine mutation, l’usure d’un pouvoir trop personnel, la volonté de « changer la vie », d’un renouveau…, tels sont les ingrédients du cocktail de mai 68.

A)

A la fin des années 1960, la Vème République souffre des rancœurs farouches suscitées par le « cancer algérien ». Le pouvoir très personnel du vieux général est victime d’une réelle bien qu’imprécise usure. Elle est perceptible depuis la mise en ballottage du général de Gaulle aux élections présidentielles de 1965. En outre, les élections législatives de 1967 n’ont laissé aux gaullistes qu’une très faible majorité grâce aux sièges d’Outre-Mer et l’appoint des Giscardiens. Malgré leur soutien, ceux-ci critiquent l’exercice solitaire du pouvoir de de Gaulle.

B)

La « société de consommation » avec les changements culturels qu’elle entraîne ouvre la voie à la recherche d’innovations, voire à la crise des valeurs anciennes. L’arrivée des baby-boomers de l’après-guerre à l’âge adulte accentue ce besoin de renouveau dans la société française. Autre facteur de mécontentement issu des mutations de la société française : pour la première fois, un chômage structurel apparaît (l’ANPE est créée en 1967, année de récession économique).

Mais les acteurs premiers du mouvement au sein de la société française, ce sont les étudiants. La démocratisation et l’essor démographique gonflent les effectifs universitaires. Il n’y a ni assez de locaux, ni assez de maîtres. L’Université se renforce donc de cohortes d’assistants et de maîtres assistants puisés parmi les jeunes professeurs de lycée, mais ils ne bénéficient naturellement pas du même statut que les « maîtres » proprement dits et la frustration légitime qu’ils éprouvent fera d’eux les avocats naturels de la révolte étudiante.

C)

Pour soulager les sureffectifs de la Sorbonne-Lettres, on vient de faire bâtir l’annexe de Nanterre où le mouvement va prendre naissance. Située dans une banlieue ouvrière pauvre et d’accès malaisé, la faculté neuve va très vite se politiser, notamment après l’interpellation de militants du Comité Viêt-Nam. Après une cascade d’événements mineurs, le mouvement du 22 mars se forme sous la houlette de Daniel Cohn-Bendit, étudiant de sociologie juif allemand, et occupe Nanterre.

Le mouvement se développe ; empêchés de tenir meeting dans leur établissement, les étudiants se rendent à La Sorbonne d’où ils sont délogés par la police. Ce recours démesuré entraîne l’appel à la grève général de l’UNEF. La colère étudiante s’amplifie.

 

  1. Les trois volets de la crise

La gronde étudiante est donc bien lancée. Le mouvement s’amplifie du 3 au 13 mai, la crise devient sociale le 13, se noue en une crise politique du 27 au 30 et refluera seulement en juin.

A)

Du 3 au 10 mai, la grève étudiante s’étend. Le 10, les lycées se mettent à leur tour en grève. Le malaise d’une génération s’exprime par de violentes manifestations surtout parisiennes et surtout autour du quartier latin dans la nuit du 10 au 11, Paris retrouve les barricades de la Révolution.

Mais la contestation est aussi verbale s’épanouissant spécialement à la Sorbonne. Les slogans scandés par les manifestants permettent de mieux cerner leurs aspirations : outre le « CRS-SS » qui fera fortune, le poétique « sous les pavés, la plage » et le non moins célèbre « Changeons la vie et transformons son mode d’emploi » ou encore « 10 ans, ça suffit, bon anniversaire mon Général ». S’exprime alors le refus d’une société technocratique, ressentie comme répressive, qui parle de liberté et de fraternité mais repose surtout sur le conformisme et où règnent les inégalités sociales.

Cependant, il est bon de noter que seule une minorité conteste activement et que la majorité des étudiants reste passive. Le reste de la population française reste lui aussi assez immobile même si les brutalités policières attisent parfois sa sympathie pour le mouvement étudiant.

B)

Ce sont justement ces brutalités que dénoncent les centrales syndicales en appelant à la grève générale pour le 13 mai contre les excès de la police. La grève est un succès, impliquant pour la première fois le monde du travail à côté du monde étudiant. Grève sur le tas, spontanéité ouvrière, réminiscence de juin 1936, les syndicats sont dans un premier temps débordés, mais encadrent peu à peu le mouvement.

C’est sur fond de lutte des classes généralisée que la contestation universitaire se prolonge. Pompidou, de retour en France, lâche du lest : évacuation de la Sorbonne, libération des étudiants emprisonnés et recherche de contacts avec les syndicats ouvriers. En effet, malgré les élans du 13 mai, les deux mouvements se désolidarisent très vite :les délégations étudiantes venues de la Sorbonne pour fraterniser romantiquement avec la classe ouvrière ne sont pas reçues chez Renault. Pour l’Etat, seule la grève économique représente une menace. C’est donc sur cette crise que doit se concentrer le gouvernement. Les négociations avec les syndicats aboutissent avec les accords de Grenelle le 27 mai qui augmentent le SMIG de 35%.

S’ils satisfont la CGT qui souhaitait obtenir des avantages immédiats, les accords déçoivent la CFDT et surtout une partie de la base, qui souhaite des réformes de structure. Les syndicats ouvriers n’ont pas l’emprise escomptée sur le mouvement, les grèves continuent, le gouvernement semble à court de solution, la crise devient politique.

C)

Le 24 mai, la France est paralysée par 10 millions de grévistes. Le 27, lors d’un meeting du mouvement étudiant au stade Charléty, on note la présence de Pierre Mendès France et de quelques notables de gauche. La tentative de récupération du mouvement est manifeste le lendemain, alors que F Mitterrand déclare dans un communiqué de presse que si de Gaulle devait démissionner, il se porterait candidat à sa succession et prendrait Pierre Mendès France dans son gouvernement. De son côté, le PCF organise une puissante manifestation le 29 mai réclamant un « gouvernement populaire ». La crise est à son apogée avec la disparition de de Gaulle.

La situation se retourne avec le retour de de Gaulle, sûr de la fidélité de l’armée après sa rencontre avec Massu à Baden-Baden. Dans un message radiodiffusé, de Gaulle demande à ses fidèles de se joindre à une manifestation de soutien et annonce qu’il en appelle à l’opinion en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale.

La « majorité silencieuse » se rassemble autour du Général : le défilé gaulliste de la Concorde à l’Arc de Triomphe connaît un grand succès. Habilement, les gaullistes amalgament les gauchistes et la gauche, d’où un succès écrasant de la majorité aux élections : la France est lasse du désordre. Les législatives de juin sont un triomphe pour la majorité : elle obtient 358 sièges dont 293 pour la seule UDR. En face, 127 opposants forts divisés.

 

  1. Les conséquences de cette crise

Malgré le triomphe électoral du mouvement gaulliste qui obtient pour la première fois la majorité absolue des sièges, les premières divisions au sein du gaullisme apparaissent. Les députés gaullistes envoyés à l’Assemblée sont de tendance nettement conservatrice, ils ont été choisis par une France qui a eu peur du désordre. Non seulement ils montreront des réticences vis-à-vis des tentatives réformistes de de Gaulle, mais en plus, c’est une majorité qui se reconnaît plus en Pompidou qu’en de Gaulle.

Par ailleurs, le chef de l’Etat prend la décision très controversée de remplacer Pompidou par son très fidèle ministre des Affaires Etrangères, Couve de Murville. De Gaulle n’a en effet pas accepté que Pompidou lui fasse ombrage pendant la crise et le besoin de tourner la page se fait sentir. La scission entre les deux hommes s’accentue lorsqu’en 1969, à Rome, Pompidou se propose à la succession du Général. Celui-ci, dont l’autorité a été remise en cause par la crise de mai 68 et qui se voit défié par un de ses proches, veut relancer le régime dans sa vocation réformatrice. Mais le référendum qu’il lance sur la régionalisation et qu’il annonce comme un test de confiance est un échec le 27 avril 1969. De Gaulle démissionne et la crise de mai 68 en est une cause indirecte.

Edgar Faure qui reçoit la responsabilité écrasante de l’Education Nationale met fin à la grogne étudiante. La loi Edgar Faure réorganise les universités et y introduit notamment tout un système de conseils élus où sont représentés toutes les catégories d’enseignants, les étudiants et les autres personnels de l’université. Le système de cogestion pour lequel le Mouvement de Mai s’était battu triomphe donc d’une certaine manière même si pour sauver la face, les gaullistes parlent plutôt d’un système de participation qui est plus en accord avec leur doctrine.

A long terme, mai 68 aboutit à des changements plus profonds dans la société. Les institutions traditionnelles sont remises en cause : la magistrature, l’armée, la famille, l’Eglise. Partout, de l’entreprise jusqu’à la Présidence de la République, le principe d’autorité est attaqué. C’est cet aspect anti-autoritaire et libertaire (« il est interdit d’interdire ») qui va marquer durablement la société et la vie politique françaises. En tout cas, mai 68 représente une grande période de démocratie directe, qui accélère l’évolution des mentalités sur le travail, l’environnement, le rôle des femmes.

 

Le mécontentement des étudiants français coïncide avec l’essor des mouvements libertaires étrangers que le cosmopolitisme des mass médias permet de mieux connaître. Ainsi, on connaît Berkeley, foyer de départ de la contestation juvénile mondiale, on connaît l’exemple « romantique » de la Révolution Culturelle chinoise dont on ignore encore les effets pervers.

Les jeunes des pays développés critiquent la société de consommation qui n’offre pas d’idéal, dénoncent l’impérialisme américain, notamment le Viêt-Nam, éprouvent de la sympathie pour les mouvements révolutionnaires.

 

c)

Jusqu’en 1968, les démocraties populaires ne connaissent pas de changements importants même après la rupture entre la Chine et l’URSS (1959-1962), excepté pour l’Albanie (alignée sur la Chine maoïste) qui quitte le bloc de l’Est, et se voit de plus en plus isolée. Sur le fond, Moscou garde la main : une autre tentative de soulever le couvercle soviétique, expérimentée à Prague en 1968 sous le nom de « socialisme à visage humain », conduit au même résultat qu’à Budapest en 1956. La doctrine Brejnev édictée à cette occasion avance même qu’il est du devoir du camp socialiste de remettre le pays frère « déviant » dans le droit chemin. Après 1968, le parti communiste tchèque prend fait et cause contre la répression soviétique et appelle à refuser la « normalisation ».

 

CONCLUSION GENERALE

Tous ces événements semblent à première vue ne pas avoir de rapport les uns avec les autres, mais ils sont en réalité liés car chacun, à des degrés divers, traduit la situation paradoxale dans laquelle se trouve le monde : à la fois au cœur de la détente entre l’Est et l’Ouest, mais aussi traversé de multiples tensions politiques, sociales, culturelles…

Si 1968 demeure une année au cœur de la détente entre les deux Grands, le monde est toujours plongé dans la guerre froide et les tensions internationales autour desquelles, des contestations sociales nationales se développent à travers le monde occidental.


Jean-François madissertation

Jean-François 

📍 Localisation : Résidant à Lyon
🎓 Formation : Diplômé en Sciences de l'Éducation, spécialisé en méthodes pédagogiques innovantes et e-learning
🏢 Expérience professionnelle : Ancien responsable de programme chez EduFuture Academy
🔬 Expertise : Concepteur de programmes éducatifs pour CAP, BAC, concours et préparations aux examens
📚 Passion : Dédié à rendre l'éducation plus accessible et à promouvoir des techniques d'apprentissage modernes
🌐 Engagement : Pionnier de l'éducation numérique, travaillant à révolutionner l'expérience éducative avec les technologies de pointe
🌟 Reconnaissance : Leader dans les cercles éducatifs, souvent sollicité en tant qu'expert lors de conférences sur l'éducation
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