Comme vous le savez sans doute, les deux thèmes 2019 de l’épreuve de questions contemporaines pour le concours commun IEP ont été dévoilés et sont : « le secret » et « le numérique ». Dans une première réflexion, que nous inspirent ces deux thèmes ? Quelles approches possibles ?
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Le thème du « numérique »
Le numérique est un sujet de société, un sujet de civilisation avant tout… Le numérique est un thème global et complet qui nécessite des approches sociétales, économiques, technologiques ou scientifiques et sans doute celui de l’immatérialité…tout en restant dans une période fortement contemporaine…!
Mais les sujets possibles de ce thème seront probablement liés, à la nouvelle révolution industrielle, aux big data, aux comportements humains face à ce phénomène, au progrès, à l’art et la culture, à la fracture numérique, à l’ouverture et au traitement des données publiques, à la protection des données , à l’innovation mais encore peut être à la digitalisation des services publics, à l’éducation, à l’intelligence artificielle, à l’uberisation de l’économie, voire à la concurrence des multinationales américaines comme les GAFA…
Il conviendra dans vos fiches de toujours lier le thème du numérique à ceux de : la mondialisation en proie à une nouvelle révolution industrielle et où les grandes entreprises technologiques sont de plus en plus hégémoniques, aux comportements humains, mais aussi aux thèmes du pouvoir et des libertés individuelles tout comme celui de la neutralité… Les « tiers lieux » sont aujourd’hui incontournables tant pour la e-culture que la e-agriculture ou la e-éducation par exemple…
Tout le monde n’a pas la même perception des enjeux de la transformation digitale de la société et de l’économie qui, parfois, permet de s’appuyer dessus pour libérer l’innovation et dynamiser l’économie. Certains voient, au contraire, le numérique comme une menace qui nécessite des solutions pour protéger les citoyens et les entreprises nationales. D’autres le considèrent comme un levier de croissance et de souveraineté. L’immatérialité des échanges est vectrice de réseaux sociaux, de lieux ouverts de mutualisation des outils numériques, d’échanges, d’apprentissage, d’expérimentation et de création…
« Le numérique“ est aussi un enjeu politique même si il n’est pas politiquement correct. Il faut justifier la suppression d’emplois ou la déshumanisation du travail, faire preuve de courage politique et de pédagogie. Les candidats le placent au cœur des campagnes électorales en évoquant la couverture du territoire en très haut débit, en évoquant la solidarité 2.0 passant par la création de plateforme numérique collaborative pour accompagner les handicapés et les populations les plus fragiles. Et l’ont évoque de plus en plus des plans d’investissement pour la redéfinition de l’action publique, la digitalisation des services publics locaux afin de pouvoir effectuer davantage de démarches administratives en ligne.
Ce thème demeure également au cœur du respect des impératifs de sécurité du citoyen, de protection du consommateur et de loyauté de la concurrence. Il est au cœur du développement de l’e-santé face aux déserts médicaux et faciliter l’exercice de la citoyenneté à travers des plateformes numériques permettant aux citoyens de participer à l’élaboration des lois.
La société n’est pas en reste face à ce thème dont les problématiques sont nombreuses : comment le vivre ensemble, sans perte de sens, se développe dans la société du numérique ? L’idéologie internet est elle sans risque comme le pensent ceux qui la fabriquent ? L’innovation sociale numérique est-elle en phase avec les nouvelles formes d’emploi intégrant de nouveaux modèles sociaux et un code du travail modifié ? …
Enfin, on notera des enjeux de sécurité de notre territoire avec la possibilité de services cryptés et ses désavantages pour lutter contre le terrorisme. Les données chiffrées se retrouvent au coeur des enquêtes terroristes ou des enjeux liés à la cybersécurité ou aux cybermenaces…
Les bibliographies sont nombreuses :
L’homme nu – La dictature invisible du numérique de Marc Dugain et Christophe Labbé.
Valeurs de la transition numérique: Civilisation de la troisième révolution industrielle de Michel Volle.
La Cyberdéfense – Politique de l’espace numérique de Stéphane Taillat et Amael Cattaruzza.
La confiance à l’ère numérique de Milad Doueihi;Jacopo Domenicucci.
Les nouvelles frontières du travail à l’ère numérique de Patrice Flichy.
Aux sources de l’utopie numérique : De la contre culture à la cyberculture de Fred Turner et Dominique Cardon.
Dans la nuée : Réflexions sur le numérique de Byung-Chul Han et Matthieu Dumont.
La societe numerique (Cahiers français n°372 Janvier-Fevrier 2013) aux édition Collectif.
2. Le thème du « secret »
Le thème « du secret » est aussi entièrement d’actualité car notre quotidien nous montre en permanence des formes différents de secret : bancaires, politiques, philosophiques, religieux, familial, professionnel, médical…ou encore de l’Histoire, des sociétés et civilisations secrètes !
Un effort de réflexion sur le concept fait évidemment partie d’un travail à priori plus complexe que pour celui du numérique… Mais n’était-ce pas déjà le cas avec le thème lié « aux radicalités » … ? Il implique de tirer toutes les idées des conséquences du secret : La transparence, la discrétion, la curiosité… « Le secret se cache tout en se manifestant » telle est la définition qu’en donne la tradition…
Gardez tout de même en mémoire que l’épreuve s’installe dans la période contemporaine et que le thème doit resté lié aux secrets de notre époques éclairés par ceux du passé.
Un secret (du latin secretus) est une information, ou un savoir qui se trouve soit caché soit inaccessible. Il a de nombreuses implications métaphysiques et est aussi lié aux problèmes de la connaissance et de l’initiation. Il est souvent synonyme de « mystère » et enveloppe la connaissance, inaccessible et parfois irrationnelle. Ainsi, on identifie un ensemble de secrets à une conspiration…
Le thème du secret hante nos écrans, notre littérature, il est presque devenu une mode. Cette omniprésence n’est pas surprenante, notre époque adore la transparence et la révélation poursuivant ainsi un lent processus historique qui, des Lumières à l’avènement de la société de l’image et des médias, nous oblige à ne rien laisser dans l’ombre.
Le thème est très vaste car les origines et les formes du secret renvoient aussi bien à la métaphysique qu’à l’histoire des sciences ou de la politique.
Le secret n’existe, en somme, que dans la nuance. S’il faut bien convenir que l’histoire du secret est aussi l’histoire de la perte du sens de la nuance…
- Le secret bancaire est devenu, dans certains cas, une philosophie d’État comme en Suisse, ou au Luxembourg, il favorise parfois l’apparition de paradis fiscaux (îles caïman par exemple).
- Le secret d’État et le secret militaire sont apparus avec la formation de nations organisées.
- Le secret médical est apparu avec le médecin porteur d’une éthique médicale.
- Le secret professionnel, avec l’apparition des conflits économiques, est devenu une règle managériale.
- Le secret commercial et le droit du secret des affaires sont aussi de notre temps.
- Le secret de l’Instruction montre un sens juridique à cette expression.
- Le secret de l’isoloir, garant de l’expression démocratique qui couvre la partie politique de ce thème.
- Le secret de famille (au sens psychologique) est un thème souvent abordé notamment par Serge Tisseron, Anne Ancelin Schützenberger et Pascal Hachet.
Dès lors sera inévitablement soulevée la question de la légitimité du ou des secrets et leurs places dans la société et l’histoire. Seront également soulevées les questions d’éthique et de philosophies, pour développer ce qu’on pourrait peut-être parler plus justement des aspects du secret et des aspects de la transmission d’information à caractère secret, du glissement du « secret » vers ce qu’on qualifie de plus en plus « d’information à caractère secret » impliquant de se confronter à la question des valeurs morales dominantes d’une société.
La bibliographie semble un peu moins accessible mais en cherchant bien les références en histoire, en littératures ou en philosophies restent nombreuses. Dans l’attente des traditionnels manuels qui viendront en septembre aider les préparationnaires on peut certainement signaler quelques références cinématographiques :
L’Auberge Rouge de Claude Autant-Lara 1951
La Comtesse aux pieds nus de Joseph L. Mankiewicz 1954
La Nuit du chasseur de Charles Laughton 1955
La Source de Ingmar Berman 1959
Délivrance de John Boorman 1972
Soleil Vert de Richard Fleischer 1973
L’invraisemblable vérité de Fritz Lang
3. Un sujet commun ?
Les deux thèmes du secret et du numérique se rejoignent d’ailleurs dans celui des services cryptés et des données chiffrées…
Secrets à l’ère numérique (Médium n°37-38, octobre 2013 – mars 2014) aux éditions Collectif
Vous développez des concepts inhérents aux thématiques se rapportant au numérique dans un environnement pluridisciplinaire.
C’est dire que l’information s’élargit ā une vitesse vertigineuse ā l’ère de la mondialisation pour nous rapporter des secrets et énigmes des sciences de l’information et de la communication.