Apparu dans les années 1970, devenu massif dans les années quatre-vingt, le chômage est aujourd’hui une des préoccupations principales de la société française. Il fera sans doute l’objet de nombreux débats lors de la prochaine campagne pour l’élection présidentielle. Ce que vous devez savoir, pour un sujet lié à ce thème, se trouve dans cet article. Attention aux contre-vérités sur ce thème, on en trouve des masses sur internet ou dans les quotidiens peu spécialisés et dans ce cas, la présence de celles-ci dans une copie de culture générale est souvent lourdement sanctionnée…
Comment mesurer ce phénomène devenu un enjeu politique ? Quelles raisons avancer pour expliquer le chômage ? Et enfin quels sont ses effets ?
1. Les définitions du chômage
Le chômage est un phénomène ayant à la fois une dimension individuelle et une dimension macroéconomique, c’est-à-dire affectant l’ensemble de l’économie. Pour un individu (personnes de 15 ans et plus), être au chômage signifie être dépourvu d’emploi alors qu’on souhaite exercer une activité professionnelle rémunérée. Au niveau macroéconomique, le chômage désigne la situation d’une partie de la main d’œuvre d’un pays, qui est dépourvue d’emploi et qui en recherche un.
En France métropolitaine, toutes catégories confondues (A, B, C, D et E), le nombre de demandeurs d’emploi s’élève à 6 239 700 en France métropolitaine (6 575 000 pour la France entière) soit à 9,7% de la population active.
2. Les différentes formes de chômage
- Le chômage conjoncturel est temporaire. Il est lié à une baisse ponctuelle de l’activité économique(exemple : fermeture d’une unité de production due à la perte d’un client important).
- Le chômage structurel correspond à une absence durable d’emplois sur le marché du travail. Ce type de chômage est la conséquence des mutations de l’économie. En effet, l’offre d’emplois se modifie en raison principalement des changements technologiques. Face à ces modifications, un grand nombre de travailleurs se trouve en inadéquation avec les offres du marché de l’emploi et les qualifications demandées.
- Le chômage frictionnel est le temps que va mettre une personne pour retrouver un nouvel emploi (période intermédiaire entre deux emplois).
- Le chômage technologique recouvre le chômage généré par une plus grande utilisation du capital technique dans le processus productif (robotisation dans l’industrie automobile).
- Le chômage partiel. Lorsqu’une entreprise réduit son activité au-dessous de l’horaire légal ou arrête momentanément tout ou partie de son activité et qu’elle n’entend pas rompre les contrats de travail qui la lient à ses salariés, elle peut avoir recours au chômage partiel. Le système d’indemnisation du chômage partiel permet de gérer une baisse d’activité ponctuelle, limitée dans le temps et ayant pour cadre l’année civile.
Le chômage partiel peut se traduire par une réduction partielle d’activité ou par un arrêt complet de l’activité de l’entreprise pendant une certaine période. Le salarié perçoit une seule allocation : l’allocation conventionnelle versée par l’employeur, ce dernier se faisant ensuite rembourser l’allocation spécifique à la charge de l’État.
3. Les mesures du chômage en France
Sa mesure est complexe. Les frontières entre emploi, chômage et inactivité ne sont pas toujours faciles à établir, ce qui amène souvent à parler d’un « halo » autour du chômage.
Il y a en France deux sources statistiques principales sur le chômage : les statistiques mensuelles du ministère du Travail, élaborées à partir des fichiers de demandeurs d’emploi enregistrés par Pôle emploi, et l’enquête Emploi de l’Insee, qui mesure le chômage au sens du BIT (Bureau international du travail).
Mais c’est pour effectuer des comparaisons internationales, que l’on utilise souvent la définition du chômage proposée par le BIT (Bureau international du travail). Sont considérées comme chômeurs par le BIT les personnes qui sont dépourvues d’emploi lors de la semaine de référence pour l’enquête (ce qui inclut les personnes ayant trouvé un emploi débutant ultérieurement), qui sont disponibles, cherchent un travail rémunéré et sont effectivement à la recherche d’un emploi.
Au cours de l’enquête-emploi, qu’il conduit en France chaque année, l’INSEE utilise la définition du BIT, mais de façon restrictive pour la première condition (être dépourvu d’emploi) et mesure la PSERE (population sans emploi à la recherche d’un emploi).
Mais c’est bien Pôle Emploi qui calcule chaque mois le nombre officiel de chômeurs en France en l’exprimant en DEFM (demandeurs d’emploi en fin de mois). Les DEFM sont les actifs disponibles pour travailler à temps plein, qui restent inscrits comme sans emploi à la fin du mois ou qui ont travaillé moins de soixante-dix-huit heures dans le mois. Avec ces procédures différentes, les mesures du chômage de l’INSEE et de Pôle emploi aboutissent à des résultats passablement éloignés. Depuis le milieu des années soixante-dix, le taux de chômage s’est très fortement et régulièrement accru; au cours des périodes d’expansion (1986-1990; 1997-2001)il a certes diminué, mais pas de façon significative.
4. Le rôle de Pôle emploi
La loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi a organisé la fusion de l’ANPE et de l’Unedic (et de son réseau opérationnel, les Assedic), afin de créer un guichet unique pour les demandeurs d’emploi : le Pôle emploi.
Sa création repose sur une volonté commune d’apporter aux demandeurs d’emploi et aux entreprises des services plus nombreux, plus personnalisés et les expertises combinées de l’Assedic et de l’ANPE. L’ensemble des agences (ANPE et Assedic) ont ainsi mis en place un accueil commun. Pôle emploi accueille également les personnes en activité qui souhaitent évoluer dans leur projet professionnel, ou les salariés en situation précaire qui recherchent un emploi durable. Pôle emploi propose également une gamme complète de services aux entreprises. Il les accompagne dans tous leurs recrutements (analyse des besoins, sélection des candidats, information sur les mesures d’aide à l’embauche) et assure le recouvrement des cotisations au titre de l’assurance chômage.
Les missions de Pôle emploi sont notamment l’accueil et l’inscription des demandeurs d’emploi, le versement des allocations des demandeurs d’emploi indemnisés et l’accompagnement de chaque demandeur d’emploi dans sa recherche d’emploi jusqu’au placement.
5. Les « explications » toutes faites
- La faute aux femmes et aux immigrés? Il apparaît une coïncidence chronologique troublante entre l’accroissement de l’activité des femmes (à partir des années soixante) et l’augmentation du chômage. Mais la croissance du taux d’activité féminin ne participe à la hausse du chômage que si l’économie ne crée pas d’emplois dans les mêmes proportions. La même remarque vaut aussi pour ceux qui attribuent la responsabilité du chômage aux immigrés.
- La faute aux machines? L’équation de la productivité permet certes aisément de comprendre qu’une croissance forte des gains de productivité, conséquence du machinisme, entraîne une baisse de l’emploi si la production n’augmente pas aussi vite. Mais c’est surtout la répartition des gains de productivité qui est en cause : s’ils ne sont pas utilisés pour réduire le temps de travail ou pour augmenter le niveau de vie de la population, alors le système productif tourne au ralenti, ce qui provoque une baisse des besoins en main-d’œuvre…
- La faute à la mondialisation? S’il est indubitable que l’ouverture internationale impose des adaptations du système productif (fermeture en France des industries moins rentables que celles des pays à faibles coûts salariaux), elle n’en offre pas moins des opportunités pour d’autres activités (aéronautique, transports, télécommunications…).
6. Les explications analytiques
Les auteurs libéraux (s’inspirant des thèses néoclassiques) attribuent le chômage à un mauvais fonctionnement du marché du travail. Celui-ci n’obéirait pas aux lois de l’offre et de la demande du fait de perturbations extérieures (salaire minimal, coût du travail trop élevé, entraves réglementaires).
Pour l’économiste britannique John Maynard Keynes (1883-1946), le chômage est principalement dû à une insuffisance de la demande globale anticipée. La demande de biens de consommation par les ménages peut être trop faible (baisse des revenus des chômeurs ou pressions à la baisse des salaires) et/ou la demande de biens d’équipements des entreprises est réduite par des anticipations défavorables sur le volume de la production.
Dès lors, même si le marché des biens et des services est équilibré, cet équilibre peut correspondre à un sous-emploi de la main-d’œuvre.
7. Les politiques mises en place pour lutter contre le chômage
- Les pouvoirs publics mettent en œuvre ces politiques lorsqu’ils considèrent que le niveau de l’emploi (offre d’emplois) peut difficilement être modifié. Ils vont alors avant tout s’efforcer de venir en aide aux chômeurs.
- Le traitement social du chômage cherchera donc à aider les personnes au chômage (assurance chômage, RSA – revenu de solidarité active – qui remplace le RMI) et à diminuer le nombre des actifs et des demandeurs d’emploi.
- La diminution du nombre des actifs peut consister à écarter du marché du travail le plus de personnes possible en favorisant l’allongement de la scolarité (ce qui permettra d’élever en outre le niveau moyen de qualification de la main-d’œuvre), en abaissant l’âge de la retraite ou en encourageant les départs anticipés à la retraite (les postes ainsi libérés peuvent être proposés aux demandeurs d’emploi), en encourageant certains parents à rester au foyer (versement d’un revenu de substitution dans le cadre des congés parentaux d’éducation) ou encore en proposant des aides au retour pour les travailleurs immigrés.
- Il est aussi possible d’agir sur l’indemnisation des chômeurs, notamment sur l’allocation chômage et le revenu minimum. L’allocation chômage est fonction de l’ancienneté (période de cotisations d’au minimum6 mois au cours des 22 derniers mois) et du salaire perçu pendant la période d’activité du prestataire. Le revenu minimum permet aux demandeurs d’emploi sans droits à l’assurance de rendre le chômage supportable et d’éviter la pauvreté et l’exclusion (versement du RSA et allocations spécifiques de solidarité).
Transposition de l’accord du 11 janvier 2013 entre les partenaires sociaux, la loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 crée de nouveaux droits pour les salariés, lutte contre la précarité et favorise l’emploi par une meilleure capacité d’adaptation pour les entreprises. Elle prévoit notamment :
- une amélioration des droits à l’indemnisation et à l’accompagnement des salariés précaires alternant périodes d’emploi et de chômage : des « droits rechargeables à l’assurance chômage »seront mis en place dans la nouvelle convention d’assurance chômage négociée à l’automne 2013 ;
- une incitation à recourir au CDI plutôt qu’au CDD via la modulation des cotisations d’assurance chômage des contrats courts et une exonération des cotisations pour les premiers mois d’embauche de jeunes en CDI ;
- une amélioration de la situation des salariés à temps partiel : rémunération dès la première heure des heures complémentaires, droit à une meilleure organisation du travail, en particulier pour éviter les longues coupures dans la journée.
8. Les effets sociaux du chômage
La crise des années 1970 a mis fin aux espoirs entretenus par la théorie keynésienne. Le chômage est redevenu une préoccupation centrale non seulement des pays riches mais également des pays moins développés. Derrière l’aspect quantitatif, le chômage entraîne souvent une perte d’identité sociale.
- Une population qui s’appauvrit
Pour les individus, mais surtout pour les ménages, le chômage a comme principale conséquence une perte de revenus pour plusieurs raisons : les indemnités sont inférieures à la rémunération habituelle de l’emploi anciennement occupé, le temps de cotisation est souvent trop faible pour que les personnes puissent bénéficier d’indemnités élevées.
En outre, la sortie du chômage ne favorise pas obligatoirement une hausse des revenus, car le chômeur qui reprend un emploi connaît une décote de son salaire par rapport à celui des autres actifs. Cette dépréciation est d’autant plus forte que le temps de chômage est élevé.
- La précarité modifie les relations sociales
Un niveau de chômage élevé modifie les relations sociales, car il crée une véritable angoisse pour l’ensemble de la population. Avec plus de 10 % des actifs sans emploi au cours de la première moitié des années 1990, tous les ménages se sont sentis concernés. La principale conséquence est la décrue des conflits sociaux. Toutefois, on n’observe pas ce phénomène dans la fonction publique, caractérisée par la stabilité de l’emploi.
De plus, la mobilité sociale ascendante n’augmente plus. En effet, les fortes discriminations inhérentes au système scolaire ne peuvent être compensées par une carrière professionnelle favorisant l’ascension sociale : il est aussi difficile en 1993 qu’en 1977 d’accéder à une position sociale supérieure modifiant ainsi les relations entre les générations.
- La perte d’identité sociale
La façon de vivre son chômage dépend de plusieurs variables sociales : l’âge, le sexe et l’appartenance sociale.
Le rapport au travail et le réseau des relations sociales est différent selon l’âge. Les jeunes n’ont pas le même rapport au travail que ceux qui se situent à un moment de leur vie où le travail permet de définir un statut social affirmé et qui ont construit leur vie sociale sur des relations de travail.
On peut avancer l’hypothèse que le rapport au travail est différent pour les hommes et les femmes. Le rôle de ces dernières dans la famille peut leur permettre de vivre différemment la perte de leur emploi.
Cette variable est définie par plusieurs éléments : le revenu, le niveau culturel et la profession.
Dans ce cadre, on retrouve essentiellement les travailleurs manuels, surtout les hommes adultes. Le chômage est vécu comme une humiliation, caril provoque la perte irrémédiable du statut social, créant un sentiment de solitude qui peut devenir facteur de désocialisation.
Il concerne essentiellement une population de femmes jeunes, faiblement qualifiées. Le chômage est considéré comme une période de vacances dont on tire profit : voyages, sports, lectures, etc. Ces chômeurs ne sont pas encore entrés dans le monde du travail. Pour d’autres, plus qualifiés, le chômage est l’occasion de vivre des activités de substitution, artistiques par exemple. Ces chômeurs inversent les valeurs liées au travail et au chômage.
Il concerne surtout les cadres ayant un niveau de diplôme élevé et au chômage depuis peu de temps. Ces chômeurs s’investissent dans de nouvelles activités comme la formation, la recherche d’emploi ou des activités de loisirs.
L’importance variable de la durée du chômage peut déboucher sur une réinsertion plus ou moins rapide et satisfaisante; le chômage est alors de « conversion ». Dans le cas contraire, il devient un chômage répétitif ou d’exclusion.
Le chômage de masse, surtout pour les jeunes, modifie le rapport parents-enfants.
Ces derniers, non assurés de leur insertion dans la vie professionnelle, préfèrent habiter plus longtemps chez leurs parents et retardent le moment de vivre en couple. La proportion de jeunes de 20 à 24 ans résidant chez leurs parents ne fait qu’augmenter depuis les années 1980.
Si la solidarité familiale peut sortir renforcée de l’épreuve du chômage, celle-ci peut avoir des conséquences négatives sur les relations conjugales. La perte d’emploi crée une véritable souffrance qui se concrétise par la séparation ou même le suicide. Ce ne sont pas seulement les chômeurs qui sont touchés, mais l’ensemble d’une jeune génération qui ne supporte pas les tensions dues à la précarisation des conditions de vie provoquée par le chômage de masse.