La loi du 8 août 2016 « relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels » modifie peu à peu et, selon les cas (et les points de vue), en profondeur le Code du travail par la publication de décrets. Mais dans les faits, que change-t-elle ? Salariés comme employeurs, tout le monde est touché. Cet article se propose de vous donner un cours éclairage des changements apportés….
Les ambitions affichées par la loi travail sont claires : plus de dialogue social, plus de souplesse et de visibilité pour les entreprises, plus de protection pour les actifs, en particulier ceux en situation de précarité. Mais qu’en est-il vraiment ?
-
LA REFONTE DU CODE DU TRAVAIL
Une commission d’experts est chargée de simplifier le Code du travail (article 1er de la loi). Avec cette loi on pense en finir avec les dizaines de cas particuliers, seuls les grands principes prévaudront. Dans deux ans, le Code du travail s’articulera autour de trois axes :
- Les règles d’ordre public, auxquelles aucun accord ne peut déroger ;
- Les dispositions relevant du champ de la négociation collective;
- Les dispositions supplétives, applicables en l’absence d’accord collectif.
Pour les contestataires, ce remaniement pourrait tourner au casse-tête pour les juristes, au moins le temps de s’approprier le nouveau Code. De plus, les conséquences concrètes pour le salarié et l’employeur restent floues.
-
LA PRIMAUTÉ AUX ACCORDS D’ENTREPRISE MAJORITAIRES
La loi accorde davantage de souplesse aux entreprises en prévoyant «la conclusion d’accords d’entreprise dérogatoires à l’accord de branche ou à la loi », ce que les experts qualifient d’ «inversion de la hiérarchie des normes» (articles 8 et 22 de la loi, repris par l’article L3121-68 du Code du travail). Cet usage inédit a des répercussions sur le temps de travail, notamment sur « l’aménagement et la répartition des horaires de travail à l’intérieur de la semaine, les périodes de repos, les conditions de recours aux astreintes, ainsi que les modalités de récupération des heures de travail perdues lorsque la loi permet cette récupération ».
Ce type d’accords se décline par ailleurs en « accord de préservation ou de développement de l’emploi » (APDE). Surnommé « accord offensif », l’ADPE permet à l’entreprise d’ajuster temporairement son organisation (modulation du temps de travail et des salaires sous conditions) pour rester compétitive et conquérir de nouveaux marchés, par exemple. Il prime sur le contrat de travail (article L2254-2) et le salarié qui refuse de s’y plier s’expose à un licenciement économique, avec parcours d’accompagnement personnalisé.
Pour les contestataires: Un accord négocié au sein de l’entreprise qui l’emporte sur un accord de branche éventuellement plus favorable pour le salarié marque une régression.
Quant à l’ADPE, le salarié n’a guère d’autre choix que l’accepter s’il veut conserver son emploi.
3. L’ÉLARGISSEMENT DES MOTIFS DE LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE
La loi a abandonné l’idée d’imposer au conseil de prud’hommes un barème d’indemnités de licenciement indexé sur l’ancienneté du salarié en cas de licenciement abusif (un référentiel existe néanmoins à titre indicatif). En revanche, elle élargit les règles du licenciement économique en se basant sur la jurisprudence. De même, une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires peut légitimer un licenciement économique, pour toutes les entreprises, quel que soit leur effectif (article 67, repris par l’article 1233-3).
Cette mesure vise à « réduire l’insécurité juridique sur les licenciements économiques », c’est-à-dire limiter les recours devant les tribunaux, pour « un effet positif sur le marché de l’emploi et lacroissance ».
Pour les contestataires: Si certains économistes estiment que cette mesure lèvera la « peur de l’embauche », en particulier dans les PME, d’autres en doutent.
4. UNE MEILLEURE FORMATION PROFESSIONNELLE AVEC LE COMPTE PERSONNEL D’ACTIVITÉ (CPA).
Grâce au compte personnel d’activité (CPA) présenté comme l’un des acquis sociaux de la loi Travail, tous les droits sociaux (formation, chômage, pénibilité) acquis par le salarié durant sa carrière sont regroupés (article 39 de la loi et repris par l’article L5151-1). Le CPA comprend le compte personnel de formation (CPF),le compte personnel prévention pénibilité (C3P) et le compte d’engagement citoyen (CEC, qui valorise le bénévolat et le volontariat dans le parcours professionnel). Il ouvre des droits convertibles selon les modalités prévues par chacun des comptes.
Pour les contestataires: c’est une « Coquille vide », pour d’autres, usine à gaz et pour certains, l’efficacité du CPA devra être démontrée dans la pratique.
-
DROIT À LA DÉCONNEXION, VISITE MÉDICALE D’INFORMATION ET DE PRÉVENTION, BULLETIN DE PAIE DÉMATÉRIALISÉ
La loi Travail a marqué les esprits par l’adoption d’un trio de mesures. La disparation de la visite médicale d’embauche au profit de la visite médicale d’information (Vip) avec remise d’une attestation d’aptitude valable cinq ans (trois ans pour les travailleurs de nuit, les travailleurs handicapés et les titulaires d’une pension d’invalidité), et du suivi individuel renforcé pour le salarié qui occupe un poste à risque (article 102 repris par l’article L4624-1). Lire la question 63. Le droit à la déconnexion aux outils numériques doit permettre le respect des temps de repos et de congé du salarié, et délimiter plus précisément la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle (article 55, repris par l’article L2242-8). La dématérialisation du bulletin de paie devient la norme, en attendant le bulletin de paie simplifié pour les PME prévu pour 2018 (article 54 repris par l’article L3243-2).
Pour les contestataires, ces mesurettes ne constituent pas de réelles avancées !
Source : Benjamin Janssens