Et si on évoquait les Sociétés secrètes…

par | 12 Sep 2023 | Astuces dissertation

Sur le thème du #secret, vous devez avoir des notions liées aux sociétés secrètes. Elles ont toujours existé, elles font partie de la manière dont les hommes ont relié l’intelligence spirituelle au pouvoir matériel. Mais depuis le vingtième siècle et le développement des technologies, elles ont dû changer leur stratégie. En quoi consistent ces sociétés […]

Sur le thème du #secret, vous devez avoir des notions liées aux sociétés secrètes. Elles ont toujours existé, elles font partie de la manière dont les hommes ont relié l’intelligence spirituelle au pouvoir matériel. Mais depuis le vingtième siècle et le développement des technologies, elles ont dû changer leur stratégie. En quoi consistent ces sociétés et quelles sont ces stratégies…? Anne Dufourmantelle dans la défense du secret a développé une partie de son œuvre sur cet aspect du secret…

Les causes du changement de stratégie

Une société secrète est une organisation sociale qui demande que ses membres gardent une partie de ses activités et de ses motivations cachées. Ces sociétés avaient à l’origine un but religieux, reposant sur l’initiation, notamment en Égypte antique, ou dans les cultes à mystères du monde gréco-romain…

Le développement des qui a mis l’information au cœur du système politique et social ne pouvait plus les tolérer ouvertement. La dissimulation, en effet, n’est acceptée en démocratie que lorsqu’elle engage les intérêts de l’État ou si elle est liée à la déontologie d’un corps de métier.

D’un point de vue culturel, c’est le droit à l’information qui partout prévaut. Aujourd’hui, seules les institutions totalement fermées et les communautés traditionnelles entretiennent farouchement leur culture du silence. Dans les changements que certaines d’entre elles ont opérés, il y a l’utilisation « en surface » des moyens de communication les plus sophistiqués pour permettre à d’autres échelles une plus complète dissimulation de leurs activités.

Le maniement du secret est l’une des clés de la royauté et de toute tyrannie. Mais c’est précisément cette identification du pouvoir et du secret qui a été le fer de lance de la promotion de la transparence en terrain démocratique. La suspicion contre les organisations des sociétés secrètes et la manière dont elles gangrènent le lien social, mais l’envie par ailleurs « d’en être », sont l’un des paradoxes grandissants de notre culture. C’est comme le carré VIP : on ne le supporte pas mais on voudrait avoir la carte. Seulement nous faire croire que nous en « sommes » n’est qu’un mirage, comme toute opération qui prend en otage la fonction du secret.

Car enfin avons-nous envie de tout savoir ? Voulons-nous vraiment voir opérer en direct les raisons qui président à un conflit ? Si l’on ne permet plus la constitution de tractations secrètes, d’apartés, de hors-champ, alors la paix risque de n’être plus possible. Le philosophe Jan Patočka le disait autrement, en nous mettant en garde contre les valeurs du jour et de la paix qui lorsqu’elles ne font pas hospitalité « à la nuit », au négatif, fonctionnent pour la tyrannie. La paix est aussi une guerre évitée ou surmontée.

Ces sociétés au fil des siècles

Dans la Grèce antique, on louait la sagesse diaphane des oracles, qui révélaient et scellaient tout à la fois des vérités sacrées qu’il convenait d’interpréter. On organisait des mystères et le secret se mêlait intimement à la vie de la démocratie athénienne. L’exercice du pouvoir revendiquait clairement l’opacité. L’adage : « Qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner », faisait loi. La politique des rois est faite de complots, de tractations occultes et de diplomatie parallèle, comme en témoigne le « secret du roi », ce cabinet noir mis en place par Louis XV. On s’exprimait par énigmes, on codait les missives, on tenait des réunions à huis clos, on enfouissait des symboles dans les traités d’alchimie, et personne n’y trouvait à redire. Au contraire, c’est plutôt l’excès de transparence qui apparaissait dangereux aux anciens.

Le terme « ésotérisme » veut dire : « faire entrer ». Il permet d’occulter, puis de dévoiler, rite par rite, de nouveaux symboles afin de faire accéder progressivement les disciples à la connaissance. C’est du moins l’argument utilisé par des institutions fermées telles que l’armée et la franc-maçonnerie, qui poursuivent cette anachronique loi du silence. Dans la franc-maçonnerie, le secret est placé aux origines symboliques de l’institution. L’architecte du roi Salomon préféra mourir plutôt que de livrer les « mots de passe » aux traîtres. Cette culture du secret était également celle des compagnons qui œuvraient pour l’excellence au Moyen Âge.

L’armée, quant à elle, est la « grande muette ». Le caractère sensible des informations liées aux opérations militaires, mais aussi la neutralité politique que l’on exige des soldats imposent une classification des documents, dont fait partie le fameux « secret défense ». Au fil des siècles, cette contrainte s’est renforcée car s’y est ajouté l’arsenal de défense des secrets produits par une technologie ultra-sophistiquée. Toute critique publique du système par un militaire est devenue passible de sanctions. À partir du début du XIX siècle, une loi a obligé les militaires à demander une autorisation préalable de leur hiérarchie pour pouvoir publier un texte. Les secrets industriels, politiques et militaires ont trouvé dans les affaires Assange ou Snowden une sérieuse entaille à leurs opacités.

Mafia et secret vont de pair, non seulement vis-à-vis de ses membres, mais aussi à l’égard de ceux qui voudraient, de l’extérieur, la contester. Elle opère selon les principes de ses lois occultes. L’écrivain et journaliste Roberto Saviano décrit les logiques économiques et territoriales de la Camorra napolitaine, la nature de ses trafics (drogue) et les enjeux de la criminalité organisée. L’esprit de était une opération de grande envergure pour la politique italienne mafieuse que les juges voulaient assainir. Elle a fait dégager les membres les plus importants d’une certaine branche de la Camorra… Mais cela s’est fait au prix de la vie des juges Falcone et Borsellino, et au profit d’une autre méfia, plus redoutable, qui a pris sa place. Avec une collusion entre le pouvoir et le crime encore accrue. La prétendue transparence à laquelle on aspire est un mélange édulcoré au point de n’être plus qu’un élément de langage. Une propagande.

Le secret est fédérateur

Dans son étude sur les sociétés secrètes, le sociologue Georg Simmel a souligné l’aspect cohésif du secret lorsque ce dernier est partagé par un groupe d’individus. Entendu comme « action de dissimuler des réalités », il constitue un élément structurant d’une communauté, et devient fédérateur. Le secret, qui à première vue semble renvoyer à une absence de communication, ne serait-ce que parce qu’il implique de garder le silence sur certaines choses, peut être rassembleur. Le secret a ici une double polarité séparatrice et unificatrice.

Il structure la société selon le principe de l’inclusion et de l’exclusion en dressant des barrières entre ceux qui ont accès à un savoir et ceux qui ignorent ce pour quoi il demeure inaccessible. Simmel a montré que l’importance de la parole d’un individu, son effet, est proportionnelle à la place qu’il occupe dans une hiérarchie. Le secret est un acte, au sens où il « sécrète » quelque chose de très particulier : la chambre de Barbe Bleue se réverbère en miroir et se duplique à l’infini. Le secret est l’allié des hiérarchies, ce n’est pas là sa moindre nocivité : rituel, dépersonnalisation, accusation, cloisonnement… Il y a là un vrai arsenal.

Toute société secrète possède un arrière-plan encore plus caché. Pour Simmel, toute action ou organisation secrète comporte un mode d’action lui-même secret, (influence, glissement, insinuation, pression). Cet agencement caché vient saper les bases du contrat social pour substituer à l’état des choses une autre organisation sous-jacente venant la subvertir.

L’argent a beaucoup en commun avec l’inceste. Il ne faut pas que son trafic soit vu, il doit donner des gages de respectabilité à sa prolifération et à son impunité. Il doit multiplier les écrans, les filtres… et donner des gages à la médiatisation de sa prétendue transparence. Il faudra donc officiellement éliminer le secret dit bancaire et peu à peu les pays qui ont protégé les petits comptes les livreront aux impôts. Mais ce sera pour mieux inventer d’autres hors-champ, d’autres écrans de fumée, d’autres exils fiscaux.

La levée politique des secrets sert la politique mais ne la défait ni ne la contraint.

Secret ou dissimulations

Que tout secret soit potentiellement une dissimulation et donc un mensonge et non un « jardin » à l’abri duquel peut croître la vie, est notre nouvelle idéologie de civisme. Tout  sur les intentions des individus qui composent un corps social pour prévenir de futures déviances ou exactions, voire pour anticiper le devenir terroriste toujours possible de ses sujets, est un fantasme que les démocrates aujourd’hui partagent étrangement avec les décembristes de la Terreur. Il n’y avait à leurs yeux aucune limite au danger que faisaient courir au « peuple » les dissimulations dont est capable un individu que l’on aurait cru exemplaire.

Le soupçon est une hydre qui se nourrit de ses propres obsessions. Il fait venir au monde ce qu’il redoute le plus, il le fait exister, prendre corps et puissance. C’est bien ce que la société des aveux maintient : tout secret à ses yeux est déjà un mensonge. Le temps n’est plus à la censure mais à l’étouffement par l’imitation. Rien ne ressemble plus à un secret qu’une dissimulation, qui en pervertit pourtant l’essence. Le secret ne se garde pas lui-même, il est gardé. La dissimulation n’est là que pour couvrir exactions, faux-semblants et mirages. Elle vient constamment signifier autre chose.

L’idéologie de la transparence voudrait faire de l’humain un organisme parfaitement adéquat à sa fonction. Or tout système de pouvoir travaille avec une part d’ombre et d’iniquité. Avec le négatif. Le corps social qui nous affecte et auquel nous appartenons en est porteur. En faire partie (la citoyenneté), ce n’est pas nécessairement adopter la position cynique de qui en profite ni la position anarchiste de celui qui lui nuira. C’est refuser d’en devenir l’agent de renseignement. L’incitation à la délation va de pair avec une société sécuritaire. Quand ce qui est prôné, c’est le risque « zéro », il n’y a pas d’autre voie possible que celle où toutes les dissimulations seraient levées pour que toute résistance à cette « ouverture » de tous à tous soit complète et achevée.

L’information sacro-sainte, qui va de pair avec un système politique ou social qui serait entièrement déplié, crée des informateurs. D’où le statut hautement suspect des « lanceurs d’alerte ». Qu’il y ait nécessité dans toute société, dans toute organisation, d’une mise en alerte sur des abus, que certains individus en fassent leur métier ou s’entraident pour parvenir à traquer les abus et les transgressions de ce même système, cela participe de la santé de la liberté, mais que toute la population se voie encouragée à faire de même, c’est-à-dire à entrer dans la délation, est un effet pervers coercitif. Comme lorsque l’État appelle à manifester. La résistance est noyautée de l’intérieur par l’organisation qu’elle est censée surveiller.

La question n’est pas d’accepter servilement les opacités, mais de refuser de traquer tout aussi servilement toute résistance à une transparence informative idéale.

Surveillances

Par qui, par quoi veut-on être surveillé ? Quel est ce besoin d’être vu à tout prix ? Pourquoi ne pas vouloir avoir de secrets ? Pour se cacher qu’on n’est pas capable de mener une vie qui puisse en générer, une vie libre ?

Et c’est toujours au nom de son « bien » que l’on ordonnera aux individus d’être le plus lisible possible. De nouveaux totalitarismes s’esquissent dans les discours qui dénoncent le risque de voir renaître les anciens. La transparence volontaire sert la servitude volontaire.

Aucun État aujourd’hui ne peut garantir la sécurité absolue de ses citoyens. Quel que soit le niveau de surveillance qu’on met en place, c’est la seule analyse humaine qui fera la différence. C’est la question de « qui » interprète et non pas du seul arsenal technique défensif, si sophistiqué soit-il. La transparence n’est pas la vérité.

La société matérialiste n’a d’autre objectif que de nous rendre de plus en plus poreux aux images qu’elle sécrète, aux objets qu’elle fabrique et décompose, aux substances qu’elle considère indispensables à la fabrication d’un individu toujours plus lisse, aseptisé et interchangeable. Le secret suppose une élection, un choix. On le garde, et ce « garder » n’est pas une nécessité, mais un désir. Les individus sont façonnés par les règles sociales que le narcissisme impose, sans quoi ils sont exclus de la norme. Les êtres ne sont plus protégés que par cette armure factice qui, au premier coup, tombe en poussière. La dépression s’immisce alors, oblitérant l’appréhension de l’avenir. Et l’on se trouve de plus en plus face à des individus dit-on, poreux à une émotivité facilement manipulable, à des sensations qu’ils ne maîtrisent pas. Ces êtres « médusés » flottants, comme l’animal du même nom, et tentaculaires (il faut bien qu’ils accrochent quelque chose ou quelqu’un sur leur passage) c’est nous.

Violations du secret

Que se passe-t-il quand une culture décrète que le secret est un danger pour la sécurité d’un être ou d’une société ? Quand elle propose et impose des moyens décuplés par les techniques de surveillance mutuelles avec un Œil orwellien en guise de conscience. Quand la démocratie prône que l’on devrait tout savoir des transactions politiques qui président à l’agir de nos gouvernements ?

L’individu que profilent les réseaux sociaux n’a pas d’« envers », il est supposé être, en temps réel, ajustable aux changements de règle du jeu et anticipable. Son hyperadaptabilité est une condition de sa survie. Le peu de résistance qu’il offre à la frustration est inversement proportionnel à son avidité consommatrice.

Bien sûr, cette « société de consommation », qui veut la relayée par toujours plus de caméras, réelles ou imaginaires, de traces numériques, d’aveux, de témoignages, de bruits ; cette société multiplie les codes, les accès réservés, les dissimulations. Mais sont-ils pour autant des secrets ? Non, des tours de passe-passe.

La fin des royautés et l’exercice de la démocratie ont peu à peu fait sienne la règle de transparence qui aujourd’hui nous semble être la garantie la plus fiable contre la corruption dont on sait comment elle use du secret jusqu’aux basses-fosses de ses exactions. Mais la transparence est le nom par lequel le politique organise de nouvelles opacités. La démocratie institue le pouvoir du peuple à travers les élus qui le représentent. Ces élus ne devraient donc rien cacher pour exercer sans filtre le pouvoir qu’on leur a délégué. Mais chacun sait qu’une politique de la transparence est impossible puisque le pouvoir cultive le secret pour s’exercer.

Comment vouloir ne pas tout savoir sans pour autant renoncer cyniquement à toute exigence de connaissance partagée, ni se complaire à l’organisation de la cécité et participer ainsi à une injustice ? Des assauts de Julian Assange avec Weakileaks contre les ordalies des diplomaties étrangères et leur secret défense aux courses des hackers contre le développement des filtres et verrous informatiques, et aux lanceurs d’alerte sur les évadés fiscaux, il y a ce désir de connaître tout ce qui pourrait nous être dérobé, ce dont les citoyens seraient privés indûment, et qui profiterait à d’autres. Les récentes révélations sur les évasions fiscales organisées par les banques ne disent rien d’autre : la société mondialisée ne peut fonctionner qu’avec des règles du jeu constamment transgressées par les acteurs mêmes qui les mettent en place. Le « droit de savoir » n’a d’égal que la défiance contre la marche d’un monde animé par la logique du gain. La criminalisation mafieuse de l’économie, avec sa loi du silence, fait douter de plus en plus de la capacité des instances politiques à réguler son fonctionnement furtif.

La question de la vérité devient obsolète, la seule interrogation qui a du sens est celle de l’adéquation « en fait » des individus aux normes qui régissent la vie publique. On attache parfois plus de prix au crime d’« avoir » un secret qu’au contenu de ce secret lui-même.

Par voie de conséquence, et par impérieuse règle du « vivre-ensemble », il est de mise d’en finir avec nos chambres closes, notre intimité, nos lettres, nos retraits, nos hors champ. Le sujet débarrassé de tout complexe est à l’ordre du jour. Ses désirs se déploient dans l’espace panoptique du social. Cette discipline dispense même d’avoir vu sur eux puisqu’ils sont uniformisés. Et même de commettre des indiscrétions.

Il y aura des fautes, et chaque jour, au programme des aveux. La technologie se fera toujours plus invasive, permettra toujours plus d’exhibition, et la place publique prendra les dimensions planétaires de la toile. Des capteurs, des arsenaux statistiques interpréteront mieux que nous nos émotions et nos pensées tandis que nous seront délestés, libérés, de choix inutiles et encombrants.

Le secret n’est pas le code ni le filtre, même s’il peut en dépendre. On a trop tendance à confondre la porte blindée et ce dont elle défend l’accès. Il en est même l’exact contraire car ontologiquement, ce qui est protégé n’est ni prenable ni déchiffrable.

Contrairement à ce que l’on imagine, la fabrique du secret numérique, la production indéfinie de codes de protections, est vouée à l’entropie d’un effacement continuel. Les codes seront toujours déchiffrés, les systèmes de clôture et de défense seront rendus obsolètes par des techniques de plus en plus performantes, le secret est voué à la révélation, il lui revient.

Car il faut croire que le secret a, pour sa défense, d’autres voies que celle que lui oppose la culture de soi. L’identification à ce qui est caché donne le sentiment d’être assailli, le sujet devenant une place forte à investir. On identifie l’autre à ce qu’il détient. Dans l’affaire Romand par exemple, l’enfermement dans le mensonge emprisonne le faux médecin dans un aveu impossible car il anéantissait à ses yeux toute son existence. Ce qui était supposé le protéger l’a asphyxié avant de le pousser à « protéger » les siens – fût-ce par le crime – de son irrépressible mise en lumière.


Jean-François madissertation

Jean-François 

📍 Localisation : Résidant à Lyon
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🏢 Expérience professionnelle : Ancien responsable de programme chez EduFuture Academy
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📚 Passion : Dédié à rendre l'éducation plus accessible et à promouvoir des techniques d'apprentissage modernes
🌐 Engagement : Pionnier de l'éducation numérique, travaillant à révolutionner l'expérience éducative avec les technologies de pointe
🌟 Reconnaissance : Leader dans les cercles éducatifs, souvent sollicité en tant qu'expert lors de conférences sur l'éducation
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