Syrie anatomie d’une guerre civile…
En 2011, le mouvement de protestation, dont est issue l’insurrection, tendait à l’origine à inclure des groupes minoritaires divers. Mais la formation de groupes politico-militaires à partir de 2012-2013 rompt cette logique inclusive. L’insurrection se différencie politiquement avec une polarisation croissante entre les groupes les plus radicaux et les groupes issus de l’Armée Syrienne Libre. Alimentée de l’extérieur, cette politisation opère selon deux registres, l’islam politique sous ses différentes formes, et notamment celle du califat, et le communautaire, dans le cas des enclaves kurdes du PKK. Quels sont les effets de la guerre sur la société syrienne ? Quelles nouvelles hiérarchies communautaires et sociales résultent de la violence généralisée ? Comment les trajectoires sociales des Syriens pris dans la guerre sont-elles affectées ? Comment se structure l’économie de guerre alors que le pays est divisé entre le régime, l’insurrection, le PKK et l’Etat islamique ? Un livre unique qui combine une recherche de terrain – rare sur le conflit syrien – et une réflexion pionnière sur l’émergence de l’Etat islamique.
Après plus de cinq années de guerre, ces derniers mois ont été marqués par un affaiblissement du groupe État islamique et une débauche d’activités diplomatiques, sur fond d’absence de solution politique comme militaire.
Le groupe Etat islamique est-il aux abois ? La guerre syrienne : quelles spécificités par rapport aux autres guerres civiles contemporaines ?
Entré dans sa 6 année, l’EI est pris en tenaille entre kurdes, rebelles syriens, forces de Bachar el Assad et coalition occidentale. Ils reculent mais restent capables de mener des contre-offensives réelles.
- Les bombardements de la coalition ont eu un rôle non négligeables mais ce sont les mouvements de milices comme le hezbolla, les rebelles syriens et kurdes, qui ont gagné la guerre sur le terrain et ce et sans couverture aérienne la plupart du temps. Les bombardements massifs ont été menés par les russes contre les rebelles de l’opposition au régime d’Assad, ceux de la coalition ont eu davantage de répercussions sur leurs flux logistiques et la communication, provoquant un affaiblissement encore plus inévitable.
- L’EI paie une stratégique d’attaque tout azimut, vers les turques, le régime Assad et les kurdes ou encore les pays occidentaux. La réalité est qu’ils reculent et s’effondreront sans doute dans quelques années. On assistera alors à des maintiens de groupes armés terroristes (GAT) pendant 10 ou 15 ans.
- On est donc passé d’un mouvement clandestin à une vraie organisation.
La guerre civile syrienne pourrait reprendre à 3 acteurs. Le régime Assad pourrait reprendre le contrôle du territoire mais du côté kurdes, on pourrait prétendre aussi à revendiquer du terrain. L’insurrection et les opposants au régime d’Assad pourrait représentée une légitimité auprès des populations.
Pour Bachar el Assad, reprendre le territoire complet serait reprendre du terrain contre l’insurrection et les kurdes. D’un jeu a 4 on passerait à un jeu a 3… Le mouvement Al Nostras (constituant le mouvement Al Qaïda syrien) pourrait souhaiter sans doute aussi soutenir les insurrections dans le Nord, ce qui rend cette guerre encore loin d’être terminée. En Afghanistan, en 1980, on pensait le conflit clos avec la victoire des troupes soviétiques mais en 10 ou 15 ans, cette guerre a repris jusqu’en 2014, donc aujourd’hui il n’est pas impossible que l’on change de nature de conflits. Assad deviendrait alors incontournable dans l’idée d’atteindre une issue réelle.
En comparant avec les guerres civiles contemporaines, les spécificités sont multiples :
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Passages des manifestations civiles entre 2011 et 2013 avec la bascule dans la lutte armées.
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L’état syrien reste faible et n’est pas en mesure de négocier donc il agit par la force.
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Il y a eu une volonté de produire une société alternative jusqu’en 2013 et a partir de là Al Nostras et l’EI sont arrivés pour radicaliser cette société souffrante.
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La Syrie ne diffère pas finalement sur certains points des autres conflits car la dimension régionale est grande, tout comme d’autres conflits comme en Afrique par exemple. L’implication de pays extérieurs est fréquente dans ce type de crise.
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Il y a aussi une fluidité entre des motifs identitaires et des motifs de guerre, ce qui est également fréquent comme en Afghanistan notamment pour des motifs ethniques.
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C’est une guerre très meurtrière comme il a rarement été vu ailleurs ces dernières années, en Syrie on observe une guerre ou les acteurs ne négocient pas.
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Sur le plan sociétal, la guerre syrienne est un printemps arabe qui a échoué, une volonté de transformer la société, qui avec l’empilement de ces guerres civiles, ne sera désormais plus possible.
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Les insurrections ont été réalisées par des gens, des manifestants anonymes et sans véritable structures ni hiérarchies donc avec peu d’efficacité. Il n’y a pas eu de soutien des occidentaux au moment de ces insurrections civiles.
Au final, cette guerre a échappé aux syriens car les pays de la région se sont accaparés ce conflit pour leurs propres intérêts, (Qatar, Arabie saoudite par exemple contre l’Iran), la poussée confessionnelle a écarté le rôle du gouvernement d’Assad. Chiites et sunnites ont montré des responsabilités de massacre vers l’un et l’autre des deux camps, comme envers certaines minorités chrétiennes.
Les négociations ont été toujours complexes, sans véritable action des NU, le régime d’Assad a pu agir en toute liberté rendant des tensions internes compliquées. Tous les individus modérés et non violents ont été neutralisés par Assad au départ et il a laissé les individus les plus radicaux agir. Il fallait aussi être bien conscient qu’en laissant la main de certains règlements aux russes cela ferait le jeu d’Assad de façon plus importante.
Du côté de la politique des EU, le prochain président devra prendre en compte la fin de l’Afghanistan qui traine en règlement définitif mais également s’occuper de la crise syrienne en trouvant un allié fiable…la politique étrangère conduite par les EU dans cette crise sera complexe comme ce fût le cas en Afghanistan avec les talibans. D’autant plus que les EU ont perdu la confiance du Pakistan qui aurait pu faire pression. La politique des EU est incohérente et les acteurs extérieurs sont trop forts pour que l’on puisse trouver des solutions simples à ce conflit.
Les réfugiés se sont accrus depuis le début du conflit, cette guerre a détruit toute une société. Les gens ont vécu une véritable révolution sociale, une transformation sociale en subissant les déplacements de milliers ou de millions de personnes, le prix sera au final payé par les européens. Mais cette population migrante ne devrait pas produire en Europe que des effets négatifs. Il faudra donc refonder une société mais les personnes déplacées se seront surement reconstruites ailleurs…ne facilitant pas structurellement leurs retours.
Politiquement, en acceptant Assad, peu de pays seront enclin de renouer ou de se lier avec lui. On peut donc craindre une nation isolée sur le plan politique. Sa volonté de faire partir les sunnites du pays a été claire. Cela compliquera son retour sur le plan international.
Sur le plan économique, dans les années 1970, le pays présentait le paradoxe d’être un pays pauvre mais avec une bonne base sociale. La mondialisation a corrompu rapidement l’économie avec la présence d’une oligarchie et le capital immobilier a été détruit dans les zones de combats. Cela a donc accru les différences régionales, les usines se sont exportées et il n’y a plus de production locale. La politique de libéralisation n’a pas permis de stabiliser la monnaie et la guerre a empiré ce phénomène.
Conclusion sur cette analyse
Le point clé sera sans doute le sud du pays. La solution sera d’abord militaire. Une dynamique de reconstitutions des institutions ne sera possible que si le nord reste stable, le soutien au sud sera aussi primordial pour renforcer cette reconstitution.